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Lous and The Yakuza, quand le gore se conjugue au sublime [PORTRAIT]

Lous and The Yakuza, quand le gore se conjugue au sublime [PORTRAIT]

Rencontre avec la Belge à l’occasion de la sortie prochaine de « Gore », son premier album studio.

Photos : Laura Marie Cieplik.

Nouveau phénomène de la scène belge, Lous and The Yakuza marque de part son timbre de voix singulier et son regard profond. Si, au premier abord, la jeune artiste nous transmet une énergie lumineuse, cette dernière traîne derrière elle un lourd passé, entre moments difficiles et scènes de violence. De dures épreuves, oui, mais qui n’impactent pas son mental sans faille. Années après années, la Belge n’a cessé de travailler, réalisant pas moins de sept EP en trois ans. En cette rentrée 2020, la chanteuse semble fin prête à passer le cap symbolique du premier album avec une sortie prévue pour le 16 octobre. Intitulé Gore, le titre du projet est à l’image de sa vie : hardcore à un point où en rit presque. A l’occasion de la sortie de cet opus, la jeune pépite s’est livrée sans fard à Booska-P…

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Une artiste aux multiples facettes

Comprendre le personnage Lous and The Yakuza, c’est s’attaquer à tout un tas de symboles la concernant. Pour commencer, son nom de scène. Si Lous n’est nul autre que le verlan du mot « soul », le terme « yakuza », lui, fait bien évidemment référence au fort attrait de la chanteuse pour la culture japonaise.

L’autre grande facette de Lous, c’est cette marque apercevable sur son front. Plus qu’un simple dessin, ce signe est porteur d’un véritable message : « J’ai voulu créer un symbole qui correspond à ma personne et qui pouvait s’installer dans le temps. Quelle est la seule chose qui est là depuis ma naissance et qui perdurera jusqu’à ma mort ? Et bien c’est le fait que je sois quelqu’un d’extrêmement spirituel. Le symbole montre un bonhomme levant les bras vers le ciel, ces membres pointent en direction du futur et l’accueille. Je veux tout accueillir, pour moi c’est la première étape d’accepter. Je pense que c’est comme ça qu’on avance dans la vie. C’est pourquoi il n’est pas tatoué. Je le dessine sur mon visage histoire de me remémorer ce message au quotidien » explique-t-elle. Si cette initiative de se trouver un symbole à l’image de sa personnalité peut paraître peu commune, il s’agissait d’une évidence pour la Belge, guidée par l’une de ses plus grandes passions, le dessin : « Ca fait très longtemps que je me dessine sur tout le corps, avant je me dessinais sur les genoux et sur les mains. J’ai commencé à faire ça le jour où je n’avais plus de papier (rires). Au fil du temps, j’ai transformé mon corps en toile. J’ai besoin de dessiner, ça constitue pour moi une forme d’expression et ça me permet de me souvenir. Chaque jour on me demande ce que j’ai sur la tête et par exemple aujourd’hui je sais qu’il y a écrit WOKE qui signifie « resté éveillé face aux choses du monde » ».

Je veux tout accueillir, pour moi c’est la première étape d’accepter

Agée seulement de 24 ans, Lous and The Yakuza possède pourtant une discographie bien garnie. En effet, la jeune artiste a d’ores et déjà enregistré pas moins de sept EP. Si ses projets ne sont disponibles sur aucune plateformede streaming, on sait néanmoins que Lous avait la spécificité de chanter en anglais. En 2017, alors qu’elle se plonge dans la préparation de son premier album, l’artiste fait le choix de retourner vers l’une de ses langues natales, le français : « J’écoute beaucoup de musiques culturelles de chaque pays et je trouvais que la musique était d’autant plus puissante quand elle provenait d’une des langues natales. J’ai donc peu à peu commencé à me tourner vers le français. C’est une langue que je trouve très intellectuelle. Mon choix a grandement été soutenu par Damso et Krisy ». Etant en pleine quête de sincérité, elle a notamment été influencée par des artistes aux textes forts tels que Prince, Ikue Asazaki, Cesaria Evora ou encore Salif Keita. Une initiative qui reste néanmoins réversible, traduisant surtout son état d’esprit actuel : « Je suis déjà en train de changer. A chaque moment de ma vie, la vérité sonne mieux dans une langue ou dans une autre. Là par exemple, je viens de faire deux morceaux en swahili, ma deuxième langue. J’ai aussi la chance d’avoir un label qui me soutient à fond, tant que je fais de la bonne musique ».

L’élévation comme seule motivation

Au-delà du simple fait de devenir une artiste accomplie au sein de sa discipline, Lous se fixe comme objectif d’être l’exemple d’une femme noire ayant réussie seule, envers et contre tout. Alors lorsqu’on demande à la Belge ce que représente le fait d’être une artiste francophone à la couleur ébène dans notre société actuelle, la principale concernée n’a pas tardé à trouver ses mots : « Etre une artiste noire ça représente un combat. Mais ça représente aussi quelque chose de beau puisque c’est quelque chose qui n’existe quasiment pas, malheureusement. Je pense être le rêve réalisé de plein de gens et je m’applique pour que d’autres personnes puissent rêver après moi. Ca représente une fierté et même une bénédiction puisque je prends ça un peu comme une opportunité offerte par Dieu ». Des termes forts illustrant parfaitement tout l’aspect symbolique de cette rude mission que la chanteuse s’est fixée.

Etre un vecteur d’espoir à l’égard d’autres personnes, une cause ambitieuse qu’elle nous explique en prenant pour exemple une tête d’affiche de l’industrie musicale : «Tu vois, par exemple, Aya Nakamura, quoi qu’on puisse penser d’elle, elle nous donne la puissance de dire « c’est possible ». Moi j’y croyais avant Aya Nakamura et je vais y croire après elle mais c’est pas du tout le même cas de plein de femmes noires. C’est ce que j’ai envie d’insuffler avec mon art ».

Je pense être le rêve réalisé de plein de gens et je m’applique pour que d’autres personnes puissent rêver après moi

Avec l’excellence comme maître mot, Lous and The Yakuza a toujours fait preuve d’une exigence sans faille lorsqu’il s’agissait de propager sa musique : « C’est en grande partie pour toutes ces raisons que je bosse énormément sur mes visuels et que je ne clippe pas en bas de ma cité. J’ai envie de montrer toute l’étendue artistique qui peut sortir de la tête d’un noir ». Etape après étape, cette dernière n’a jamais flanché, toujours accompagnée de sa fine équipe, elle a bataillé sans cesse afin de gagner en exposition et ainsi de se faire connaître auprès du grand public : « C’est très compliqué d’en arriver là où je suis en termes de visuels. Le travail fait en amont est invraisemblable. Avec mon équipe on bosse d’arrache-pied, rien n’arrive par surprise. Que ce soit mon passage dans Taratata, Quotidien ou plus récemment Colors, ce sont des combats quotidiens que nous menons. On a ramassé énormément de bides, mais on n’est pas décrouragé, bien au contraire ». Entre sa performance chez Colors qui comptabilise aujourd’hui plus d’un million de vues ou encore la légende Madonna qui a partagé son titre Tout est gore sur ses réseaux sociaux, cette lutte acharnée semble d’ores et déjà porter ses fruits pour la Belge et tous ses yakuzas.

Seule mais perpétuellement entourée

Si la solitude est l’un des thèmes récurrents de sa musique, la Belge jouit pourtant d’un bel entourage présent à ses côtés, déterminé à l’aider à gravir les échelons et inscrire son nom au milieu de la carte. Le premier membre de ce squad cinq étoiles se nomme El Guincho. Artiste et compositeur espagnol, ce dernier est notamment connu pour être le producteur de Rosalia. Si cette connexion pouvait paraître surprenante pour certains, elle était belle et bien évidente pour Lous : « J’écoutais ses morceaux sans même savoir que c’était lui derrière. Un jour Rosalia a annoncé la sortie d’un nouveau single Con Altura, morceau produit par El Guincho, avec un p’tit teaser de trente secondes. J’ai écouté la prod’ et je n’ai jamais autant pull up un extrait de toute de ma vie. Déjà je la suivais parce qu’elle faisait uniquement du flamenco guitare-voix et dans cette prod’ j’entendais parfaitement le mix entre le hip-hop et le flamenco. J’ai trouvé que c’était du génie de mélanger deux styles aussi différents. Je me suis dit « toi tu vas travailler avec moi parce que tu vas comprendre mon bourbier » (rires) ». L’auteur-compositeur originaire de Las Palmas figurait comme l’homme providentiel aux yeux de Lous, c’était celui qui allait permettre à cette dernière de mettre sur pied un opus cohérent et bien ficelé : « J’avais besoin d’un réalisateur pour structurer mon projet. Du coup j’ai communiqué à mon éditeur que je souhaitais travailler avec lui. On lui a envoyé un message et deux jours après il me demandait de venir en Espagne. Je devais enregistrer juste deux chansons avec lui et finalement je lui ai demandé de faire tout mon projet. Il a rigolé et il a accepté ».

Autre membre notable de sa clique, le rappeur Krisy. Frère d’une autre mère et ange-gardien à ces heures perdues, le bruxellois épaule Lous dans tous ses choix de vie : « Krisy c’est mon bras droit. Tous les matins, je lui chie un milliard d’idées et sincèrement il m’envoie un PDF de toutes mes idées le soir même. Il m’aide pour le design sur mes projets, même ceux qui n’ont aucun rapport avec la musique. Il sait tout ». Bien plus qu’un simple manager, celui qui opère également sous l’alias De La Fuentes fait profiter sa protégée de toute sa bienveillance et de sa riche expérience dans le circuit.

J’avais besoin d’un réalisateur pour structurer mon projet

Si une grande partie des auditeurs rap font tout juste connaissance avec Lous and The Yakuza, certains ont eu l’opportunité de rencontrer l’artiste il y a quelques années maintenant. En effet, elle apparaissait dans le clip Bruxelles Vie de Damso en 2016. Très proche de Dems, Lous a souvent été exposée aux nombreuses théories qui annonçaient un feat entre les deux artistes dans son album, chose à laquelle la chanteuse a répondu sans concession : « Le connaissant, il m’aurait dit non, en me sortant un truc du genre « va d’abord travailler et après tu me recaptes ». Après, on a fait des morceaux qui ne sont jamais sortis. Et puis de toute façon, je n’en ai pas envie moi non plus. C’est quelque chose que j’ai envie de prouver à toutes les femmes noires, tu peux très bien débarquer avec un premier album sans featurings. Bon, la vie a fait que j’ai sorti des collaborations avec Hamza ou tha Supreme, mais on ne retrouvera pas ces feats sur l’album ».

Prévu pour le 16 octobre prochain, Gore aura la lourde, mais belle tâche de concrétiser un travail long de trois ans. Il ne nous reste plus qu’à espérer que ce projet, consciencieusement préparé, trouve son public et permette à Lous d’avancer un peu plus dans sa quête principale : imprimer sa marque dans le paysage.

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