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Streaming : qu’est-ce qui a changé avec les nouvelles règles ?

Streaming : qu’est-ce qui a changé avec les nouvelles règles ?

Regardons de près les premiers chiffres des albums de Kaaris et de Heuss L’enfoiré…

Entre course aux chiffres et accusations de triche, les ventes des rappeurs sont depuis quelques années au coeur de tous les fantasmes des auditeurs français. Cette importance redoublée des chiffres de ventes pour le public n’est pas sans avoir des conséquences sur les stratégies de marketing des artistes, qui souhaitent depuis toujours affirmer leur succès. Par conséquent, les modifications du calcul utilisé pour obtenir ces chiffres sont scrutés au microscope par ces derniers parce qu’elles sont susceptibles d’avoir un impact bien concret sur le succès de leurs sorties à venir…

A quoi correspondent les chiffres de ventes ?

Les chiffres de ventes sont des données utilisées par les professionnels de la musique pour évaluer la consommation d’un album. La comptabilisation des ventes est réalisée dans la plupart des pays par des organismes indépendants les uns des autres, qui fixent donc leurs propres règles de calcul. En France, le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) a délégué cette charge à GFK, un institut d’études de marché et d’audit qui édite chaque semaine un classement des 200 albums les plus vendus du pays. En 2016, le SNEP est confonté à une nouvelle réalité : en l’espace des trois ans, les écoutes en provenance des plateformes de streaming (Deezer, Spotify, Napster et Apple Music principalement) ont triplé. Cette montée en force du streaming s’accompagne d’une nouvelle inespérée, le marché français de la musique enregistrée (c’est-à-dire n’incluant pas les concerts) repart à la hausse pour la première fois depuis 2002 ! En juillet 2016, le streaming est donc intégré pour la première fois au classement des meilleures ventes d’albums et le 13 septembre, les certifications des singles et albums sortis depuis le début d’année le prennent également en compte. L’opération n’a rien d’évident puisque le streaming repose sur un système d’abonnement où est financé par des annonces publicitaires dans le cas des comptes gratuits. On établira alors un calcul consistant à additionner les volumes d’écoutes en streaming de tous les titres d’un album moins la moitié des écoutes du titre le plus écouté et de diviser le total par 1.000. Cet équivalent-ventes est alors additionné aux ventes physiques et aux téléchargements légaux pour obtenir le total des ventes fusionnées.

Qu’est ce qui a changé dans le calcul ?

Depuis 2016, cette formule a été modifiée deux fois par le SNEP. A compter du 27 avril 2018, seules les écoutes réalisées à partir de comptes premium, c’est-à-dire financées par des abonnements payants, sont prises en compte dans le calcul des ventes. A cela s’ajoutent évidemment les comptes bénéficiant d’offres promotionnelles de la part des plateformes de streaming. La raison ? L’écart de valeur entre écoutes payantes et « gratuites » (financées par la publicité) est énorme et le SNEP souhaite pour la première fois rendre le calcul des ventes sensible aux revenus générés. L’impact sur les artistes est difficilement quantifiable, il varie entre 10% et 30% du total selon la structure de leurs ventes respectives. Le rap et l’électro, pour lesquels les ventes reposent pour plus de leur moitié sur le streaming, sont de loin les genres les plus impactés par cette décision. A compter du 11 janvier 2019, le SNEP a décidé de diviser le volume total des écoutes en streaming des titres d’un album par 1.500 et non plus par 1.000. En résumé, les équivalent-ventes de tous les albums français sont mathématiquement divisés par trois. Une fois encore, ce sont les artistes se reposant le plus sur le streaming qui sont impactés par cette décision puisque plus la proportion du streaming dans le total des ventes est importante, plus ce total sera affecté. Cette fois, l’enjeu pour le SNEP est le rééquilibrer le poids du streaming dans le total des ventes, poids qui avait été légèrement accentué pour accompagner son développement comme usage de consommation dominant dans l’hexagone.

Combien auraient vendu Kaaris et Heuss ?

La cinquième semaine de 2019 est marquée par la sortie de deux projets majeurs, En Esprit de Heuss L’enfoiré et Or Noir 3 de Kaaris. Ces deux évènements musicaux promettent de marquer durablement l’année et constituent donc l’occasion rêvée d’évaluer l’impact concret de la décision du SNEP sur les ventes des artistes. Entre sa sortie vendredi et dimanche minuit, le premier album de Heuss L’enfoiré s’est écouté à 5.970 exemplaires dont 3.634 en streaming. Pour sa part, Kaaris a vendu durant la même période 7.177 albums dont 4.335 en streaming. A l’exception de la mixtape Mexico de Da Uzi, ces deux projets sont les premières sorties rap majeures à encaisser l’impact de ce changement de comptabilisation. Ramenés à la règle comptable initiale consistant à diviser le volume total d’écoute des titres d’un album par 1000, En Esprit de Heuss L’enfoiré se serait écoulé à 7.500 exemplaires en trois jours dont plus de 5.000 en streaming et Or Noir 3 de Kaaris à 9.000 exemplaires en trois jours dont 6.500 en streaming. Des scores honorables, qui laissent présager une première semaine digne des meilleurs espoirs de la nouvelle génération pour Heuss et, pour Kaaris, un démarrage sensiblement égal à celui de ses précédents albums à succès Okou Gnakouri et Dozo. Il faut cependant garder à l’esprit que les ventes et les revenus des artistes sont deux choses bien différentes, les écoutes en ligne rapportent toujours les mêmes sommes aux artistes, peu importe la manière dont elles sont converties en ventes par le SNEP. De plus, beaucoup d’artistes ne tirent pas la majorité de leurs revenus des ventes d’albums mais d’autres sources comme les diffusions à la télévision et la radio, les concerts et les showcases.

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