Actualités Musique

Pourquoi Jul cartonne autant ? [DOSSIER]

Pourquoi Jul cartonne autant ? [DOSSIER]

Depuis lundi, « Je tourne en rond » est disponible dans les bacs. Le succès commercial de ce nouvel album de Jul, dont 60 000 copies ont déjà été mises en place, est quasi-assuré. Retour sur le parcours atypique du rappeur marseillais et focus sur une réussite éloignée du circuit traditionnel des majors.

C’est l’histoire d’une ascension fulgurante ! A la fin de l’année 2013, Jul a généré un immense buzz sur la toile avec Sors le cross volé. Quelques semaines plus tard, le jeune phocéen remettait le couvert avec Dans ma paranoïa, titre dont le clip a aujourd’hui dépassé la barre des 30 millions de vues sur YouTube. Laurent Bouneau, le Directeur général des programmes de la radio Skyrock, a rapidement compris l’ampleur du phénomène et décidé de faire entrer ce morceau en playlist. Même Booba l’a validé ! « Quand j’ai entendu Dans ma paranoïa, je savais que ça allait être un hit. J’ai l’oreille. Quand je remets un morceau deux ou trois fois parce qu’il m’intrigue c’est qu’il y a quelque chose. Je me trompe rarement », avait expliqué l’ancienne moitié de Lunatic lors d’un entretien donné aux Inrocks. « A partir du moment où Jul est rentré en rotation sur Sky, Universal lui a proposé un très gros contrat, nous révèle Julien Kertudo, le PDG de Musicast, maison de disques indépendante assurant la distribution physique et numérique de ses projets. Cela correspondait à un deal de plusieurs centaines de milliers d’euros. Sauf que Jul ne voulait pas ressentir de dépendance vis-à-vis de la major. Il a donc refusé, préférant travailler avec nous, dans un cadre beaucoup plus familial. »

Universal lui a proposé un très gros contrat qu’il a refusé…

L’esprit de famille

Car la famille, pour Jul, c’est primordial. Comme ses potes issus du quartier Font-Vert, dans le XIVe arrondissement. Très jeune, Julien (son prénom à l’état civil) a travaillé avec son père dans le secteur du bâtiment afin de pouvoir s’acheter du matériel de musique. C’est au sein du label Liga One Industry, crée par Kalif Hardcore, Tota et Momo, qu’il va avoir l’occasion de faire ses premières armes. Même si elle ne possède pas d’organigramme précisément défini, cette structure basée dans le sud de la France a produit tous les projets sortis par Jul, en ayant un contrôle absolu sur la stratégie à adopter. Des projets couronnés de succès : deux albums (Dans Ma Paranoïa, Je Trouve Pas Le Sommeil) certifiés disque de platine et une mixtape (Lacrizeomic) disque d’or. En moyenne, celui que le journaliste Olivier Cachin compare à « un chanteur de raï des années 90 » sort un projet tous les six mois. Une productivité phénoménale qui aurait pu lui porter préjudice. « Tellement il avait de titres en stock, Dans ma paranoïa a failli ne pas être retenu, confie Julien Kertudo. Heureusement, la bonne décision a été prise pour ce morceau. Jul consulte toujours son équipe avant de faire un choix, mais c’est tout de même lui qui tranche à l’arrivée. » « Jul est vraiment attaché à sa liberté, renchérit Juliette, chargée de promotion chez Musicast. Par exemple, il gère lui même sa chaîne YouTube. Récemment, Gradur a expliqué dans une interview qu’il regrettait d’avoir signé en maison de disques. De son côté, Jul n’a pas fait cette erreur : il préfère garder le contrôle. »

Jul, c’est l’antistar par excellence !

Les premiers contacts entre Liga One Industry et Musicast remontent à l’année 2013. « En écoutant l’une des leurs compilations, nous sommes tombés sur un titre de Jul, se souvient le patron de la distrib’. On l’a trouvé super authentique, ça nous a touché de plein fouet. Pourtant, le label n’avait pas forcément envisagé de sortir Jul en premier, sachant que plusieurs autres artistes en font partie. » Mais c’est bien Jul qui sera choisi pour être la figure de proue de la Liga One. A une époque où bon nombre de rappeurs français redoublent d’artifices en tous genres pour faire fantasmer la jeunesse, le Marseillais a opté pour la simplicité. « Tout le monde peut s’identifier à lui, indique Juliette de Musicast. Il parle « ter-ter » en faisant bouger des têtes. Il sait parfaitement décrire des situations précises avec des mots simples. C’est ultra-efficace. Et c’est surtout naturel. »

Un fabricant de tubes qui est très exigeant envers lui même

C’est logiquement dans la cité phocéenne que les jeunes ont été les premiers à s’identifier à Jul. A la fin des années 90, les « mini-Le Rat Luciano » peuplaient Marseille. Depuis près de deux ans, ce sont de « mini-Jul » qui ont envahi la préfecture des Bouches-du-Rhône. Ne serait-ce qu’au niveau du style vestimentaire. « Comme plein de jeunes marseillais, Jul est tout à fait capable de mettre un short de Chelsea avec un T-Shirt de Manchester United, ironise Juliette. Il représente tellement bien sa ville ! » Désormais, sa musique a largement franchi les frontières de la commune du sud-est de la France. C’est l’Hexagone tout entier qu’il est en train de conquérir. « C’est quelqu’un de profondément authentique, souligne Julien Kertudo. Les gens sont sensibles à son humilité. Surtout qu’il ne se limite pas au rap. Avec Jul, on se dirige clairement vers la pop urbaine. Il me fait un peu penser à Jean-Jacques Goldman à l’époque, qui portait un jean délavé et s’excusait presque d’être là. Jul, c’est l’antistar par excellence ! Toutefois, cela ne remet pas en cause son énorme talent musical. Car c’est aussi un fabricant de tubes qui est très exigeant envers lui même ».

Si tu l’empêches de chanter, il meurt…

Pour convertir un large public à sa musique, Jul a utilisé deux ingrédient essentiels : l’authenticité et l’accessibilité. Son public est à son image : familial et provincial. A l’instar de la Sexion d’Assaut, les parents laissent écouter leurs enfants sans trop s’inquiéter. Car même si Jul peut parfois retranscrire un certain mal-être de la jeunesse actuelle, il ne véhicule pas de violence. Conserver ce côté familial et favoriser le travail de proximité sont deux des principales raisons qui expliquent que Jul n’ait pas cédé aux sirènes des maisons de disques. Et évidemment, l’aspect financier rentre en ligne de compte. Aujourd’hui, sur chaque CD vendu, son équipe gagne beaucoup plus d’argent qu’un artiste signé en major. Néanmoins, une signature en maison en disques ne lui permettrait-elle pas de passer un cap supplémentaire dans sa carrière ?

Un rappeur extrêmement productif

« Nous développons sa carrière depuis moins de deux ans, rappelle le patron de Musicast. Pour le moment, nous n’avons pas encore de grandes scènes de prévues pour lui. Il fait essentiellement des showcases dans des chichas. Bien qu’il ne soit que sur une structure indépendante, il est bastonné sur Skyrock. Pour passer sur NRJ, il n’est pas encore considéré comme étant suffisamment mainstream. Il faudra donc attendre un peu, mais on y arrivera, surtout que ses musiques sont de moins en moins ghetto. » L’immense productivité de Jul pourrait cependant avoir un effet pervers : la lassitude du public. Surtout à une époque où les jeunes consomment la musique comme les hamburgers au Mac Do. « Sur son nouvel album, il prouve qu’il est capable de se renouveler en faisant preuve d’ouverture, souligne Julien Kertudo. Il ne cesse d’élargir son spectre musical. En moins de deux ans, il a imposé un style. Énormément d’artistes tentent de s’en inspirer. » Pourrait-il alors faire une longue carrière dans la musique ? « Oui, il possède les ingrédients d’un talent unique. La musique c’est sa vie. Si tu l’empêches de chanter, il meurt… »

L’album Je tourne en rond de Jul est actuellement disponible dans les bacs et en téléchargement légal ICI.

Dossiers

VOIR TOUT

À lire aussi

VOIR TOUT