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Saïk, une carrière en éruption [PORTRAIT]

Saïk, une carrière en éruption [PORTRAIT]

Rencontre avec l’artiste guadeloupéen à l’occasion de la sortie de son album « Magma ».

Crédits Photos : Antoine Ott.

Aujourd’hui, lorsqu’on cause de musiques urbaines, on y accole souvent le terme pop juste après avoir prononcé les mots rap, r’n’b ou encore hip hop. Pourtant, un autre genre mériterait également sa place dans le débat, tant il est quasi-impossible de faire plus urbain, le dancehall. Un mix caribéen de plusieurs influences dans lequel Saïk évolue comme un poisson dans l’eau. Reconnu dans ce game si particulier, celui pour qui la timalerie ne sera jamais finie aura même collaboré avec Young Thug. Une preuve de plus de sa force, des Antilles jusqu’à la métropole. Découvert par Admiral T à l’âge de 12 ans, il livre désormais un album, Magma. L’occasion de faire le point sur des années de carrière, mais également de le présenter à ceux qui ne le connaissent pas encore.

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Un véritable background

Comme écrit plus haut, Saïk s’est découvert une ambition assez tôt. Très tôt même, à l’âge où certains pensent plus à griffonner les marges de leurs cahiers que de se lancer à l’assaut du micro. A peine adolescent, c’est à douze ans qu’il force sa première porte : une connexion naturelle avec un Admiral T qui n’habitait pas loin de chez lui. Ni une, ni deux, le gamin impressionne. Un premier texte en face de l’idole guadeloupéenne et le tour est joué. Sans calcul, l’artiste réalise ses premiers pas sans se poser de questions : « Je n’étais pas conscient des enjeux et des différents paramètres du monde de la musique. J’avais 12 ans et j’y suis venu comme ceux qui veulent jouer au foot. J’ai débarqué sur le terrain avec mon ballon, en essayant de reproduire ce que je voyais à la télé. Je n’ai pas réfléchi, j’ai foncé… Puis je suis un charbonneur, donc ça ne m’a jamais fait peur de bosser pour arriver là où je voulais ».

Loin d’une quelconque peur, c’est donc avec les potes de la cité qu’il forme les Gwada Boyz, puis le groupe Génésiz. Un apprentissage en collectivité qui le pousse encore plus haut… Grâce à des racines bien ancrées. On pense bien sûr à la prolifération des Sound system, ces installations parfaites pour se faire les dents sur le bitume avant de croquer dans le gâteau à son tour : « C’est toute une culture ! Avant, c’était un moyen de se faire connaître. Pour nous, c’était avantageux, t’avais des rassemblements gratuits un peu partout. On n’avait pas beaucoup de moyens, c’était facile d’organiser ça. Tu achetais tes canettes, tu faisais tes affiches, tu ramenais tes baffles… C’était une éducation. Je conserve ça comme une pierre précieuse. Maintenant, malheureusement, ça n’existe plus, ça appartient à une autre époque. C’est dommage, car ça te donnait de la matière scénique, ça te poussait à faire du bruit pour captiver le public ».

Loin de baisser les bras, même si le dancehall et la caraïbes sont elles-aussi tombées dans l’ère du stream system, le bonhomme avance avec les mêmes réflexions, les mêmes idées. Son but, laisser sa trace : « Le plus important, c’est de propager sa musique comme on le souhaite. La vie, c’est juste une histoire de volonté et de détermination. Il faut être en phase avec soi-même pour avancer. Il y en a qui atteignent leur objectif assez vite et c’est tant mieux. Moi, je veux amener la caraïbe le plus loin possible, je ne me fixe pas de limites ».

Pas pour rien, donc, qu’il se ramène six ans après avoir dévoilé son dernier projet avec la même fraîcheur. Son album, Magma, sonne comme une synthèse de son univers, de sa matrice. Créole, français, toast, dancehall, club… Tout y passe, avec une volonté évidente d’ouverture : « On garde les racines, mais franchement, tu peux être surpris par la réception de certains sons. En métropole, on va par exemple souvent préférer mes morceaux en créole qu’en français. On veut s’adresser à tout le monde, le français et le créole sont deux très belles langues, il faut savoir en profiter. Si demain je dois faire des morceaux en anglais, pourquoi pas ». Rien de surprenant, surtout quand on sait que Saïk considère que « la Timalerie est un état d’esprit, pas une couleur de peau » : « C’est vraiment une façon de comprendre les choses, c’est un concept afro-caribéen mais qui est ouvert à tout le monde. Moi je la perçois quand je bois mon petit verre de rhum ». Et maintenant, place à la dégustation.

Un album pour enfoncer le clou

« Cet album, c’est comme une renaissance. Cela fait six ans que je n’ai pas sorti d’opus, je ne savais plus ce que c’était de défendre un projet. Avoir ce produit tout neuf dans les mains, c’est un nouveau départ, une véritable éruption », voilà comment Saïk qualifie son retour. Un come back en grande forme avec 22 pistes au compteur, de quoi en avoir pour tous les goûts. Il faut dire que la volonté du performer est claire, s’affranchir des frontières : « C’est un album que j’ai préparé en plusieurs parties, il y a même des titres prêts depuis trois ans ! Dans la couleur, c’est presque un projet de transition. Je l’ai pensé comme ça. Il ne fallait pas que je quitte ma fanbase, mais que j’aille aussi frapper à la porte du natio. En termes d’écritures et de mélodies, j’ai voulu varier car je touche un peu à tout. Mon but c’est de m’essayer à de nouvelles choses sans faire le grand-écart. Ma ligne de conduite est forcément urbaine, mais je n’oublie pas mes origines. C’est du Saïk 2.0, car j’ai évolué avec la volonté de donner le meilleur de moi-même. C’est une partie de moi qu’il fallait donner au public. Varier, j’y étais obligé tout au long de 22 titres pour ne pas tourner en rond ».

Et justement, pour ne pas lasser, il aura eu à coeur d’aborder différents thèmes dans un Magma bouillant. De Toute ma vie où il est question de sa relation avec sa mère en passant par Shériff sur les violences policières sans oublier Sativa et Red Bull dédiées aux femmes qui jalonnent sa vie, Saïk aura multiplié les sujets, le tout sur des productions de Pyroman et de Cash Money AP pour ne citer qu’eux. « C’est un album dans lequel j’ai été très personnel. Un projet, il faut qu’il vienne de soi, au-delà des singles » explique-t-il.

Autre ingrédient qui vient pimenter son album, des featurings assez fous avec notamment le pirate Gato Da Bato, mais aussi l’Italien Laioung et le célèbre Young Thug pour le fameux Team Work. Il nous en livre la génèse : « C’est une collab’ inédite, on a fait le tour du globe pour ce morceau (rires) ! Laioung par exemple, c’est un Italien, mais on a charbonné ensemble, on se connait depuis très longtemps, on s’est croisé à Paris, en Belgique… En Italie, ils sont très chauds en ce moment ! On voulait donc faire quelque chose de très urbain, de très ricain et pour ça, c’était parfait d’avoir Young Thug sur ce morceau ». Une collaboration réalisée avec un ricain ? Pas un coup d’essai pour un Saïk qui avait déjà eu l’occasion de bosser avec Lil Durk pour une connexion historique, la première entre un rappeur US et un artiste antillais.

Au final, Magma livre un condensé des personnalités qui composent Saik, comme il le dit lui-même : « C’est un album qui me représente sous toutes mes facettes, même au niveau caractériel. Je ne suis pas schizo, mais je peux être très tranquille comme très explosif ». Une éruption qui continuera de déverser sa lave, car en termes de challenges, l’artiste est loin d’avoir été au maximum de ses envies.

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