Pour la deuxième saison de Loups Garous, on a discuté avec Fary et Panayotis Pascot. Après avoir imposé leur univers dans une première saison aussi réussie qu’inattendue, le duo revient avec une ambition renouvelée : pousser plus loin encore les codes du jeu devenu générationnel et de ceux de la télévision. Avec leur nouvelle casquette de producteurs, Fary et Panayotis Pascot dévoilent les coulisses de ce nouveau statut, entre liberté artistique, prises de risques et responsabilités nouvelles. Entretien.
Fary : Ah ouais t’as des vraie notes à l’ancienne, un peu. T’as vraiment, c’est un manuscrit ?
Booska-P : En vrai je préfère écrire. Je sais que vous vous enregistrez…
Fary : Beaucoup, oui. J’écris aussi un petit peu, mais en fait, j’écrirais plus si j’avais une jolie écriture comme toi !
B : C’est gentil. Toi, Panayotis, comment se passe l’écriture de tes spectacles ?
Panayotis : Je fais les deux. J’ai toujours un carnet sur moi, il est dans mon sac. Et je prends beaucoup de notes. Mais par contre, là, il y a des lignes, non ? Je déteste quand il y a des lignes. Ça me rappelle l’école et ça me donne pas envie d’écrire (rires).
Fary : Moi c’est pareil, j’ai l’impression que je dois faire des calculs, des fractions, l’enfer (rires). Mais dans un tout premier temps, l’écriture c’est vraiment comme un rappeur sur le téléphone. Il y a une idée, il y a quelqu’un qui a dit un truc marrant, je me dis putain, ça a un retentissement, je vais l’écrire vraiment en une ligne dans mes notes… Et ensuite, je le teste et je vois ce qui fonctionne. C’est là que je vais commencer à écrire en profondeur.
Panayotis : Y’a des notes je n’en ferai jamais rien, et des fois c’est juste des directions, il n’y a pas la blague encore, il n’y a pas le lien comique, mais juste l’idée de la prémisse qui m’intéresse et je me dis peut-être sur scène, je vais trouver quelque chose.
Fary : J’adore comment tu es rentré dans cette interview de manière tout à fait organique. En fait, déjà, dans le stand-up, de manière globale, il y a ce truc où ce n’est jamais fini. Tu n’as jamais vraiment fini un spectacle. Tu sais que tu vas toujours pouvoir trouver une meilleure blague, un meilleur silence, une autre façon d’incarner…
B : Vous avez une réputation d’énormes travailleurs dans chacun des domaines où vous vous impliquez. Quel rapport, vous avez avec la difficulté ?
P : Nous, on aime le challenge. Je pense que c’est un gros point commun qu’on a. C’est qu’on est vraiment excités par l’idée du challenge. Par rapport au loup-garou, c’est tout con, mais quand il y a cinq ans, on se raconte cette idée dans la rue, l’idée de se dire : « Comment on va faire un truc comme ça ? Comment on choppe les droits du loup-garou qui est un des jeux les plus vendus dans le monde ? Puis après, il faut qu’on en fasse un truc qui fonctionne. » En fait, ça nous excite.
F : C’est pour ça que de la saison 1 à la saison 2, c’est bête mais le premier retour que m’a donné ma mère c’est : « Ah, vous avez bien réussi à faire un truc différent. » Il y a la volonté de ne rien figer à chaque fois, de se dire : « Ok, comment on va se surprendre même nous-mêmes ? »
B : Quels sont les moments dans Loups Garous que vous kiffez le plus ? Parce que vous êtes engagé de l’écriture jusqu’à la promotion…
F : C’est très dur de choisir. C’est une question hyper-intéressante. Et moi-même, je me suis posé la question et j’ai beaucoup de mal à répondre à ça, parce que le moment où on est en création pure, où on crée la mécanique de jeu, où on veut trouver des nouveaux rôles, trouver des façons de relancer la partie, je crois que c’est là où on prend le plus de plaisir. C’est vraiment choisir entre ses enfants, parce que le moment de tournage, c’est un moment exceptionnel. C’est peut-être le moment préféré de Pana, je crois…
P : Moi, j’aime le côté colonie. On est tous entre nous et on n’a pas le choix que de faire la série. Dans douze jours, il n’y a plus de caméra. Il faut qu’on rentre tout ce qu’on a pensé. Et là y’a une espèce de challenge. L’horloge qui tourne… Et on voit tout ce qui se déroule sous nos yeux… Ce qu’il faut savoir, c’est que tu as quand même pendant deux semaines, 37 caméras qui tournent quasi 24 sur 24. Et donc aller choper ce qu’il te faut dedans et raconter une histoire comme dans une série, c’est hyper dur. C’est comme si dans Prison Break, tous les gens dans la prison étaient filmés tout le temps et il faut que tu ailles trouver la pépite.
B: Vous êtes à l’origine d’un phénomène pop, avec des théories diffusées dès la fin des épisodes par une communauté super engagée autour du show, vous vous rendez compte du succès ?
F : On avait cette volonté-là à la base, c’était vraiment l’ambition. Aller s’inscrire sur l’histoire de ce jeu qui a marqué toute une génération et en faire un truc énorme et global. Mais maintenant qu’on est dedans, moi, je ne le vis pas du tout comme ça… On a tellement l’impression d’être toujours dans la création artisanale. Dans mon salon, il y a un tableau Veleda où il y a les toutes premières idées qu’on a eues il y a cinq ans. Et ça ne s’efface plus tellement je l’ai gardé, c’est un truc qui se colle sur le mur. Et j’ai toujours cette sensation-là parce que tu sais, Pana, on se connaît depuis plus de 10 ans. Les gens qui sont autour, on est vraiment très proche et il y a vraiment un truc très familial dans notre façon de travailler où on s’écoute beaucoup, où on prend des décisions très collégiales. J’ai toujours ce sentiment d’être en train de bricoler.
P : Là, tu vois, celui qui fait le jeu, c’est Idriss. C’est un pote à moi qui est devenu pote avec Fary. On a fait l’affiche ensemble. Gloire qui était là pour nous donner des conseils sur le look pour le shoot, il nous aide aussi sur la com. C’est un pote à moi depuis longtemps.
F : On est vraiment entouré que d’amis. Ce sont des amis de Paname qui sont devenus des créatifs et aussi des personnes avec qui je travaille beaucoup. J’ai aussi ramené un gars qui s’appelle Mathurin Il a designé ce dont on parlait hier.
P : Il a aussi designé mon appart. C’est devenu un proche alors que c’était un pote de Fary à la base. C’est marrant, en fait.
B : C’est quoi les valeurs de votre groupe ?
F : Je crois qu’on est assez excité sur toujours trouver une idée créative et singulière. Tous, ce sont des gens qui aiment foncièrement le débat. On aime bien se challenger dans nos idées, dans nos façons de voir les choses.
P : On n’a pas d’ego dans les idées. Souvent, dans une équipe créative, je pense que tu peux être 15, s’il y a une personne qui a un ego mal placé à un endroit et qui va se battre pour son idée alors qu’il n’est pas prêt à entendre qu’il y a peut-être meilleur, ça, je pense que c’est compliqué.
F : Des fois, on peut se battre pour une idée, même avec un peu de mauvaise foi.
P : Ça nous est déjà arrivé.
F : Mais si le mec en face, il a le bon argument, on est en mode…Comme un jeu d’échec.
P : Entre la thématique qu’on voulait à la base et la thématique finale de cette saison… Et inversement, sur des trucs, on peut débattre. Moi, j’ai déjà dit : mordicus, il faut faire ça pendant six mois en étant persuadé pour le truc. Fary, à un moment, il me dit un truc et je fais : « putain, tu as raison« . Carrément, on est mort de rire à quel point je retourne ma veste d’un coup. Je crois qu’on a beaucoup d’ego, mais jamais dans le débat créatif.
F : Ça, c’est hyper précieux puisqu’on voit beaucoup d’artistes qui sont entourés de « Yes Man » et ça aide pas.
P : Ils auraient vu nos habits avant Idriss et Chloé, ce n’est pas des « Yes Man ».
F : Tu sais quoi ? Moi, pour mon spectacle, j’ai un gars qui s’appelle Paul Dechavanne. Il fait la mise en scène. C’est vraiment le gars le plus odieux au monde. Je fais en sorte de l’avoir à côté de moi parce que je sais qu’il va me donner le point de vue le plus extrême, inverse de ce que je pourrais avoir et c’est mon point de départ.

B : Quels sont vos attentes par rapport au public ? Qu’est-ce que vous avez envie qu’ils ressentent ? Quelles étaient les ambitions ?
P : J’ai envie qu’on tende de plus en plus vers la série. D’ailleurs, on est une série non scriptée, mais j’ai envie que les gens oublient quasiment que…
F : Et qu’ils comprennent le concept de l’élément de langage, la série non scriptée. Les habitudes que tu as vis-à-vis d’une série, tu les as dans notre programme, sauf qu’on n’a pas écrit ce qu’il se passe.
P : C’est de la matière vivante.
F : Je pense qu’on veut que la communauté grandisse. Comme il y a une communauté Game of Thrones, on en veut une aussi.
P : Exactement. En fait, on est arrivé aussi avec un format qui était hyper hybride.
F : Où il y a déjà une communauté, d’ailleurs.
P : Oui, mais à un moment où la télé, elle est très normée quand même.
F : De fou.
P : Tu as vraiment des cases. Littéralement, c’est le terme, tu as des cases en télé. On est arrivé avec un objet hybride. Il y a des gens qui pensaient que c’était de la série, qui se disaient. : « je croyais que c’était une série intense« . En fait, c’est une émission qui est marrante et sérieuse à la fois. Il y a des joueurs, des candidats. Ce n’est pas de la téléréalité. Et puis, ce sont des astronautes quoi (rires).
F : Ça, on avait du mal à le faire comprendre aux équipes. Ça va être tendu, mais ça va être marrant. Ils n’arrivaient pas à le voir.
P : Alors que nous, on fait des blagues tout le temps dans nos vidéos, donc on est tendus. Dans la saison 1, il y a eu un peu de surprise en mode : « oh, c’est un objet chelou« . Et maintenant, on aimerait asseoir le fait que c’est un objet qui a sa place. Un des retours dont on était les plus contents, c’est celui de Madame Laroche-Joubert. C’est une grosse productrice, qui a créé le LOB, qui fait Koh-Lanta, etc. Elle nous a dit : « je ne peux même pas vous dire à quel point, quand c’est sorti, j’ai regardé la saison et ça a challengé nos équipes« . On s’échange de temps en temps des messages avec elle. Je suis sûr que dès que la saison 2 va sortir, elle va nous envoyer des messages. Elle est trop cool. Surtout maintenant, vu qu’elle boss chez Banijay, elle travaille aussi sur les ventes à l’inter du programme.
F : Elle a signé un deal sur 16 pays pour les options.
P : C’est une des meufs qui est la papesse de la télé et entre autres de la télé d’aventure. Donc quand elle nous dit : « vous avez renouvelé le genre« , c’est un grand moment et une fierté.
F : En plus, je crois qu’on a aussi la volonté…Tu sais, dans notre équipe, on a un gars qui s’appelle Momenani. Il a été formé par par John De Mol. Il a vraiment fait de la pédagogie avec nous pour nous faire comprendre à quel point le flux, c’était un genre à part entière. Qu’il y avait de la créativité et de la beauté artistique dedans, comme on peut retrouver des œuvres d’art dans les jeux vidéo. Il y a des mecs qui font des scénarios titanesques parce qu’ils mélangent plein de choses en même temps et qui par la suite, se sont reproduits dans la fiction. Je pense que notre ambition, c’était aussi celle-là.

B : On ne peut pas prendre le truc avec mépris parfois.
F : Exactement. C’est là où on veut emmener le programme.
P : Nous, on aime le flux surtout. On regarde le flux, on kiffe.
F : On veut montrer qu’il y a toute une portée créative, même si on n’écrit pas les dialogues et les scènes. Pour que tout ça se passe, c’est comme organiser un très bon mariage ou réussir un très bon documentaire. La matière, elle est sur le documentaire. Toutes les images, elles sont là. Il y a des focus qui sont faits sans aller prendre des images, à part les interviews. Avec les docus sur DJ Mehdi et sur Michael Jordan, tu sais que des créatifs sont derrière. Et nous, c’est un peu ce qu’on essaie de faire.
On n’en parle pas, mais c’est un vrai rêve pour nous, le documentaire, le docufiction. On s’en est beaucoup inspiré. C’est pour cette raison que les portraits viennent interrompre le progremme, si tu sors un tout petit peu du jeu, pour expliquer un job particulier, ce que c’est une fonction, qu’est-ce que c’est que d’être dans la police scientifique ? En quoi ça va t’aider ? Quelle aptitude ça va être ?
B : Cette interview est accompagnée d’un shooting. Quel rapport avez-vous avec votre image ?
F : On se disait tout à l’heure qu’on détestait les photoshoots. Il y a certainement des gens qui sont à l’aise avec ça. De manière générale, je ne suis pas à l’aise avec les photos. Sur mon Insta, il n’y en a pas. Je ne fais pas de stories. On est très attiré par l’esthétisme et le beau. On essaie de transmettre ça aussi dans le programme. Pana est beaucoup dans le cinéma et ses choix, ils sont aussi orientés autour de qui est du bon cinéma. Parce que le bon va souvent avec le beau. Malheureusement ou non, l’image va avec ça. Il y a des moments où on est obligé de prendre le temps de se poser, de faire un truc qu’on n’a pas forcément envie de faire. Par exemple, pour être dans le concret, dans l’émission, il y a des « beauty » qu’on doit faire avec les candidats. Nous, ça ne nous plaît pas parce qu’on leur prend du temps et on les fatigue.
P : Et après, au montage, on est bien content de les avoir. Là, tu vois, on est sur le shoot et vraiment, il fallait qu’on se dise : « on aurait pu prendre ce temps-là pour aller en montage et tout« . On passe quatre heures ensemble. Ces moments sont rares. On est là à poser comme des cons. Après, quand ça va sortir, on va être trop contents. On a la même chose sur le montage. Je te jure, il y a des moments où on a envie d’avancer sur le tournage. Il y a des moments où il y a une grosse tension. On a envie de faire des plans de drone et on est là : « putain, ça nous rend fous ». Et après, au montage, on est tellement contents. C’est toujours un juste milieu. Le beau, je pense que c’est un truc sur le long terme. C’est rare de se dire : « là, on est en train de faire du beau, ça va porter ses fruits« .
F : C’est rarement du beau facile.
P : Ça, c’est vrai.

B : Pour l’entretien, je me suis replongé sur les captas de vos spectacles. On sent qu’il y a de la réflexion, même sur les décors de vos derniers spectacles…
P : L’humour, il a changé.
B : Oui l’humour, il a changé, mais je pense comme…
F : Comme tout. Par exemple, je pense qu’il y a un vrai parallèle entre le rap et l’humour. Le stand-up, c’est un peu ce qu’était le rap dans les années 90-2000. C’est-à-dire qu’il y a un gros public et ça fait déplacer beaucoup de gens. L’engouement est assez massif, mais il n’y a pas de place en termes de valeur dans ce que représente le divertissement ou même l’art de manière générale. Ça ne nous donne pas accès aux mêmes choses. Pana doit encore plus le sentir parce que lui, il est à cheval entre l’humour et le cinéma. C’est vraiment des échelles de valeurs complètement différentes. On le sent ne serait-ce qu’avec la télé. En tout cas, on valorise davantage les idées créatives qu’on peut avoir dans un objet comme celui-ci que dans un objet de stand-up. Mais après, le stand-up, par essence, il y a un truc niche et très proche de la vérité.
P : C’est le truc qui vend le plus. C’est la deuxième année de suite que les sites de billetterie vendent plus de places de stand-up pour Noël que de concerts. Pour autant, on reste toujours niches. Encore aujourd’hui, il y a des gens qui se demande si c’est un vrai métier.
F : Le côté stand-up, ça va jamais s’institutionnaliser.
P : On ne s’installe pas vraiment parce qu’on n’a nulle part où s’installer. Donc, on a toujours la niaque. On a toujours un truc au fond du ventre qui frémit, tu vois.
F : Mais ce n’est pas fait pour aussi. Le stand-up, ça vient se construire en opposition avec une espèce de ligne directrice qui serait induite, normale et imposée. L’idée même du stand-uper, c’est celui de contradicteur. Donc, l’idée que ce truc-là soit institutionnalisé, c’est presque contre nature.
B : Avez-vous le sentiment que plus la société va mal, mieux le stand-up se porte ?
F : C’est le cas. Plus ça va mal et plus tu as envie de rire. Si ça ne s’institutionnalise pas, ça se démocratise. Vu qu’il y a de plus en plus de comedy clubs, ça veut dire qu’il y a de plus en plus d’humoristes qui peuvent en faire leur métier sans être forcément connus. Tu n’as pas besoin de grand-chose pour pratiquer ton art et pour que ça existe. J’ai l’impression que ce qui fait de ce que tu pratiques un art, c’est le moment où tu rentres en contact avec un public. Si tu le fais tout seul chez toi, est-ce que ça devient une œuvre d’art ? Dans le stand-up, entre le moment où tu crées et la confrontation avec le public, il se passe très peu de temps. Dans la musique, il faut déjà avoir un studio. Je pense que c’est la raison pour laquelle on en a de plus en plus. Ce sont des réflexions que l’on entend souvent : »il y a beaucoup trop d’humoristes« . Personne ne se dit qu’il y a trop de musique sur Spotify.
Après, il y le stand-up et il y a l’humour. Ce sont deux choses différentes. Aujourd’hui, on a une façon de consommer l’humour qui n’est pas du tout en lien avec la scène. C’est l’un des vecteurs numéraux pour te vendre tout et n’importe quoi, que ce soit un film, une pub ou un produit. Et c’est ce qui est le plus consommé sur les réseaux.
B : Panayotis, jusqu’à présent dans tes interviews, on avait le sentiment que tu étais toujours pressé de passer à l’étape suivante. Aujourd’hui, ce ne semble plus être le cas. T’en es ou actuellement ?
F : Il faut juste qu’il fasse une thérapie avant cette question. Si ça ne te dérange pas (rires).
P : Si tu peux me laisser dix ans pour répondre (rires). Je crois vraiment que le spectacle, que je fais en ce moment, correspond assez bien à l’endroit où je suis. C’est vraiment entre les deux. Je sens que je ne suis plus un enfant et parfois ça me fait vraiment chier. J’ai des pics de mélancolie, je te jure.
F : Cette sensation est trop bizarre.
P : De fou.
F : Quand tu es petit, tu imagines l’adulte en mode : « putain, ce monde chiant« . Et là, tu te dis : « je suis ce mec là.«
P : Moi, j’adorais les adultes. Je voyais pas ça comme un monde chiant. Au contraire, je voyais ça comme : « la liberté que ça doit être« , Je peux manger ce que je veux. Je peux me coucher à l’heure que je veux. Ça va être fou. Je me souviens très bien, enfant, d’avoir dit à mon grand-frère quand j’ai vu une pub pour Center Park à la télé : « mais pourquoi ? C’est quoi ça ?« . Il m’a dit : « c’est un truc, ça ne coûte pas trop cher. Il y a des toboggans. Tu peux kiffer dans la forêt avec tes potes« . Après, tu grandis et tu te dis : « parce qu’il y a des champignons dans le pédiluve, et que ça coûte cher et qu’il faut payer un loyer« . Je suis dans cet entre-deux parfois où j’ai toujours un regard d’enfant, sans en être un. D’ailleurs, c’est là où c’est cool de bosser à deux. Il n’y a pas longtemps, j’avais un gros down sur la saison. Il y a des moments où Fary m’a remotivé et inversement.
F : Il me transmet parfois son down.
P : Le côté adulte, c’est toujours être au rendez-vous et t’as pas le droit de t’échapper. La définition d’un adulte, c’est qu’il peut pas fuguer. Ce sont les enfants qui fuguent. Aujourd’hui, je produis mon spectacle. Je ne peux pas m’enfuir. Je ne peux pas me dire, je ne le fais pas. On produit cette émission, on ne peut pas fuguer. On doit être là au tournage, on doit être présent, on doit suivre le montage
F : C’est marrant, je me disais ça hier. L’idée d’être adulte, j’ai l’impression que ce n’est pas un moment dans la vie ou une période. J’ai l’impression que c’est plus une posture sociale. Donc tu n’as pas besoin de l’avoir tout le temps.
P : Je crois qu’on se bat toute notre vie pour que les gens aient quelque chose à faire de notre avis. C’est vraiment la base de notre métier. C’est très adulte de vouloir être inséré. Pour qu’on ait envie d’écouter ton avis, il faut que tu puisses prouver aux gens que tu as ta place en société. Et c’est normal de ne pas tout le temps savoir ce que tu fais et où tu vas. Je suis vraiment dans cet entre-deux en ce moment. Je gagne très bien ma vie. Dieu merci, je fais un métier que j’aime. Mais il y a des moments où je regrette un peu l’innocence d’un enfant.
Quand on termine la saison, on est trop contents mais une semaine après, il y a le montage. On a commencé hier les réunions sur la saison 3 alors que la 2 n’est pas sortie. J’essaie de gérer avec innocence et légèreté mes responsabilités. C’est l’endroit où je suis.
F : Il y a un peu moins la volonté ou l’urgence d’aller à l’étape d’après. Tu peux réaliser les projets que tu as envie de réaliser.
P : C’est ça. Je touche du bois parce qu’on sait que tout est éphèmère, mais je suis à un moment où quand on propose des idées, on nous écoute. Encore une fois, ça revient à l’enfant qui a envie d’être écouté par les adultes. Quand on va toquer à la porte de Canal + pour leur proposer ce projet, ils nous écoutent, ils prennent du temps et ils sont hypés par l’idée. C’est vraiment une chance immense, inouïe. Quand tout va bien, je panique et je me dis que je vais me casser la gueule dans pas longtemps. Aujourd’hui, j »arrive à être plus chill. Je suis pas loin d’être heureux.
F : Qu’est-ce que le bonheur ?
P : Fary toi t’es dans quel mood là ?
F : Moi, je kiffe hein
P : Pas toujours arrête de mentir.
F : Franchement, je kiffe. Il y a des moments où…
P : T’étais énervé en arrivant là ?
F : Il y a des moments où il y a des sujets qui vont prendre le dessus sur ma journée…
P : Ça passe vite.
F : Dès que je suis en déplacement, je prends du recul. Quand je suis posé quelque part avec mes amis ou quand je suis sous la douche, je me dis que j’ai de la chance. Même les soucis qu’on a, je les trouve ludiques. Je travaille ce truc d’essayer de se contenter. On l’oublie beaucoup mais la série Loups Garous n’a failli ne pas se faire parce qu’on s’est fait prendre l’idée par par deux diffuseurs. Avec Canal +, on est tombé sur des gens qui voulaient prendre des risques avec une volonté créative de faire quelque chose de singulier.
P : Mais on n’aurait pas abandonné. En vrai, tu parles de Netflix mais il y en a eu d’autres, dont on taira le noms. Canal + a pris le temps de comprendre ce qu’on avait en tête. Ils cherchent toujours de nouveaux formats. C’est leur force. Ils font confiance à des talents et essayent de coller le plus possible à leur vision.
F : Ils laissent toujours la porte ouverte
P : Exactement.
B : Merci beaucoup pour cet échange les gars.
P & F : Merci à toi.
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