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Toute la discographie de Kanye West passée au crible !

Toute la discographie de Kanye West passée au crible !

Retour sur la musique de l’un des artistes les plus en vue du 21ème siècle…

Kanye West est un rappeur. À force de frasques médiatiques, délires mégalo et autres rêveries entrepreneuriales (chacune de ses catégories méritant à elles seules un article à part entière), on avait presque fini par oublier que depuis plus de 10 ans le roi de l’hybris est un des piliers de la musique mondiale.

Kanye West sort un nouvel album. À bientôt 37 ans, celui qui dès ses débuts comme producteur imposa sa griffe à coup de samples de soul accélérés (Izzo (H.O.V.A.) de Jay Z, Guess Who’s Back de Scarface, You Don’t Know My Name d’Alicia Keys…) est désormais ) la tête d’une discographie qui n’a cessé de se réinventer et de brouiller les lignes entre les genres.

Kanye West sera toujours Kanye West. S’il continuera ad vitam aeternam de laisser de marbre des détracteurs qui lui reprochent (non sans fondement) ses paroles parfois faiblardes, son narcissisme à ciel ouvert ou sa culture trop poussée du copié/collé, à l’exception d’Outkast, qui d’autre peut se targuer de rallier à la fois les suffrages des ayatollahs du rap, des radios pop et des critiques rock ?

[Dossier mis à jour à chaque nouvelle sortie.]

THE COLLEGE DROPOUT (2004)

Et dire que Dame Dash s’est longtemps montré hésitant avant de laisser Kanye sortir son premier solo…

Non content de chambouler à nouveau les standards de la production avec une formule qui associe samples de soul et hymnes gospel, celui qui voulait prouver au monde qu’il était aussi un rappeur fait étalage d’une personnalité que l’on devine déjà à part, entre épanchements biographiques (les 12 looongues minutes de Last Call) et tourments spirituels (Jesus Walk, ou lorsqu’il ne se prenait pas encore pour un Dieu).

Ce College Dropout marque également un tournant dans l’histoire du rap. Que ce soit au niveau des fringues (polos pastels, sac à dos et jeans resserrés), des thèmes ou de l’attitude, c’est toute une posture gangsta qui commence à battre de l’aile au profit d’une musique renouant en partie avec l’état d’esprit plus jovial, plus ouvert des De La Soul, A Tribe Called Quest & Co.

Si tout n’est pas parfait (ça part un peu dans tous les sens, trop de guests, ces interludes interminables qui cassent l’écoute…), cet album a plutôt bien vieilli et demeure une référence des années 00. À réécouter si ce n’est pas encore fait donc.

LATE REGISTRATION (2005)

Moins d’un an et demi après son premier solo, et quelques mois à peine après avoir produit la quasi totalité du très (très) bon Be de Common, le Louis Vuitton Don revient aux affaires avec ce que nombreux de ses fans considèrent, non pas comme son meilleur album, mais leur album préféré.

Successeur logique de College Dropout, Late Registration se veut plus abouti, plus maîtrisé, ce qui paradoxalement le dessert quelque peu. Ses défauts ont moins de charme, trop policée cette Inscription Tardive manque parfois un peu de saveur.

Et puis comme ce sera de plus en plus le cas par la suite, Kanye commence à trop s’autoréférencer dans ses textes, au point qu’il faut vraiment être fan de lui pour les comprendre et les apprécier.

Bon attention la qualité est là et le succès mainstream au rendez-vous (merci Jamie Foxx, merci Shawna) avec un son qui sonne de plus en plus pop.

GRADUATION (2007)

Avec cette conclusion de la trilogie du nounours, Kanye passe à la vitesse supérieure : de rap star il veut passer au statut de rock star. Pour ce faire le son proposé doit pouvoir être joué et repris dans des arènes remplies de dizaine de milliers de personnes.

Bienvenue dans la stadium music !

West a beau rappé « when you try hard, that’s when you die hard », il met les bouchées doubles pour conquérir les masses à coup de samples pas forcément très subtils (les Daft Punk, P.Y.T. de Michael Jackson…) mais qui donnent néanmoins des morceaux ultra efficaces.

Plus court que ses deux précédents essais, Graduation contient seulement 13 morceaux (moins de guests, et Dieu merci plus de skits) ce qui le contraint à s’exposer pleinement.

Bien lui en a pris, car malgré le faussement modeste Big Brother, il pile la concurrence dans le rap avec son premier morceau vraiment street (le très bon Can’t Tell Me Nothing), met sévèrement Lil Wayne à l’amende sur Barry Bonds et surtout gagne la guerre des chiffres face à un 50 Cent qui ne s’en est jamais vraiment remis.

808s AND HEARTBREAK (2008)

Contrairement à bon nombre de ses pairs, Kanye n’a jamais été frileux lorsqu’il s’agit de s’ouvrir dans ses textes (Family Business, Hey Mama…). Composé suite au décès de sa mère et à la rupture avec sa copine d’alors (la designer Alexis Phifer), ce 808s franchi néanmoins un nouveau palier en matière d’introspection.

[On peut d’ailleurs légitimement s’étonner que Ye ait mis tant de temps à s’afficher au casting d’une télé-réalité]

L’utilisation extensive de l’autotune lui permet certes de chanter, mais surtout de se laisser aller à une mélancolie plus accrue qui se marie sans effort aux prods futuristes et aux mélodies nappées de synthé.

À sa sortie beaucoup ont dénigré ce disque, beaucoup l’ont adoré, chacun peu ou prou pour les mêmes motifs. Reste qu’au delà de ses qualités intrinsèques, un peu comme le Rappa Ternt Sanga de T-Pain sorti 3 ans auparavant, il paraît difficile de contester l’influence de cet album sur ses contemporains.

Sans 808s and Heartbreak aurions-nous connu Future ? Drake ? Young Thug ?

MY BEAUTIFUL DARK TWISTED FANTASY (2010)

Il est des albums dont on sent tout de suite qu’ils vont être des classiques. Majestueux dès les premières notes, ce Fantasme beau sombre et tordu réussit le tour de force de ne jamais faire retomber le souffle par la suite.

La grandiloquence qui habite certains sons (le cinématique Power, l’envoutant Devil in a New Dress, l’orgiaque All of the Lights…) ne paraît jamais vaine ou forcée.

Entouré des légendes RZA, Q-Tip et Pete Rock, en véritable chef d’orchestre Yeezy tire le meilleur des artistes invités (Nicki Minaj, Rick Ross, Pusha T…), tout en magnifiant les éléments qui ont bâti le succès de ses précédents albums.

De la passion, de l’émotion, de l’énergie, MBDTF c’est tout ça à la fois et bien plus encore !

On aurait tant aimé que Kanye aime cet album autant que ceux qui l’ont aimé et qu’il continue sur cette voie.

WATCH THE THRONE (2011)

Cette collaboration entre deux artistes qui ont depuis longtemps accompli leurs rêves de prospérité les plus fous (le 1% du 1% c’est eux) ne s’embarrasse d’aucun complexe en matière d’excès.

Au sommet de leurs games, Jay Z et Kanye West n’essayent même pas de croiser le fer, tout juste font ils semblant de mener un dernier combat face à des détracteurs qu’ils regardent du hublot.

Watch The Throne se conçoit comme un exercice de style assez unique où une heure durant ils mettent en scène leur course à la luxure avec la virtuosité qu’on leur connait, à l’image d’un Shawn Carter qui name droppe à la chaine des noms de marques seules connue des super-riches.

Artistiquement cet album enregistré dans les plus grands palaces du monde est plus que convainquant, notamment grâce à un Kanye qui gère d’une main de maître la direction artistique.

[Watch The Throne > Best of Both World]

Et peu importe le nombre de fois qu’est joué Niggas in Paris en concert, ce ne sera jamais assez.

YEEZUS (2013)

Ambitieux, bruyant, bordélique, sombre, extravagant, compliqué, surfait… les épithètes ne manquent pas pour qualifier l’album le plus controversé de sa discographie.

Là où l’immense majorité des artistes de sa stature commerciale décident de la jouer placé, gloire doit être rendue à Kanye West d’explorer de nouvelles sonorités loin de sa zone de confort, au risque de perdre en chemin plus d’un auditeur.

Étonnamment les meilleurs morceaux de l’album sont ceux qui s’éloignent des chantiers de l’expérimentation (le soulful Bound 2, Blood on the Leaves qui sample la divine Nina Simone…) : Yeezy se complait trop dans sa pose d’artiste torturé pour être honnête tant et si bien que ce bukkake pour critiques finit par sentir l’esbroufe.

Alors que certains albums prennent de la valeur à chaque nouvelle écoute, trois ans après sa sortie ce serait ici plutôt l’inverse – sauf pour ceux qui aiment les bruits de perceuses.

THE LIFE OF PABLO (2016)

Kanye West a-t-il autant de choses à dire au monde qu’il aime à le penser ? À l’image de ce nouvel opus qui ne cesse de faire parler de lui depuis les premières heures de sa conception (changements de nom, changements de ton, changements de tracklist…), une fois l’agitation passée on est en droit d’émettre quelques doutes.

Plus Jackson (Pollock) que Pablo (Picasso), ce kaléidoscope musical peine à trouver une vraie direction artistique, que ce soit sur toute la durée de l’album, ou même parfois au sein d’un même titre, tant et si bien que pour cacher ses lacunes il s’en remet un grand n’importe quoi d’invités (Chris Brown et Rihanna sur la même tracklist il fallait oser), de samples et de fausses polémiques (sérieux balec les histoires avec Taylor Swift).

Bien sûr l’album n’est pas exempt d’éclats de talent (les ambiances gospel de la première partie, Real Friends, le malicieux freestyle I love Kanye…), mais au final tout cela donne l’impression d’écouter la démo d’un histrion pensant qu’il suffit de se comparer à Galilée, Steve Jobs, Léonard de Vinci et Stephen Curry à longueur de tweets pour prétendre faire partie du club.

Se contentant de disperser çà et là 18 morceaux durant les indices d’un disque que l’on aurait volontiers imaginé haut de gamme, West laisse non sans arrogance à ses auditeurs le soin de recoller les morceaux.

Tant pis pour nous… et tant pis pour lui.

ye (2018)

Vingt-quatre minutes de musique seulement au menu de ce huitième album qui se veut une capture à l’instant T de l’état émotionnel d’un Kanye West qui n’a décidément plus grand-chose à voir le Kanye West d’antan.

Loin de s’écouter comme le jet de fulgurance que s’imaginait son auteur, ce ye perdu entre Calabasas et le Wyoming sonne malheureusement aussi creux que précipité.

Passe encore les délires new age, la candeur de nouveau riche ou les interviews délirantes du personnage public, ce qui fait avant tout tâche ici c’est l’absence de cette éthique de travail qui jusque-là caractérisait son œuvre.

Comme si son bouillonnement créatif remplaçait le fait de ne mener aucune idée à son terme (quand ce n’est pas l’impression d’avoir entendu un beat dix fois avant mais en mieux), comme si la sincérité de la démarche excusait ses rimes les plus gênantes (sur les nichons de Kim, sur la bipolarité qui serait un superpouvoir, cet humour de plus en plus douteux….).

ye c’est le pédantisme de Yeezus conjugué au désordre de Pablo. Clairement l’album le plus faible de sa discographie. Un constat des plus cruels à l’heure des Childish Gambino et autres Chance the Rapper.

PS : que quelqu’un donne sans délai un tube solo digne de ce nom à Shake 070

KIDS SEE GHOSTS (2018)

Sorti une semaine seulement après ye, ce nouveau sept titres en collaboration avec Kid Cudi ne partage pourtant pas grand-chose de commun avec son prédécesseur, si ce n’est son meilleur morceau Ghost Town… qui déjà invitait Cudder au micro.

Tout sauf un hasard donc, puisque l’ex protégé officieux de Kanye depuis l’époque de 808 et des Man on the Moon, non content de chanter mieux que son mentor, contrebalance ce qu’il faut ses excès (typiquement dès ce Feel the Love qui ouvre les débat, où possédé le Chicagoan hurle des onomatopées).

L’équilibre est des plus intéressants tant sur le fond que sur la forme, puisque pour vaincre leurs démons (la dépression fait ici figure de thème central) chacun emprunte une direction opposée : quand Mescudi tente de trouver la paix intérieure, West cherche lui à embrasser le chaos.

Sans être une chef d’œuvre, ni même un indispensable, après les cascades de déboires auxquelles les deux hommes ont dû faire face, ce K.S.G. méticuleusement assemblé est l’album arc-en-ciel que leurs fans respectifs méritaient.

JESUS IS KING (2019)

Ce devait être l’album de la rédemption, celui qui après la tempête devait réconcilier les fans du Kanye d’avant avec le Kanye de maintenant.

En lieu et place, c’est un autre ye.

Un album sans grand intérêt, sans grande cohérence artistique (la coloration gospel est secondaire). Un album où s’entrechoquent des débuts de bonnes d’idée à l’égotisme du maître des lieux qui décidément n’arrive pas à voir plus loin que le bout de son nez (franchement qui en a quelque chose à carrer de ses démêlés millionnaires avec le fisc ?).

Pas foncièrement mauvais, JIK se révèle fade et ennuyeux avant même d’avoir terminé la première écoute.

Peut-être est-ce encore pire pêché.

DONDA (2021)

27 pistes, 38 featurings, 108 minutes de musique… à la simple lecture des crédits, ce dixième solo épuise déjà.

Roi de la hype, Kanye a certes réussi à tenir les foules en haleine de longs mois à coups de cascades promotionnelles (les masques, les reports, les locations de stade, les retrouvailles avec Kim K….), mais cela ne suffit pas à sauver les meubles : Donda n’est qu’un album de plus de Kanye West.

Oubliez le concept autour de la disparition de sa mère (pour ça tournez-vous vers le merchandising), les chansons s’enchaînent sans âme façon playlist.

Entendons-nous bien : la plupart du temps ce n’est pas désagréable, Donda est clairement son meilleur projet depuis un bail, c’est juste que sachant ce dont le bonhomme est capable, un arrière-goût de frustration accompagne toute l’écoute.

Peut-être la faute nous revient-elle ? Peut-être est-il désormais temps de réviser nos attentes à la baisse le concernant ?

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