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Rap français : Les réseaux sociaux ont pris le pouvoir ? [DOSSIER]

Rap français : Les réseaux sociaux ont pris le pouvoir ? [DOSSIER]

Qui prétend faire du rap sans réseaux sociaux ? Pratiquement personne. Facebook, Twitter et Instagram occupent aujourd’hui une place prépondérante dans la vie des rappeurs français…

Cette semaine, en sortant le titre « 3G », Booba a répondu aux nombreuses critiques dont il faisait l’objet depuis son message au sujet du conflit israelo-palestinien, posté sur Instagram. Voici l’une des plus récentes preuves en date que les réseaux sociaux détiennent une place prédominante dans le rap, notamment en France. Aujourd’hui, les internautes ont pris le pouvoir ou en détiennent au moins une bonne partie.

Un outil de communication ultra-puissant !

Pour les rappeurs de la nouvelle génération, se créer un compte Facebook et/ou Twitter est devenu indispensable pour se faire connaître. D’autant plus que l’image a pris une place quasiment aussi importante que le son. En 2014, le rap serait presque devenu une musique qui se regarde. Dans les années 90 et au cours de la première moitié des années 2000, le circuit des mixtapes et compilations constituait le baromètre parfait pour établir le buzz des MC’s. Il s’agissait souvent d’un travail de longue haleine pour espérer percer. Depuis la démocratisation d’Internet, tout va plus vite. Un jeune rappeur peut se voir propulser sur le devant de la scène en quelques semaines. Comme il peut disparaître de la circulation aussi rapidement…

Nekfeu freestyle N°1 :

Les membres du collectif L’Entourage ont senti brusquement l’effervescence monter autour d’eux. « Moi le premier truc qui m’a alerté, c’est Nekfeu, se souvient Jazzy Bazz lors d’un entretien donné à SURL Mag. Je voyais qu’il faisait ses freestyles, n°1, n°2, et qu’il faisait 100 000 vues. Quand j’ai vu ça, je me suis dit : « Nan mais attend, dans quel monde on rentre ? C’est un truc de malade mental ! » Parce que nous, quand on mettait des petites vidéos comme ça, par rapport à nos potes, à ce moment là…c’était pas 100 000. Avec Nekfeu, j’ai réalisé qu’il y avait plein de gens, qu’on ne connaissait pas, qui parlaient de lui. » Effectivement, les réseaux sociaux sont avant tout un média. Un outil de communication ultra-puissant lorsque leur utilisation est bien maîtrisée. A l’heure où la presse papier a presque entièrement disparu en matière de rap français, Facebook, Twitter et Instagram permettent (souvent gratuitement) aux rappeurs de créer, relayer et propager leur actualité.

En dessous de 100 000 followers, je ne réponds pas aux piques !

Pour les rappeurs, les réseaux sociaux sont un terrain de jeu idéal pour envoyer des piques. Certains échanges houleux entre MC’s peuvent parfois favoriser le buzz de chacune des parties. Certains choisissent même précisément leur cible pour attaquer ou répondre. « En dessous de 100 000 followers, je ne réponds pas aux piques ! », reconnaît Fababy. Dans son morceau 3G, Booba donne la réplique à Tariq Ramadan et Saïd Taghmaoui. En revanche, aucune allusion n’est faite à son confrère Kennedy, qui l’avait pourtant tancé au sujet de la même publication. Peut-être parce que la notoriété de ce dernier est beaucoup moins importante aux yeux du grand public que celle du philosophe et du comédien ?

Des rappeurs ont pris conscience de l’importance des réseaux sociaux plus tôt que d’autres. Rohff admet par exemple s’y être intéressé sur le tard. « C’est moi qui donne les directives. Rien n’est fait sans mon aval », assure l’ex-membre de la Mafia k’1 Fry, qui a parfois dérapé en les utilisant. Si les réseaux sociaux n’existaient pas, l’image de certains rappeurs serait-elle moins dégradée qu’elle ne l’est aujourd’hui ? Mardi dernier par exemple, la publication de la vidéo de l’agression d’un vendeur de la boutique Unkut s’est propagée à la vitesse de la lumière. Une exposition dont se serait certainement passée le Vitriot….

Des fans directement impliqués…

Quelques MC’s ont décidé de se servir des réseaux sociaux pour faire participer leurs fans au processus de création de leur projet. Pour son EP « Nouveau souffle », Georgio a par exemple proposé à son public de choisir ses instrumentales au sein d’une sélection. Dans un autre registre, Soprano a décidé d’inviter ses fans sur la pochette de son prochain album, via l’application « Cosmosaïque ». Grâce aux réseaux sociaux, l’interaction entre rappeurs et internautes atteint des sommets. Que l’artiste prenne en compte l’avis de ses fans se comprend tout à fait. Qu’il soit totalement dépendant d’eux pour créer pose toutefois problème. En voulant trop répondre à l’attente de leur public, quelques MC’s peuvent voir leur esprit critique « fragilisé ». Prenons l’exemple de Sinik. Constamment critiqué sur les réseaux sociaux (pour la mécanique répétitive de son flow ou le choix de ses instrumentales) le rappeur originaire des Ulis a semble-t-il procédé à quelques changements. Cette prise de risque a-t-elle été le résultat d’une prise en compte inconsciente de ces critiques ?

Devenus incontournables aujourd’hui, les réseaux sociaux n’ont pas fini de bouleverser le rap game à la française. Toutefois, il est important de rappeler que ce ne sont pas le nombre de followers sur Twitter et celui de « J’aime » sur un clip posté sur Facebook qui permettent à un artiste de vivre de sa musique. Du moins, pas encore…

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