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Pourquoi Niska a tout pour percer à l’international [DOSSIER]

Pourquoi Niska a tout pour percer à l’international [DOSSIER]

Et si son nouvel album n’était qu’une étape avant le passage au niveau supérieur ?

En mars dernier, le rappeur d’Evry faisait un retour remarqué avec le clip de Giuseppe. Quelques mois plus tard, le bilan est sans équivoque : Niska n’a rien perdu de sa popularité et encore moins de ses talents de hitmaker. Après une année de battement consacrée à la fin d’exploitation de son opus Commando, il s’apprête à sortir son troisième album studio Mr Sal le 6 septembre prochain en alternant singles en solo et collaborations avec certaines des plus grosses têtes d’affiche du moment. Entre Médicament avec Booba et Maman ne le sait pas avec Ninho, tous deux certifiés singles de diamant, le rappeur s’accapare les premières positions des charts semaine après semaine. Prudent et méthodique, il ne s’encombre d’aucun risque et fait le choix de conforter son assise sur le marché de l’urbain français avant de passer à l’étape supérieure. Un choix d’autant plus judicieux que Niska réunit tous les ingrédients pour percer à l’international…

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Un savant dosage d’influences, d’Evry au Nigéria

Après s’être pris de plein fouet la montée en puissance de la vague drill de Chicago, le rap français se tourne progressivement vers la nouvelle scène trap d’Atlanta courant 2015. En l’espace de deux ans, les codes du genre ont été bouleversés par une flopée de nouveaux arrivants : Kaaris, Gradur, Kalash Criminel, mais aussi PSO Thug, XV Barbar et… Niska ! En compagnie de Skaodi au sein du duo Negro Deep (anciennement « Mineurs Enragés ») et de son équipe, il enchaîne les freestyles à compter de l’été 2014 et cumule les millions de vues au point de créer un véritable engouement. Un an plus tard, il sort chez Millenium (Barclay) Charo Life, une mixtape qui n’a rien d’une carte de visite. Le rappeur fait d’office le choix de se ménager une marge de progression, au risque de donner l’impression d’être limité à un seul registre malgré un début d’ouverture sur Mama et Ochoa. À la même période, le succès du hit Sapés comme jamais en compagnie de Maître Gims le pousse vers des sonorités afro qu’il avait déjà inconsciemment intégré à sa palette, dans une moindre mesure. À ce stade de sa carrière, Niska commence progressivement à tirer avantage de deux points forts : sa tendance à calculer en amont chacun de ses choix et sa capacité à synthétiser spontanément les influences auxquelles il est exposé.

Interrogé sur sa consommation de rap américain, il explique ainsi : « Je n’en écoute pas beaucoup ! Les gens sont surpris quand je dis ça… C’est vraiment très rare. Les gens disent que je reprends les trucs, mais j’ai juste repris le pas de Skippa da Flippa parce qu’il était bien. J’étais tombé dessus par hasard. Je me suis dit que ça pouvait faire un délire en France. Quand j’entends des sons US, c’est par mes potes, si l’ambiance est bonne je vais rentrer dedans. Je n’aime pas écouter ce que je ne comprends pas donc je suis plus rap français sans avoir d’artistes favoris en particulier. » En juin 2016, le rappeur d’Evry-Courcouronnes dévoile son premier album studio Zifukoro. Profitant de sa fameuse marge de progression, il s’appuie sur le travail de DJ Bellek pour donner une cohérence globale à ce qui apparaît rapidement comme un véritable cocktail d’influences : de l’afrobeat nigérian sur Elle avait son djo et Mustapha Jefferson, de la kora malienne sur Oh bella ciao, du bouyon caribéen sur Speingof… Niska pose les fondations de ses succès à venir, à savoir la volonté de conserver son ADN musical au croisement de la trap de la deuxième moitié des années 2010 et de la scène rap essonnienne, tout en la faisant évoluer vers de nouvelles sonorités. Réseaux, son plus gros sucès à ce jour, est révélateur de cette dualité et alterne entre un refrain pas si éloigné des singles des têtes d’affiches d’Atlanta et des couplets rappés dans le pur style d’Evry.

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L’image au centre de la créativité de Niska

Au début des années 2010, la scène du nord-est de l’Essonne connaît un véritable essor, portée dans l’ombre par des formations comme LMC Click, La Comera et l’Unité 2 Feu. Parmi leurs traits communs, des textes très imagés et ponctués d’expressions du cru qui auront vite fait de déteindre sur les générations suivantes. Cette conception presque cinématographique de la musique est un élément essentiel de la créativité de Niska. Les textes du rappeur regorgent de descriptions très visuelles ; il va jusqu’à les illustrer au travers d’une succession de mises en scène dans le clip de Réseaux. À ses débuts, il entretient d’ailleurs une relation de dépendance mutuelle avec son réalisateur attitré William Thomas. Alors que le rap français s’accommode à peine de la généralisation de la haute définition (1080p) dans les clips, Niska débarque avec un arsenal d’effets inédits qui vont largement contribuer à la popularité de ses morceaux : balayage et mouvements de caméra, multiplication des plans tournés au drone, résolution 4K… Plus que personne, il a conscience de l’importance d’investir dans un visuel de haute qualité qui le démarque de la concurrence.

Très tôt dans sa carrière, Niska envisage son personnage public comme une composante à part entière de son univers artistique. Cette vision englobante va le pousser à développer son imagerie de façon très concrète, au-delà des clips et des réseaux sociaux. C’est ainsi qu’il érige son expression emblématique « charo » en gimmick viral, puis en marque de vêtements. Fin 2015, il sponsorise avec sa marque Charo deux équipes de football locales, l’ES Villabé et l’Evry Football Club. Toujours dans la même optique, il utilise sa visibilité pour assurer sa propre promotion : le logo à l’effigie du rapace est omniprésent dans ses visuels, en particulier dans celui de son premier succès national Freestyle PSG qui cumule aujourd’hui plus de 88 millions de vues, mais aussi dans celui de Réseaux tourné partiellement dans la boutique de la marque. En 2018, alors qu’il se consacre à l’exploitation sur la durée de son deuxième album studio Commando, Niska passe à la vitesse supérieure. Il participe à une campagne de grande ampleur déployée par l’équipementier Nike à l’occasion de la Coupe du Monde. Quelques mois plus tard, il est sélectionné avec le joueur parisien Marco Verratti pour faire la promotion d’une collaboration entre Beats By Dre et la marque de streetwear Undefeated. Peu à peu, ses clips se transforment en véritables tableaux vivants, sur W.L.G. avec l’aide de professionnels de la mode comme Samantha Gil et Garlone Jadoul, ou sur Giuseppe en partenariat avec Nike pour la promotion de l’AM 720 Sea Forest.

Une tête d’affiche de la scène rap européenne ?

Entre sa capacité à s’approprier des tendances internationales comme la montée en puissance de l’afrobeat et des musiques latines tout en conservant une identité musicale très affirmée et son univers très visuel au-delà de l’écriture, Niska a tout pour plaire à l’étranger. Alors que la vague trap bat encore son plein en Europe, l’influence de la scène française se fait ressentir en Espagne, aux Pays-Bas, en Italie et surtout en Allemagne, où le rappeur Luciano adopte un style directement inspiré des premiers freestyles à succès du rappeur d’Evry. Pour appuyer sa croissance sur le Vieux Continent, le rappeur met en place une stratégie basée sur des remix avec des invités triés sur le volet : en Allemagne avec le rappeur d’origine iranienne Nimo, qui sera certifié single d’or à l’export avec plus de 15 millions d’équivalents streams, et au Royaume Uni avec l’incontournable Stefflon Don… Une approche pas si éloignée de celle du phénomène Lil Nas X, qui dévoilera tour à tour quatre versions du hit Old Town Road en compagnie de Billy Ray Cyrus, Diplo, Young Thug, puis Mason Ramsey et RM du groupe BTS. Au cours d’un entretien fleuve avec le journal britannique The Guardian, Niska affirmera également avoir réalisé une collaboration avec Skepta, qui n’a pourtant pas été intégrée à la tracklist de son nouvel album Mr Sal… Une petite surprise en perspective ?

Dans la même interview, Niska se positionne comme une tête d’affiche à part entière de la scène rap européenne lorsqu’il est interrogé sur l’intérêt des collaborations avec des artistes américains : « Je ne pense pas qu’ils respectent notre art et pour que la sauce d’un morceau prenne, il est indispensable d’avoir une certaine alchimie, quelque chose de réciproque ». Seule exception à la règle, l’hypnotique Boom Bye Bye avec le producteur Diplo, qui fait l’effort de comprendre son style et de proposer une couleur musicale à cheval entre leurs univers respectifs. Cette volonté de ne pas tomber dans la demi-mesure sur le plan artistique n’a d’ailleurs pas joué en la défaveur de Niska, nommé en mai 2018 avec Booba et Dadju pour représenter la France aux BET Awards face à des artistes comme Beyoncé, Rihanna, Davido, Bruno Mars et Chris Brown. Difficile pour autant de prévoir les prochains objectifs du rappeur à l’international tant la communication autour de son nouvel album Mr Sal prévu pour le 6 septembre prochain brille par sa sobriété en comparaison du semestre de promotion exhubérant qui avait précédé la sortie de Commando. Entre ses featurings avec Booba, Ninho, Heuss L’enfoiré, Koba LaD et Skaodi et son concert sauvage dans le dix-neuvième arrondissement de Paris, tout porte à croire que Niska préfère asseoir sa popularité dans l’hexagone avant de s’attaquer pour de bon à l’Europe… Après deux ans de pause et dans un contexte fortement concurrentiel, difficile en effet d’ignorer l’importance de ce nouvel opus !

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