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Sopico : « Je veux avoir une arrogance musicale » [INTERVIEW]

Sopico : « Je veux avoir une arrogance musicale » [INTERVIEW]

A l’occasion de la sortie son ultime projet, le fameux YE, Booska-P a rendu visite au Parisien Sopico.

Bien décidé à animer cette année 2018, Sopico fait parler de lui avec des inspirations très personnelles et un son qui diffère. Loin des tendances, il fait la part belle à la guitare dans ses compositions et donne à voir un rap sous un nouveau jour. Dans son dernier projet, YE, il a puisé dans son vécu et diverses expériences pour un dialogue avec lui-même, sans fausse note. L’occasion pour Booska-P d’aller à la rencontre du bonhomme, au nord de la capitale.

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Tu parlais de ton week-end agité en arrivant…

J’ai fait les deux premières dates de la tournée, à Lyon et à Londres. On a bien commencé avec ces deux dates, c’était franchement cool. A Lyon, c’était la première, on a joué devant un public assez conséquent. Pour le coup je ne m’attendais pas à tout ce monde vu la capacité de la salle, mais au final on a bien bien rempli donc j’étais content. On a eu 1000 personnes ce soir-là, j’ai pu jouer des morceaux anciens et deux morceaux de mon nouveau projet. A Londres, je suis déjà très content de pouvoir y jouer. Aller au-delà des frontières francophones, c’est ma volonté aussi. J’ai envie que la musique ne soit pas juste cantonnée à la compréhension de la langue. Je pense que ça n’a jamais été un problème de pousser la musique au-delà du pays d’origine des artistes. Les réseaux sociaux participent grandement aux connexions entre les artistes d’horizons différents. Je n’ai pas peur de faire des trucs avec des gens qui ont une autre langue. Le passage chez Colors a participé à ces connexions avec des artistes anglais, allemands, américains… Si je peux être un acteur de demain, sur ce cassage des frontières c’est parfait. Je veux fonctionner de manière globale.

Comment ont été reçus tes nouveaux morceaux ?

C’était pas mal, j’ai joué Bonne étoile qui était déjà sorti dans ma série Unplugged et Paradis, qui est un titre un peu plus énergique, plus sombre. Du coup ça me permettait de bien présenter la nuance qu’il y a sur ce projet, même si YE a été fait avec une grosse dynamique : sur un morceau la guitare prend le devant, puis sur les autres titres elle est mêlée à des éléments plus électroniques.

On dit souvent que les artistes parlent au public, mais je trouve que je discute surtout avec moi-même, tout le temps

Tu parles d’ambiance électronique… Dans YE, on retrouve un délire vraiment futuriste.

Sur le projet j’ai voulu suivre mes inspirations et me laisser aller, choisir les éléments qui me plaisent et les associer. Il y a des productions assez sombres et pour rejoindre ce que tu dis, qui ont un ton, une saveur assez métallique, un truc très froid. Souvent la guitare vient contrebalancer ça quand elle arrive dans des chorus, jamais vraiment dans la totalité du morceau. C’est ce qui fait redescendre le délire brutal de certains sons. J’ai fait la totalité des prods sur le disque et au final, ça représente ce que je voulais avoir comme sonorité en fait. Sur ce projet, il y a un délire impulsif, où j’ai voulu mettre la guitare dans une bulle. Je voulais avoir une arrogance musicale un peu plus prononcée.

https://www.youtube.com/watch?v=F0TKz_sinSA

Avant YE, t’as d’ailleurs balancé beaucoup de projets très différents.

C’est réfléchi et en même temps, mon truc, c’est d’associer juste des paroles à des mélodies. Donc forcément tu réfléchis un peu quand tu décides de nommer un projet, de choisir le thème des morceaux, etc. Mais je pense que dans mon cas, je me serais perdu si je m’étais bloqué sur un truc uniquement actuel, ou sur des sonorités beaucoup plus trap, plus parisiennes ou anglophones. Quand on me dit que je suis capable de sortir des projets différents, ça me fait plaisir. A terme, faire des trucs différents, ça montrera bien ma pluralité. Le but dans tout ça, quand je fais Unplugged, YE, ou quand je sors un morceau comme Bonne étoile, je veux montrer aux gens qui m’écoutent tout ce que je suis capable de faire. On dit souvent que les artistes parlent au public, mais je trouve que je discute surtout avec moi-même, tout le temps. Il y a une remise en question permanente de la forme, mais pas du fond. J’ai un discours qui ne tourne pas autour d’énormément de thèmes. Il y a des thèmes récurrents chez beaucoup d’artistes, qu’on retrouve dans la vie des auditeurs : le rapport aux autres, le rapport à soi-même, les sentiments, les femmes, l’amour.

En parlant de sentiments, tu t’es confié sur un interlude, ce qui est assez inédit aujourd’hui.

Quand tu définis ton identité et que tu dis « ça c’est mon style« , est-ce que tu n’exclus pas certaines choses à dire, des angles et des points de vue ? Quand tu t’enfermes dans une case, il y a des choses que tu ne peux plus dire. L’interlude, c’est juste moi qui marche dans Saint-Denis, je parle dans mon dictaphone. On a décidé de le mettre dans le projet dans une forme assez brute, pour sortir d’un truc purement musical et proposer un dialogue. Cela permet de casser la distance entre moi et les gens qui m’écoutent. Je parle de moi, donc je me dis, quand tu fais de la musique, ce qui est le plus important, c’est de casser la timidité. Un artiste, dans la vie de tous les jours, ce n’est pas une personne qui va se livrer. Alors qu’en musique, il donne une énorme part de lui. En vulgarisant un peu, on peut dire qu’il se met à poil. C’est important pour moi de faire ça à travers ma musique, mes projets…

Mes premières expériences de kiff avec la guitare, c’était avec The Fugees avec The Score et l’album Nevermind de Nirvana

Et comment tu juges ton dernier opus ?

Je l’ai sorti sur un coup de tête, mais je voulais aussi montrer que je n’étais pas uniquement quelqu’un qui fonctionnait au single. Je trouve ça intéressant aussi d’envoyer des titres, c’est ce que j’avais fait après Modjo. Tu peux faire vivre des morceaux de manière individuelle, pour qu’ils soient compris hors-cadre. Quand je fais YE, je rentre tout ça dans une bulle et tu te retrouves avec 14 morceaux. Ils sont écoutables d’un coup, ça permet aux gens de rentrer dedans. J’ai une forte envie d’affirmer mon identité. Elle est influencée par tout ce que je peux vivre et l’univers musical dans lequel j’évolue depuis quelques années. Il y a un phénomène de retour à soi quand tu fais de la musique. Je m’enferme, je passe beaucoup de temps seul en studio avant de le livrer à tout le monde. Si tu veux faire quelque chose qui te ressemble, à un moment t’es obligé de fermer le récepteur et de te concentrer sur ta manière de bosser.

Dans un portrait pour Booska-P, tu mettais l’accent sur ton amour de la guitare, ça vient de ton père ?

Au début mon père me disait : « viens, je vais t’apprendre à jouer un morceau« . Moi je ne voulais pas. Mes premières expériences de kiff avec la guitare, c’était dans des trucs très différents : The Fugees avec The Score, l’album Nevermind de Nirvana… Dès que j’ai pu comprendre la place de la guitare dans un album, dans une chanson, là j’ai commencé à toucher l’instrument et à apprendre. Je jouais des morceaux de groupes et de chanteurs dans ma chambre. Je me suis rapproché de la vision que mon père et mes oncles avaient de l’instrument. J’ai compris que c’est un instrument qui était important dans tous les genres musicaux ou presque. J’ai un rapport super nostalgique aux choses et justement, ça amène une forme de mélancolie. La guitare représente bien ça. Souvent, quand on décide de l’utiliser dans une chanson, ça rappelle des sentiments. C’est un truc qui peut être complètement triste ou ultra festif, ça me rappelle le piano. D’autres instruments classiques n’ont pas cette force-là, tu ne peux pas aborder les choses simples de la vie avec.

Le plus important, c’est de faire vivre mes chansons de manière différente

Pour terminer, tu joues sur les différences même en vidéo…

Je suis inspiré par énormément de choses, j’ai tendance à au moins regarder un film par jour. A la fin de chaque journée, j’ai des images et des inspirations nouvelles à me mettre sous la dent. Dans un clip, quand on bosse avec un réalisateur, on accorde autant d’importance à la vidéo qu’au son. C’est un truc qui est aujourd’hui tout aussi fort. Avoir un rapport minimaliste à l’image, ça aide à ne pas tomber dans l’éternelle reproduction de ce qui fonctionne. Aujourd’hui, c’est une force. Plus jeune, j’ai fait des études dans l’audiovisuel, j’ai appris à comprendre ma sensibilité. Une fois qu’on a décidé un truc, on fonce. Après ça passe ou pas. Dans Unplugged, on a une manière de filmer qui est très linéaire, mais qui est essentielle. On aurait pu le faire avec trois caméras, des angles différents, etc. Mais on voulait figer l’action, garder un esthétisme. Le plus important, c’est de faire vivre mes chansons de manière différente. On espère que ça va continuer.

Crédits Photos : Antoine Ott

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