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Vaï : « Après dix ans d’absence, je repars à zéro » [INTERVIEW]

Vaï : « Après dix ans d’absence, je repars à zéro » [INTERVIEW]

Entretien avec un rappeur original à plus d’un titre.

Vaï est de ceux qui présentent un profil atypique dans le rap game. Après plus de dix ans d’absence, il débarque avec du nouveau : A zéro. Un titre grâce auquel il opère une véritable mise à jour, lui qui avait connu le succès avec le fameux Sur ma vie. De son rôle de père jusqu’à ses interrogations musicales, l’artiste aborde tous les sujets chez Booska-P.

Que s’est-il passé depuis 10 ans et le succès du titre « Sur ma vie » ?

Le succès du titre Sur ma vie date de 2008, à l’époque je suis parti en tournée promo, notamment en France. A mon retour, j’ai dû livrer un autre album pour l’hexagone. Le public français commençait à me connaître alors que j’avais déjà plusieurs années de carrière et des projets derrière moi. Donc, quand je me suis posé pour écrire et enregistrer, j’ai directement su que c’était forcé. Il n’y avait rien, je n’étais pas excité par l’idée d’écrire. J’avais besoin de prendre une pause, mais pas de livrer un album juste pour le livrer. Je voulais faire quelque chose de différent de l’opus Ma raison, que ce soit pour le texte ou pour la production… J’ai finalement pris une pause. Sauf que cette pause s’est complètement transformée. J’ai eu tout un tas de questionnements, d’un point de vue personnel ou spirituel. Au final, j’ai repris un commerce familial, j’ai ouvert deux restaurants à Montréal, je me suis marié et j’ai eu un fils. Je me suis plu là-dedans, a tel point que la fameuse pause a duré dix ans. Je n’étais pas dans le domaine de la musique, mais je n’étais pas loin non plus. J’ai par exemple appelé mon restaurant Vaï Burger et les jeunes venaient pour me parler de mon son. J’ai continué d’écouter de la musique… Jusqu’à en refaire moi-même il y a peu.

Tu fonctionnes toujours à la passion ?

J’ai toujours eu cette manière de fonctionner. J’ai besoin de ressentir quelque chose pour me mettre à travailler car la musique, c’est juste de l’émotion. Je me connais, il faut que je puisse ressentir une émotion à la base pour la partager avec d’autres, à travers des textes ou des prods. Il faut qu’il y ait quelque chose de vrai à la source pour bâtir autour. Si ce quelque chose de vrai n’est pas là, ça ne me plaît pas.

J’ai fait une pause qui au final aura duré dix ans

Comment tu as retrouvé ce quelque chose de vrai ?

Aujourd’hui, mon inspiration vient surtout de ces dix dernières années passées loin de l’industrie de la musique. J’ai vécu plein de choses, des bons comme des mauvais moments. Cela parle beaucoup de ça, de mes questionnements spirituels, des amitiés perdues, etc. Je trouve que j’ai été à certains moments très mal entouré, notamment par des personnes toxiques. Au final, cela a fait naître quelque chose de positif en moi, car c’est ma principale source d’inspiration. Je suis passé par plusieurs émotions et j’ai fini par avoir un déclic. Il y a par exemple le fait d’être papa, qui est une sacrée expérience. Cette longue pause m’a permis de retrouver ma plume, c’est un mal pour un bien.

Être papa, qu’est-ce que cela a changé pour toi ?

Cela te change en tant que personne, donc forcément, ça change aussi ta manière de voir la musique. Quand tu as un fils, t’as l’impression de devoir lui apprendre des choses alors que c’est lui qui te les apprend. Quand j’écris des textes, j’y pense forcément, car je me base sur mes émotions. Il y a une répercussion directe.

De quoi tu t’es inspiré pour tes prods ?

J’ai toujours été inspiré par ce qui se passait ici, en Amérique. Je trouve qu’au niveau de la prod’, les américains ont toujours envoyé du lourd avec des sonorités plus recherchées. Pour ce qui est du texte, le français est beaucoup plus poétique. Mais oui, côté production, j’ai toujours aimé piocher mes influences dans les sons à l’ancienne et ça n’a pas changé. Je travaille toujours sur de vieux samples, en allant chercher des voix et en les retravaillant. Je suis moins dans les nouvelles prods, même si j’aime bien aussi. Je préfère aller chercher dans la old school, même hors Hip-Hop.

Mon inspiration vient surtout de ces dix dernières années passées loin de l’industrie de la musique

Le délire Soulful, c’est un patrimoine qu’on n’a pas en France.

C’est vrai et c’est dommage car si tu analyses bien, tout vient de là. Les premiers albums Hip-Hop ont ces empreintes de Jazz, de Soul et de Funk. Tout ça est très présent dans l’univers du Hip-Hop et je trouve ça bien de réutiliser cette touche à la sauce 2019.

Dans « A zéro », on ressent ça avec une touche plus électronique. C’est comme une mise à jour pour toi ?

C’est une prod qui fait très 90’s et ça fait partie de la musique que je kiffe en général. Tout ce qui est deep house, j’ai découvert ça dernièrement. Il fallait le reprendre pour en tirer un morceau Hip-Hop. Sans pour autant en faire trop, j’avais envie de ramener ce côté Electro House dans A zéro.

C’est un titre qui parle de lui-même. Entre egotrip, phases très personnelles et messages profonds.

Ce qui est marrant, c’est que A zéro est mon premier morceau depuis mon retour, le premier que j’ai écrit. Ce qui est bien, c’est que le titre parle de lui-même. Après, je ne parle pas exclusivement du fait que je recommence une carrière… A zéro, c’est comme une sorte de renaissance. Il y a des questions que je ne me pose plus et il y a des événements qui font que je vois les choses autrement, comme la venue au monde de mon fils. J’ai puisé dans des émotions très personnelles pour écrire ce texte. Axer le sujet sur une nouvelle carrière, c’est trop superficiel. J’ai toujours besoin d’une profondeur au niveau des textes. Les auditeurs pourront faire des liens avec leurs propres vies, puis pour moi, ça représente surtout quelque chose de profond.

Si j’écris ce n’est pas pour rien, c’est parce que j’ai des choses à dire

Le message justement, c’est toujours aussi important pour toi ?

Je trouve que c’est très important d’arriver avec des textes plus profonds. Aujourd’hui, par exemple, les chansons se consomment de manière extrêmement rapide. On peut écouter un titre quatre ou cinq jours et vite passer à autre chose. En général, les chansons ont du mal à perdurer dans le temps. Avant, un single pouvait même tourner six mois. Désormais, on laisse plus de place pour les gimmicks et les mélodies, il y a beaucoup de rappeurs qui débarquent avec des morceaux très accrocheurs. Peut-être que si on a gagné ça, on a perdu un peu de puissance dans le texte. Un morceau avec un bon texte, on peut le redécouvrir à chaque fois, c’est ce qui peut le faire vivre plus longtemps. Il y a plusieurs écoles et c’est plutôt cool de les mixer. On pense à celle du texte comme IAM et NTM, puis des groupes actuels qui parviennent à être plus précis. Aujourd’hui, il n’y a plus le côté forcé du texte, il n’y a plus de remplissage, on pense à dire le maximum de choses en très peu de temps. Désormais, c’est punchline après puchline, il faut que tout soit lourd.

Comment est-ce que tu as repris le travail pour effectuer ton come-back ?

J’ai commencé l’écriture en septembre dernier, c’est très récent. J’ai un studio à la maison, il n’y a pas mieux que de bosser de chez soi, cela m’a permis de travailler sur tout. Lorsque j’ai fait écouter mon travail à mes proches -mon équipe qui n’a quasiment pas bougé depuis l’album Ma raison– tout le monde a trouvé ça lourd. Au final, nous avons juste eu besoin d’un plus gros studio pour peaufiner tous mes titres sur du meilleur matos. A 90 %, le gros de mon travail s’est fait chez moi.

Ce retour, c’est une réelle envie, mais est-ce que ça représente un vrai challenge ?

C’est un peu des deux. Si j’écris ce n’est pas pour rien, c’est parce que j’ai des choses à dire, mais après dix ans d’absence, c’est clair que ça représente un vrai challenge. Mais ce que j’apprécie, c’est aussi de voir que Sur ma vie fonctionne chez les jeunes générations. Certains pensaient que le morceau venait de sortir. Cela me montre qu’un morceau fait en 2008 peut toujours être d’actualité, c’est toujours une question de sincérité et d’émotion, ça, c’est impossible à démoder.

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