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Smeels, le self-made man du game [DOSSIER]

Smeels, le self-made man du game [DOSSIER]

Le portrait d’un rappeur adepte du do it yourself.

Crédits Photos : Antoine Ott

DIY, trois lettres pour « Do it yourself », une maxime qu’on doit d’abord aux punks, qui signifie qu’il vaut mieux faire les choses par soi-même. Un credo qui colle à celui de Smeels, rappeur originaire de Bordeaux. Du genre à confectionner ses sons tout seul et à ne faire confiance qu’à son équipe, l’artiste sait ce qu’il veut. De quoi faire face à des sons aux vibes ricaines, sans que cela ne sente le copier/coller. Voix grave et ambiances parfois sombres sont au rendez-vous de sa mixtape Selfmade. Un titre qui a piqué notre curiosité… Voici donc un portrait !

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Le rap comme une évidence

Au départ du parcours de Smeels, il y a le Cameroun. Un pays qui occupe une place particulière chez le rappeur, bien qu’il soit arrivé assez jeune en France, du côté de Bordeaux. De l’enfance, il garde des souvenirs, mais pas de rap, ou peu pour le moment. Des cicatrices qui forgeront sans doute son identité, sa manière plutôt mélancolique d’aborder sa vie en musique. « Quand j’étais en Afrique, c’était chaud. Je n’y suis pas resté longtemps, mais lorsque tu es petit, cela te marque encore plus car il s’agit de tes premiers souvenirs. Et les miens sont chauds, clairement. Je n’ai pas vécu dans la misère, mais la constater et se confronter à une autre réalité, c’est une chose qui laisse des traces. Quand je suis arrivé, j’étais limite gêné quand mes cousins m’appelaient. J’étais désolé d’être là, d’avoir peut-être de meilleures conditions, un bon suivi, un peu plus de stabilité et de sécurité » livre-t-il.

Direction les environs de Bordeaux, qui servira de centre de formation pour l’artiste. Ici, pas d’idoles locales, mais une affirmation de son style comme il l’explique. Ainsi, pas de sons dévoilés en province, mais bien une carrière qui décolle à Paname : « Je me suis mis sérieusement au rap qu’une fois arrivé sur Paris, car avant, je ne voulais pas rapper pendant mes études. C’est même pas que je voulais être particulièrement focus, mais c’est que je voulais me préserver des avis de tout le monde. Quand t’es dans ta scolarité, il suffit que tu fasses un clip pour que tout le monde vienne te donner un avis, à te dire si c’est cool ou tuba… J’avais la flemme de ça. Une fois arrivé Paris et je ne me suis jamais dit que je ramenais une vibe Bordelaise ou quoi que ce soit. J’ai juste fait la musique que j’aimais. A Bordeaux, en général, ils sont plus dans un délire boom-bap, ou à l’ancienne.. mais c’est pas trop mon truc (rires) ».

A Bordeaux, en général, ils sont plus dans un délire boom-bap, ou à l’ancienne.. mais c’est pas trop mon truc (rires)

C’est donc à sa propre école qu’il suit ses court. Une manière de faire bien à lui, qui contraste avec ses contemporains. Plus porté sur le rap US, il en emprunte la manière de poser ses yaourts, s’autorisant des variations de flows qui sonnent comme une véritable signature. Qu’on se le dise, le bonhomme fait tout… Tout seul : « Tout est en mode yaourt lorsque je travaille sur un titre. Il peut être complètement fait de cette manière, du début à la fin, mixé, etc… Et ensuite je me permets d’ajouter du sens avec mes mots et une histoire. D’autres fois, je vais kiffer une topline, mais aussi les essais faits par la suite… Du coup, je préfère tout garder. Cela donne des flows qui varient et souvent, une absence de refrain. J’écoute beaucoup de sons cainris et finalement, ça m’influence pas mal ».

Do it yourself

Dès lors, il est bon de se demander pourquoi Smeels tient absolument à faire les choses par lui-même. Le rappeur tire possiblement cela d’une grande confiance à lui, qui transparaît à travers quelques phases en mode egotrip et autres rimes de hustler. Il abonde : « La confiance en soi, il faut l’avoir et dans tous les domaines. Pour moi, ça part de là. Si tu ne l’a pas, autant ne rien faire, car c’est comme si tu avais une arme en moins. Encore plus quand tu veux faire les choses par toi-même ou que tu es seul. Si tu ne crois pas en toi, qui va le faire à ta place ? Je ne crache pas sur le rap français, je n’en écoute pas de ouf. Mais à force de parler de hess, on va finir par rester dedans. Il faut évoluer, essayer de faire autre chose et en sortir. Après, il ne faut pas dénigrer, il y a beaucoup de belles valeurs dans les tieks. Juste un truc, on ne peut pas se plaindre de quelque chose qu’on revendique tous les jours ».

Selfmade donc, comme il l’a placardé sur sa mixtape : « Cela représente le côté homemade. D’ailleurs, j’ai essayé de faire ça le plus souvent possible même si plusieurs pistes du projet ont été faites dans de bons studios. J’aime bosser chez moi, tranquille, avec un micro bas de gamme et une carte premier prix, puis mixé à l’oreille. Dès que ça sonne bien, c’est parti ! Pourquoi aller voir ailleurs quand tu sais faire quelque chose ? Le but, c’est de faire les choses par soi-même. Là c’est mes tracks, mes sons, mon écriture. C’est ce qui me rend fier de mon projet ». Smeels ou le rap comme un artisanat, pour un rappeur qui ne suit que peu les tendances du moment ou le trop-plein de conseils qu’on peut lui donner, préférant écouter son instinct.

J’aime bosser chez moi, tranquille, avec un micro bas de gamme et une carte premier prix, mixé à l’oreille…

Ne pas suivre les tendances, certes, mais se retrouver parfois dans les tendances des réseaux sociaux… Voilà ce qui peut arriver au néo-parisien. Un épisode a d’ailleurs marqué sa jeune histoire, l’apparition d’une vidéo sur Twitter où sa voix modifiée peut faire penser à celle de Damso. Si les fans du belge ont profité de l’occasion pour qualifier une fois de plus Dems de poète, c’est bien les phases de Smeels qui ont cumulé 3 millions de vues sur le réseau social au petit oiseau. Plutôt flatté d’être comparé à son aîné, il n’en garde aujourd’hui un souvenir comme un autre, sans être irrité par la question.

Personnel, jusqu’en dans les thèmes

Agir comme bon lui semble, c’est ce qu’il fait lorsqu’il pose ses mots sur la feuille. S’il travaille en compagnie des désormais célèbre toplines et autres yaourts, il n’oublie pas d’interroger son propre vécu pour en livrer les meilleures expériences. Un choix réfléchi, qui colle avec son enfance évoquée dans le début de ce portrait : « Après avoir écouté une instru, j’épluche les thèmes qui peuvent coller jusqu’à mettre le doigt sur ce que je veux vraiment dire. Dans 400 ans, je dis « Vole nos richesses, brûle nos maisons, fuck ton gilet et fuck Macron ». Dans le sens où il peut y avoir des choses plus graves que les gilets jaunes, mais tout le monde s’en bat les couilles. Moi je t’en parle en prenant le cas du bled, car c’est chaud ce qu’il s’y passe ».

Loin d’une quelconque revendication, il poursuit : « Parler de choses qui ne me concernent pas, ça me fatigue. Je préfère rapper sur ce que j’ai vu et vécu, je ne fais jamais le contraire. On peut mieux parler de ce qu’on a vécu avec des mots à nous, des mots forts Je suis sans filtre car je dis vraiment ce que je pense et je ne sors des choses juste pour faire plaisir à l’audience ». Pour conclure, on peut affirmer que deux thèmes apparaissent comme le fil rouge de Selfmade, l’oseille et les femmes : « C’est deux choses qui m’intéressent, donc forcément je peux en parler. J’ai connu beaucoup d’expériences avec les filles et cela donne de la matière pour raconter des expériences ou des anecdotes… Il n’y a rien d’extrapolé dans mes sons, sinon je me serais inventé des vies hardcore. Le but c’est de raconter les choses comme elles sont, sans dénigrer les femmes non plus, avoir du respect ».

Je pense que plus tu parles de toi, plus t’as de personnes qui se ressentent dans ta musique

Parler de sa propre vie pour rencontre en contact direct avec celle de l’auditeur, voilà le souhait de Smeels qui avec Selfmade s’offre une conversation avec ceux qui l’écoutent : « Avec l’auditeur, on a le même vécu ou presque. Nos ruptures sont les mêmes, nos embrouilles avec les filles aussi. Je pense que plus tu parles de toi, plus t’as de personnes qui se ressentent dans ta musique. Plus tu te livres, plus l’auditeur se reconnaît. Je pense que c’est ce qui pousse les gens à s’attacher, ils veulent savoir si la semaine d’après ils pourront encore se retrouver dans tes sons ». Et pour mieux le retrouver, sachez que deux titres bonus vont être ajoutés à son projet dès minuit…

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