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sean : Shakespeare, le rap et plus encore [PORTRAIT]

sean : Shakespeare, le rap et plus encore [PORTRAIT]

Le rappeur se confie peu de temps après la sortie de son projet « Mercutio ».

Crédits Photos : Antoine Ott.

Si beaucoup de gros bonnets du rap continuent de régner sur le mouvement en France, de nombreux rookies ont décidé de prendre d’assaut le game. Ici, pas de quartiers, il est nécessaire pour chacun d’imposer son propre style, sa patte, dans une époque qui tend à une certaine uniformisation. Membre d’une génération décidée à faire du rap SA musique, sean a choisi d’imposer ses règles : une direction artistiques chiadée, des références littéraires et un EP cohérent du premier au dernier son, Mercutio. Oui, Mercutio comme le personnage de la célèbre tragédie de William Shakespeare, Roméo et Juliette. Ce qui valait bien un passage chez Booska-P…

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sean le créatif

La vingtaine au compteur, sean impressionne. Des clips haut de gamme, une presse dithyrambique, un son travaillé et une véritable gueule. De quoi se poser quelques questions. En effet, comment fait-il, si jeune, pour proposer un tout aussi maîtrisé ? La réponse est toute trouvée, cela fait un bail que notre artiste y pense et y travaille : « Le son, on peut dire que je fais ça depuis grave longtemps, j’aime être dans la recherche créative. Mon âme est vieille, mais mon corps non (rires) ! Je fais de la musique depuis l’âge de 12 ans ». Ainsi, cela fait bien longtemps que Mercutio est dans les cartons : «Tu te dis toujours que tu ne fais pas ça pour rien, qu’un jour tu vas sortir quelque chose. J’ai bossé sur un tas de trucs qui ne sont jamais sortis. Franchement, lorsque j’ai signé, je voulais partir sur de nouveaux trucs mais on a kiffé mon délire sur Mercutio. Du coup, on quand même pris le temps de le sortir. En réalité, l’EP Mercutio a déjà trois ans ».

Aujourd’hui, tu écoutes un album en deux semaines alors qu’à l’ancienne, certains devenaient fous pendant trois ans avec un seul projet

Un EP qui se classe comme un objet musical à mi-chemin entre plusieurs styles, clairement rap, mais tirant vers la chanson. Et côté références, l’interviewé ratisse large, car si le rap du 20ème arrondissement de Paris (S.Pri Noir, Still Fresh) et celui de la Sexion D’assaut ont marqué sa jeunesse, il lui arrive de lorgner vers la variété européenne : « Je me suis mis sur le tard à la chanson et j’ai pété un câble. Ce qui se faisait avant dans la variété, en France, en Italie ou en Espagne, c’est un truc de fou. Les sujets sont toujours un peu les mêmes, mais les angles sont différents. Même au niveau des placements, t’as des morceaux qui sont très saccadés, qui font très rap, comme chez Jacques Brel par exemple ».

Mélanger les styles, s’ouvrir aux autres genres… Une manière, peut-être, d’atteindre une musique atemporelle. Ni plus, ni moins que le véritable souhait de sean : « Je trouve que Mercutio est trop temporel. Je rêve que tout ce que je fasse devienne atemporel. Aujourd’hui, tu écoutes un album en deux semaines alors qu’à l’ancienne, certains devenaient fous pendant trois ans avec un seul projet. J’aimerais aller vers ça, faire des projets qu’on réécoute. L’école des points vitaux de la Sexion D’Assaut, c’est un album que je fais toujours tourner ».

Un univers particulier

En 1996, DiCaprio avait su personnifier sous la caméra de Baz Luhrmman le classique Roméo et Juliette (le « et » se transformant ici en « + »). Dans un twist assez moderne et kitsch, Leonardo s’est livré sous les traits d’un héros plus badass, à même de parler aux jeunes des nineties. Un choix qui rappelle celui de sean, qui a tout de même préféré faire confiance au cousin de Roméo, le fameux Mercutio. Une sorte de double jeu qui a faussé la compagnie aux journalistes comme au public : « J’ai pu lire pas mal d’articles et j’ai kiffé voir qu’on confondait sean et Mercutio. Certains n’ont pas tout capté, mais c’est tant mieux, ça offre plus d’alternatives pour les morceaux. Les gens ont peut-être mal interprété le délire en pensant que j’étais un rappeur grave littéraire, avec des références shakespeariennes (rires). Mais l’idée, c’était simplement de prendre un mythe et de le mettre au goût du jour. Je ne vais pas faire le con à réciter les fables de La Fontaine, mais elles ont par exemple des thèmes super actuels. On les lira encore dans mille ans ». Atemporalité, quand tu nous tiens !

Notre génération a créé de nouvelles émotions… Moi, j’ai essayé de capturer tout ça

Un premier EP pour le rappeur qui se classe comme le témoin d’une époque, la sienne : « C’est le constat d’une jeunesse, au final, peu de monde le fait. Notre génération a créé de nouvelles émotions avec les réseaux sociaux, mais aussi de nouvelles relations… Moi, j’ai essayé de capturer tout ça ». Une capture de la jeunesse de nos jours grâce à une écriture plus que jamais cohérente. Comme un Godard qui aimait filmer en une prise, sean travaille à l’instinct, n’enregistrant que peu. Une manière de garder des émotions directes, comme lorsqu’il se sert d’une prod pour mieux approfondir ses textes.

Autre élément non-négligeable de son univers, ses clips. Des visuels marquants, impactants, mais surtout réfléchis, comme il l’explique : « C’est vraiment une D.A qu’on voulait pour ce projet, ce mini EP. Mercutio, c’est vraiment un univers défini et une histoire de A à Z. Cette teinte un peu dark, c’est un délire à retrouver dans mes derniers clips. J’ai fonctionné avec ça comme dans une trilogie et j’ai voulu faire comme Bowie avec Ziggy Stardust dans Rock’n’Roll Suicide… sean s’efface au profit de Mercutio ».

Un futur tentaculaire ?

Face à ses productions, les articles ont donc fusé dans une presse pas forcément des plus au fait quand il s’agit de relayer les nouveaux talents de la scène rap : Antidote, Vogue, Numéro… La mode s’est emparée du bonhomme pour de précieux retours : « Même si on parle d’une personne qui n’est pas moi (le personnage de Mercutio ndlr), ça me fait grave plaisir. Le truc qui m’a choqué, c’est Vogue Homme. j’ai pris ça archi bien, ça donne une force de ouf ». sean ou quand l’urbain vole au-dessus des modes, comme Mercutio qui n’appartient ni aux Capulet, ni aux Montaigu, les deux familles de Roméo et Juliette.

J’aimerais me tester sur tous les supports, avoir quinze vies

Arrive donc la scène, une nouvelle étape pour celui qui se plaît entre plusieurs disciplines. Il aura d’ailleurs fait fort en se présentant du côté du festival Solidays. Un live qui fera date chez lui : « On va dire que c’était ma première vraie grosse scène. C’était énervé, incroyable, une bête d’expérience. Il y avait vraiment un truc avec le public, les gens étaient très réceptifs. Puis il y avait aussi ma mif, mes gars… Tout le monde ! Maintenant, ça fait partie de ma petite histoire. La scène, ça peut t’aider au niveau mental, ça te donne beaucoup de confiance en toi. Avant de monter sur scène, tu peux te poser plein de questions. Mais après avoir fait ton concert, tu les oublies vite ».

Reste donc à voir comment sean sortira du costume de Mercutio et quand. Pour cela, il promet un projet plus long peut-être plus solaire, mais pas seulement, écoutez plutôt : « J’aimerais me tester sur tous les supports, avoir quinze vies. Mais comme là, j’ai cette vie dans le rap, je me concentre dessus. On verra dans cinq ou dix ans. Si tu es déterminé, plein de belles choses peuvent arriver ».

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