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Où en est le Rap de New York ?

Où en est le Rap de New York ?

Les artistes de la Big Apple sont à la traîne. Analyse…

« There is a war goin on outside nobody’s safe from » disait Prodigy dans Shook One. A l’époque c’était une image : aujourd’hui c’est la réalité. C’est la guerre à New York. La semaine passée les deux mastodontes de New York, les ennemis mortels, Curtis Jackson et Joe Cartagena étaient réunis. Fat Joe et 50 Cent ? Sur le papier c’est une belle affiche. Sauf que la prod de Free Again est réchauffée (un sample utilisé en 1995 par The RZA dans Incarcerated Scarfaces de Raekwon ) et l’énergie de Fat Joe masque à peine le couplet assez juste de 50 Cent. De plus, on entend que les deux hommes n’étaient pas en studio ensemble. Résultat ? Free Again est un pétard mouillé indigne du statut de ces deux grands MC.

Free Again est un pétard mouillé indigne du statut de ces deux grands MC.

Dans le South il y avait aussi une réconciliation : Rozay invite Jeezy sur son album. Le MC de Miami en a fait un événement : il balance un petit teaser vidéo, poste une photo avec le Snowman et donne le titre de la chanson. #Warready sera dans Mastermind le sixième album de Ricky Rozay. La mise en scène et donc l’impact est différent. Face à la flamboyance du duo du South, Fat Joe et 50 Cent sur cette opération se retrouvent ringardisés : ils sont à l’image de la scène rap de New York…

Etat des lieux…

New York va mal. Par exemple au Grammy de cette année, Jay-Z était le seul représentant de New York. Pire, à part lui, Nas l’année passée et Nicki Minaj en 2012 aucun new yorkais n’est apparu dans la catégorie « meilleur album rap » depuis 2010. Dans les classements Billboard c’est le désert : à part l’inévitable Shawn Carter il n’y a personne. Enfin dans l’étroite playlist de Hot 97 la radio phare de la ville on trouve seulement Jay-Z et Fabolous en septième place. Jay-Z est dans le game depuis plus de vingt ans et n’entre pas dans notre grille de lecture.

Aucun artiste new yorkais n’est apparu dans la catégorie meilleur album rap des Grammys depuis 2010

Pourtant ce ne sont pas les rappeurs qui manquent dans les cinq boroughs. Les jeunes talents comme Joey Badass, Bishop Nehru, Flatbush Zombies, Bodega Bamz, le A$ap Mob, Nitty Scott ou même Action Bronson ont pour l’instant encore peu de visibilité dans le grand public. Le format du « thug rapper » usé par les Papoose, Maino, Troy Ave, Red Café et d’autres s’essouffle. Enfin la scène des backpackers (Sean Price, Skyzoo, Roc Marciano, Talib Kweli, Torae) malgré son indéniable talent n’y arrive pas non plus. Reste les noms prestigieux : Fat Joe, Cam´ron, Juelz Santana, Jim Jones, Jadakiss, Styles P, Sheek Louch, Fabolous, Joe Budden, 50 Cent, Method Man, Redman… Les apparitions de Busta Rhymes, les quelques clips de 50 Cent, les titres de Cam’ron ou encore le récent EP de The Lox sont quelques arbres qui cachent la forêt.

French Montana, Nicki Minaj et A$ap Rocky…

Ces trois artistes représentent-ils New York ? French Montana du Bronx et Nicki Minaj du Queens ont longtemps stagné dans l’underground new-yorkais. L’un enchaînait les DVD (les fameux Cocaïne City qu’il présentait) et les embrouilles -notamment avec Jim Jones- et l’autre essayait avec un succès relatif de reprendre le créneau de Lil Kim. Ils ont du s’expatrier à Atlanta (sous le management de Debra Antney la mère de Waka Flocka) et adopter une esthétique du South pour avoir du succès. Même si, reconnaisons-le, ils « représentent » New York dans leurs textes, leurs flows et leurs musiques (comme par exemple Pop That avec sa boucle de Luke de 2 live Crew ) n’ont pas l’identité new yorkaise.

French et Nicki ont du s’expatrier à Atlanta et adopter une esthétique du South pour avoir du succès

Vado un temps proche de Cam’ron qui a rejoint We The Best de Khaled depuis un an essaye a contrario de conserver son ADN new-yorkais. A$ap Rocky qui vient d’Harlem lui s’est fait connaître en utilisant du slang (« Keep It Trill »…) et le « swag » -l’attitude-de la ville Houston. L’argument avancé notamment par A$ap est que les jeunes aujourd’hui grâce à Internet dépassent les frontières de leurs quartiers pour écouter, apprécier et s’inspirer de la musique de toutes les régions. Pas faux. Mais pourquoi Atlanta arrive à faire émerger des nouveaux artistes avec un son local ? Que, Young Thug, Rich Homie Quan, Migos etc sont jeunes et ont probablement une connection Internet. Pourtant dès les premières secondes de leurs musiques on reconnaît la touche d ATL. Même chose du côté de la west coast. Le camp TDE, Tyga, Kid Ink, YG, Iamsu, Sage The Gemini, Problem et même Odd Future représentent la Californie. Ne parlons même pas de la ville de Chicago qui depuis trois ans cultive et développe sa scène. New York est dans une impasse.

Une ville victime de son illustre histoire.

Bien entendu, il y a toujours eu des cycles dans le rap américain. Los Angeles par exemple a mis du temps avant de se remettre du déclin de Death Row. Durant un long moment seul Game et Snoop Dogg portaient hauts les couleurs de L.A. Le mal new-yorkais semble plus profond. Déjà la ville est victime de son illustre histoire. Chaque borough a enfanté des légendes : RUN-DMC pour le Queens, Big Daddy Kane de Brooklyn et KRS One du Bronx. Ensuite il y a eu la génération dorée des Nas, Mobb Deep, Biggie, A Tribe Called Quest, Boot Camp Click ou autres Wu-Tang etc… Difficile de se créer une identité avec de tels référents. Enfin, le climat de la ville a changé. L’attentat du 11 septembre et les lois sécuritaires des deux derniers maires de la ville (Michael Bloomberg jusqu’en 2013 et avant Rudy Giuliani) ont éteint le monde de la nuit. Or aux Etats-Unis, Atlanta est le parfait exemple, le club est un des moteurs de la scène Hip-Hop.

Le dernier jeune artiste de New York qui a obtenu un disque de platine est Lloyd Banks en 2004 !

Le bilan est calamiteux : le dernier jeune artiste de New York disque de platine est Lloyd Banks avec son album The Huger For More en 2004 ! Incroyable. Aujourd’hui les radios locales, les puissantes Hot 97 et Power 105.1 essayent de faire bouger les choses. Par exemple Power joue majoritairement des rappeurs de la ville le week-end. Cipha Sounds, DJ et co-animateur de la matinale sur Hot 97 tente de son côté de réunir différents artistes de la ville lors de showcases. Ce sont de belles initiatives mais pour l’instant le public ne réagit pas …

Reste que ce n’est que de la musique. Même si beaucoup d’indicateurs sont alarmants, un artiste de New York peut éclore le mois prochain et sortir un tube mondial. Un crew de jeunes loups prépare peut-être une révolution musicale… Qui sait ? Pensez-vous que New-York pourra remonter la pente ? Donnez-nous votre avis !

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