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S-pion : « Aux Tarterêts, la solidarité prime » [INTERVIEW]

S-pion : « Aux Tarterêts, la solidarité prime » [INTERVIEW]

Déterminé, l’artiste du 91 aborde une nouvelle phase de sa carrière. Rencontre.

Fraîchement signé chez Arista, label de la prestigieuse maison Sony, S-Pion entame une nouvelle étape de sa carrière. Rappeur venu des Tarterêts, il est l’un des hommes de la mouvance QLF, entre autotune poussée à son climax et refrains chantés. Grand bonhomme qui assume sa mélancolie, il laisse aujourd’hui ses soucis derrière lui pour travailler sur un premier gros projet. Après les galères et la prison, le voilà fin prêt à faire la différence, comme nous le montre son featuring avec N.O.S, Fuck mes rêves. Voilà qui valait bien une interview dans les locaux de Booska-P.

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Chez vous, on n’est pas trop en mode interview d’habitude (rires).

Ce qui m’a fait franchir le pas, c’est ma signature en maison de disques. Moi, je ne suis pas quelqu’un de trop exposé, surtout si on me compare aux réussites de mon quartier comme PNL, MMZ, ou F430. J’ai un parcours différent, avec beaucoup de galères, ce qui fait que je n’ai pas pu concrétiser mes projets à temps. Aujourd’hui, c’est le bon moment.

Où est-ce que tu te situes dans cette équipe, quel est ton poste sur le terrain ?

À un moment j’étais attaquant, puis j’ai dû aller sur le banc de touche (rires). Maintenant, je reviens peu à peu dans les compositions d’équipe. Je fais mes matchs tranquillement, car tout le monde a son rôle sur la pelouse. Chacun sait ce qu’il a à faire, notre quartier est comme une grande famille, tout le monde se soutient. Même à différentes échelles, on essaye de tout faire pour y arriver.

Vous faites preuve d’une belle solidarité. Récemment, on t’a d’ailleurs vu collaborer avec N.O.S. de PNL.

Le feat, ça a été quelque chose de très naturel vu qu’on a commencé ensemble. Certains sont arrivés à de gros niveaux, en franchissant plusieurs paliers, comme PNL, mais aussi la MMZ. Avant, on posait tous ensemble, mais maintenant, on a tous des programmes différents vu qu’on reste concentrés sur nos carrières respectives. Lorsqu’on se voit, c’est souvent dans des contextes artistiques. Même si on n’oublie pas de se capter pour bien rigoler et délirer un peu. La solidarité, c’est important chez nous, on va toujours garder ça.

Dans ta musique, il est souvent question de ton vécu. Comment tu poses tout ça sur la feuille ?

Franchement, il faut que je sois bien posé, dans ma voiture ou chez moi. Je mets l’instru à fond, j’allume un joint et je pense. J’ai un certain vécu que j’essaye de raconter et si ça parle aux gens, ça fait plaisir. J’aime bien faire réfléchir un peu, mais aussi faire passer une dose de mélancolie à travers mes textes. Ma touche, c’est celle-ci.

Je ne souhaite à personne d’aller en prison, c’est de la perte de temps

Ton passage à Fleury a sûrement à voir là-dedans… Comment as-tu vécu cette expérience ?

Honnêtement, c’est un mal pour un bien. Je ne souhaite à personne d’aller en prison, c’est de la perte de temps. J’ai par exemple dû remettre pas mal de projets à plus tard. Mais quoi qu’on dise, ça te fait réfléchir. J’ai pris beaucoup de recul pour ne plus commettre d’erreurs. Je ne veux pas dire n’importe quoi, mais c’est comme si j’étais arrivé à un petit point de maturité. Dans la musique, je cherche donc à faire les choses plus sérieusement. Avant, c’était sans doute moins le cas.

Tu n’avais pas de réel objectif à tes débuts ?

Oui, c’était ça. Si on trouvait qu’un morceau passait bien, on le clippait dans la foulée, on ne se prenait pas plus la tête que ça. Maintenant, c’est différent, on va penser à tout. J’espère sortir un premier projet sérieux, vraiment carré… Comme une conclusion de toutes ces années où malheureusement, j’ai eu quelques petits soucis. Disons que c’était dur, mais cela m’a fait du bien. Maintenant, on est là pour faire les choses bien.

Dans les visuels tels que « La Rue » et « Fuck mes Rêves », on capte cette nouvelle attention apportée aux détails…

Dans Fuck mes Rêves, on a voulu que le chimpanzé représente les mecs du quartier. Jouer sur le décalage, faire quelque chose de sympathique, de marrant. Il y a quelques années, on pouvait faire un clip en bas du quartier, regarder le mec qui filme et lui dire « c’est ok ». Ce n’est plus quelque chose de possible aujourd’hui, car il faut envoyer du visuel et surprendre les gens. Dans mon quartier, tout le monde parvient à placer le délire encore plus haut. Il y a une vraie école, chacun dans son délire. Regarder un clip de F430 ou de la MMZ, tu ne peux que dire « chapeau les mecs ». C’est quelque chose qui te pousse à travailler et à charbonner pour aller plus loin.

Justement, ta signature chez Sony sonne comme une nouvelle étape dans ta carrière. Est-ce que tu t’es dit : « enfin, c’est mon tour » ?

En quelque sorte, oui, je me suis dit ça. Il fallait vraiment une maison de disques pour m’offrir un cadre, car je suis quelqu’un d’assez dispersé. Quand tu es en indé, il y a beaucoup de choses à faire et à gérer. Je trouve que ce n’est pas le même métier. C’est un vrai plus de signer dans une belle maison et c’est ce qu’il me fallait, ça colle avec ma personnalité, mais aussi mon parcours. C’est une première marche de franchie, on va essayer de gravir les échelons jusqu’au bout.

C’est un vrai plus de signer dans une belle maison et c’est ce qu’il me fallait, ça colle avec ma personnalité, mais aussi mon parcours

Aux Tarterêts, vous utilisez énormément l’autotune. Comment cela vous est venu ?

On a commencé dans le studio d’un pote. Il y a avait tout le monde, ceux que tu peux croiser aujourd’hui au top. On se posait pour rapper et délirer, car on ramenait même ceux qui ne savaient pas quoi faire face à un micro (rires). À côté de ça, on utilisait déjà beaucoup l’autotune, car on écoutait les gars de Chicago comme Lil Dirk, etc. C’est un truc qui nous parlait vraiment, du coup, c’est rare de trouver des mecs de chez nous qui ne manient pas l’autotune.

J’avais d’ailleurs une question… Tu pourrais faire des sons sans autotune ?

C’est vrai que lorsque j’arrive au studio, je ne me pose plus la question. Aujourd’hui, l’ingé son va direct me mettre de l’autotune, car il sait que c’est ma marque de fabrique (rires) ! Mais franchement, c’est possible d’arriver sans. Cela devrait pouvoir se faire, comme une sorte de retour aux sources. Mais faudrait arriver avec quelque chose de très travaillé.

Avec l’autotune, tu peux tout te permettre…

(Il coupe) Avec l’autotune tu peux te permettre plein de choses. Tu peux planer, délier, mais aussi faire passer certaines émotions. C’est vrai qu’au final, cela nous a permis de nous faire connaître. PNL a par exemple apporté énormément de choses avec l’autotune. Et si tu écoutes F430 ou la MMZ, ils ont encore une autre manière de faire, il n’y a pas de limite à l’autotune. Chacun apporte sa touche, ça se complète.

Justement, t’as des influences autres que ton quartier ?

J’ai écouté un peu de tout. Plus jeune, j’ai fait le tour de tout ce qui se faisait, des grosses têtes du moment jusqu’aux plus anciens. C’est quelque chose qui t’inspire forcément. Mais c’est vraiment avec les trucs de Chicago qu’on s’est dit que c’était possible. Des mecs comme Chief Keef ou Lil Durk ont ramené un truc et nous, on ne voulait pas suivre les courants trap du moment en France. On est rentré directement dans les sons cloud et d’autres délires.

Des mecs comme Chief Keef ou Lil Durk ont ramené un truc et nous, on ne voulait pas suivre les courants trap du moment en France

Des délires qui font presque figure de nouvelle norme !

On ne s’attendait pas à tout ça. Cela fait plaisir de voir que des artistes de chez nous recevoir un disque de diamant. Cela montre une autre réalité de notre quartier. Chacun arrive à sortir des clips, des projets, on prouve à tous que nous sommes soudés. On vient des Tarterêts, c’est simplement notre histoire. Maintenant, on espère que des petits vont pousser derrière nous !

Crédits photos : Antoine Ott.

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