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Slim Lessio, une audace et un talent insoupçonnés [PORTRAIT]

Slim Lessio, une audace et un talent insoupçonnés [PORTRAIT]

Focus sur la carrière naissante d’un artiste qui pourrait bien vous surprendre.

Crédits photos : Antoine Ott

Slim Lessio est un personnage à part entière au sein du rap belge. Apparu comme par magie au milieu de l’année 2016, le rappeur n’en est en réalité pas à son coup d’essai. À l’occasion de la sortie de son premier projet intitulé Fruit de paix, nous sommes allés à la rencontre de l’artiste pour décrypter son univers. Un entretien dans lequel nous avons retracé l’ensemble de son parcours, de sa ville natale de Spa jusqu’aux studios de Trez Records.

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Le porte-étendard de la Confrérie

Tout commence au coeur de la petite ville de Spa, commune de 10 000 habitants située dans l’est de la Belgique. Le jeune Slim D écoute Damian Marley et Sum 41, des influences qui lui viennent de son père, avec lesquelles il forgera son oreille musicale. Au début des années 2010, il commence à faire ses classes au sein du rap et crée La Confrérie avec son ami Ricky. Ses références sont désormais résolument américaines : « Snoop Dogg, Cypress Hill, des trucs de fumeurs quoi (rires) ». Bien vite, il va prendre conscience du fourmillement qui a lieu en France, notamment grâce au phénomène Rap Contenders. Interpellé par l’album Normal de Guizmo, le Belge va lentement basculer dans le rap français, au sein duquel ses professeurs porteront les noms de Niro et Booba.

J’ai commencé à écrire quand j’avais 14 ans. Mon premier freestyle c’était sur la face B de Hate it or love it

La Confrérie est donc le centre de formation de la ville, l’équipe type. Si plusieurs personnes gravitent autour, le noyau dur est composé de Ricky et Slim D, rebaptisés Ricky Lacoste et Slim Lessio pour l’occasion. Le mouvement prend forme autour du duo et de leur premier projet intitulé Sale Type. Une sorte de compilation réunissant tous leurs morceaux de l’époque : « C’était très amateur. Il n’y avait pas d’ambition particulière si ce n’est balancer des morceaux. Le but c’était de se faire voir, d’avoir une carte de visite, comme tous les rappeurs ». De ce premier projet se dégage une atmosphère très brute, imprimée d’une certaine innocence, mais également d’une réelle envie d’en découdre. Cela n’empêchera pas l’opus de sombrer dans les limbes d’internet, allant rejoindre bon nombre de projets similaires à l’époque.

C’est justement à cette époque qu’il commence à travailler avec Harry Pirnay qui deviendra son réalisateur attitré : « Je le connais depuis que j’ai 5 ans, on jouait au foot et on était à l’école ensemble. Il faisait déjà des vidéos dans sa chambre, et un jour je lui ai proposé de faire un clip. On ne s’est plus quitté par la suite ». Le duo qu’il forme avec Rick, lui, subit une restructuration forcée pour cause d’ambitions opposées. Slim Lessio se lance en solo fin 2014 avec le remix du titre à succès UOENO. Si La Confrérie perdure, le duo ne produira plus de musique à partir de 2015. Le jeune rappeur est désormais concentré sur sa carrière et s’attache à construire, brique par brique, son univers musical. De Young Thug à Rich Homie Quan, en passant par les fameux type beat de Young Forever, le natif de Spa rend hommage à Atlanta à chacun de ses nouveaux titres, domptant pas à pas les rudiments de l’autotune. Un début de carrière pointe le bout de son nez…

Trez Records, une rencontre décisive

Un titre en particulier va faire basculer sa carrière. Juste avant l’arrivée du printemps 2016, après la sortie de son clip Million, Slim Lessio reçoit un appel surprenant : « Emmanuel Ricci, l’actuel directeur artistique de Trez Records m’a appelé. Il venait de rentrer en contact avec Street Fabulous à l’époque. Il m’a dit qu’ils étaient intéressés par ce que je faisais et qu’il y avait vraiment quelque chose à faire ». Ni une ni deux, le Belge part à la rencontre de ses futurs collaborateurs et le courant passe immédiatement. Désormais épaulé par un pool de producteurs de renom, Lessio va bénéficier de nouveaux appuis de taille. Le premier en la personne de DJ Kore, même si l’aventure sera de courte durée : « Il a kiffé le projet et voulait le coproduire. Après, il avait beaucoup de projets en parallèle, il était à Miami, donc on a décidé d’avancer de notre côté ». Le second, et pas des moindres, du côté de Ponko. Un beatmaker bruxellois extrêmement prisé depuis l’avènement de son pote Hamza, et également membre de l’écurie Trez Records.

Avec Ponko ça a été immédiat. Les sonorités qu’il propose, c’est quelque chose que je voulais expérimenter déjà depuis un bout de temps

Désormais de mèche avec un producteur talentueux, Slim Lessio va dévoiler son premier morceau sous l’étiquette de son nouveau label intitulé Chui bien, avant de rentrer dans la salle du temps pour cuisinier l’avenir. Il n’en ressortira qu’un an plus tard, avec un nouveau single appelé Assumer, son plus gros succès jusqu’à aujourd’hui. Pendant plusieurs mois, il va s’attacher à dévoiler au compte-gouttes les fruits de son travail acharné avec Ponko. Et lorsqu’on lui demande d’expliquer la présence quasi-dictatoriale des productions de ce dernier sur son projet, la réponse vient naturellement de son producteur Amir, membre fondateur de Street Fabulous : « On a laissé le naturel faire. Avec Ponko ça marchait super bien donc on a laissé la magie opérer ». Et la magie opéra. Sur un total de 16 titres, le magicien belge est à la baguette de 13 d’entre eux, et participe à définir la couleur artistique si singulière de Slim Lessio.

Un premier effort intitulé Fruit de paix

De cette collaboration fructueuse naîtra Fruit de paix, le premier projet officiel de Slim Lessio. Un titre évocateur que l’auditeur de rap français peut s’approprier comme il le souhaite, selon les dires du principal intéressé. Ce premier effort est le fruit de son travail dans lequel il souhaite prôner la paix et le vivre ensemble. Si cela ne transparaît pas directement à travers ses paroles, ses sonorités chaudes et avant-gardistes peuvent en être le synonyme. Dans ce même esprit de présentation au public, cette mixtape ne comporte pas d’invité, si ce n’est les beatmakers et le réalisateur ayant travaillé avec lui à la construction de son identité visuelle et sonore : « Je suppose que c’est voulu, même si je ne suis pas fermé du tout à la collaboration. Je pense que c’est une bonne chose pour un premier projet, ça montre bien mon univers personnel ». Une carte de visite donc, qui a le mérite de mettre en lumière un univers saisissant et intrigant.

Je ne fais pas de morceau où je me livre entièrement, mais il y a plusieurs passages où je donne des informations sur ma vie

Tout au long de ses 16 titres, Fruit de paix se distingue par ses sonorités audacieuses, son utilisation de l’autotune millimétrée et ses flows tout droit sortis d’Atlanta. La capitale de la Georgie est d’ailleurs la principale source d’inspiration pour le jeune rappeur : « J’ai beaucoup écouté le dernier album de Hoodrich Pablo Juan, sinon j’écoute aussi Gunna, le protégé de Young Thug, et Dae Dae que j’aime beaucoup ». Une influence qui est retranscrite à la perfection dans l’ovni T R A P, titre le plus « sale » qui dénote avec le reste du projet. Dans ce morceau, comme dans plusieurs autres d’ailleurs, le Belge développe une véritable science de la diction et de l’intonation, à l’instar d’un certain SCH : « Quand il a émergé avec son titre La Malette, ça m’avait mis une claque. Après, je ne pense pas m’en inspirer, ma manière d’articuler est naturelle, c’est quelque chose que j’ai toujours fait ». Cette influence, mêlée à ce phrasé si particulier, lui confèrent une couleur musicale novatrice et insoupçonnée, à mille lieues de ce que l’on a l’habitude d’entendre en Belgique.

Le jeune Slim est donc partie-prenante de cette nouvelle vague belge émergente, portée par les Damso, Roméo Elvis ou encore Hamza. Si une scène est bien identifiable, son unicité n’est pour le moment pas sa plus grande force selon lui : « Tout le monde travaille un peu dans son coin. Pour une école aussi petite que la Belgique, je trouve que les gens ne se connectent pas encore assez ». Notre rappeur, lui, ne demande qu’à collaborer, et il se pourrait bien que quelques invités se glissent sur la tracklist de son futur projet. Dans ce fourmillement de talents émergent également des photographes, et des illustrateurs. Parmi eux Romain Garcin, celui qui sera à l’origine de la pochette de Fruit de paix : « J’étais à Brighton avec mon gars Thiago qui a photographié l’endroit où on dormait. Il y avait une caravane, ça faisait bien street. Je l’ai envoyé à Romain qui en a fait un dessin, ça rendait vraiment bien alors je l’ai gardé ».

Le fruit de la spontanéité, du tâtonnement, de l’expérimentation également. Ce fruit n’a de la nature morte que l’intention symbolique qu’il renferme, celle de se présenter au public, et de présenter son produit artistique, avec toutes les complexités et les contradictions qu’il peut comporter. Ce fruit ne raconte pas l’absence de conflit grâce à son fond, mais prône bien la quiétude et le calme via sa forme. Il ne se déguste pas, mais s’écoute. Ce fruit est celui de Slim Lessio, et c’est le Fruit de paix.

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