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Le rap : Une affaire de famille ! [DOSSIER]

Le rap : Une affaire de famille ! [DOSSIER]

« Ma famille c’est mes soss’ » rappait Arsenik. Mais le rap est-il réellement une affaire de famille ?

De tout temps, le Rap a été une affaire de famille avec un grand « F ». Que ce soit directement lié par le sang, par le milieu social ou par la passion, ce courant musical a bénéficié à sa création d’une forte connotation communautaire, aujourd’hui disparue, mais dont les réminiscences ont laissé un goût de « do it yourself ». Pour certains, l’indépendance est le fer de lance du mouvement, faire les choses « en famille » devient un des moteurs de la pratique. Le Rap puise également ses forces dans sa pluralité et ses influences multiples. Cette diversité au sein même du mouvement a été rendue possible grâce aux inspirations de chacun, découlant bien souvent des foyers familliaux dans lesquels ils ont grandi. La famille est donc le terme, aussi galvaudé soit-il, au centre de beaucoup d’initiatives dans le milieu. Une définition peut en cacher une autre, analyse.

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L’influence des aînés

Au sein de notre cher rap francophone, les enfants d’artistes sont plus nombreux qu’il n’y paraît. De la chanson, en passant par le punk/rock et la salsa, les parents des rappeurs francophones s’illustrent dans des styles aussi riches que divers. Lorsque l’abcdrduson lui posait la question de l’influence de son père, Tabu Ley Rochereau, sur sa musique, Youssoupha évoquait « les lois de la génétique ». S’il ne lui a pas directement transmis la fibre artistique, il lui a en tout cas légué son amour pour cette dernière. Ce même père est également le grand-père de la rappeuse belge Shay qui reconnait, elle, avoir grandi avec la rumba congolaise, avant même de faire connaissance avec le rap. Du côté de Toulouse, les deux frères Bigflo & Oli tiennent de leur père, chanteur de salsa avec son groupe Fabian y su salsa. Ils intègrent le conservatoire de la ville très tôt et sont encouragés dans leurs objectifs par leurs parents. On peut également citer Biffty dont le père Gondrax a été le bassiste du groupe punk Ludwig Von 88 et également membre de Raymonde et les blancs-becs, ou Roméo Elvis et son père Marka, chanteur belge passé par Columbia dans les années 90 et ayant fait partie de différents groupes.

« En règle général, on pousse nos enfants à réaliser leurs rêves. La musique nous a cadrée et forgée, on voit le parcours artistique d’un très bon oeil » – Sals’a, Din Records

L’influence des parents, si elle n’est pas toujours consciente et assumée, est bien présente chez les enfants d’artistes qui parsèment le rap francophone. Maître Gims, leader incontesté de la Sexion d’Assaut, le reconnaît volontiers. Au cours d’une interview donnée en 2011 avec son père Djuna Djanana, il expliquait que ce dernier avait été « un modèle » et « un exemple » pour lui à ses débuts. Depuis tout petit, il baigne dans la musique de son père qui accompagnait Papa Wemba au sein du groupe Viva la musica. Ce même Papa Wemba, décéde depuis, était l’un des pères de la sapologie en République Démocratique du Congo et a eu une influence indéniable sur Gims, notamment sur son tube « Sapés comme jamais » en featuring avec Niska. Pour Bigflo & Oli, l’hommage va encore plus loin. En effet, sur leur dernier album « La vraie vie », ils invitent leur père pour un refrain sur le morceau « Papa » qui lui est directement dédié. Ils reprennent aussi ensemble, et en espagnol, le classique « Hasta siempre » en hommage à Che Guevara en direct lors de leur Planète Rap sur Skyrock. Le côté instrumental et organique de leur musique ne cache pas ses influences, même si la route qu’ont empruntés les deux frères est différente. De Kinshasa à Buenos Aires, les inspirations sont multiples et permettent d’ouvrir au Rap des portes qui lui restaient jusqu’ici fermées.

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La fraternité dans le rap

Les influences parentales sont désormais un fait avéré. Si certains ont bénéficié de parents artistes, d’autres n’ont pas eu cette chance. Pour beaucoup, l’affaire de famille se traduit par le fait d’avancer en fratrie. En tête de file on retrouve Ademo et N.O.S, les deux frères des Tarterêts qui forment l’entité PNL et dont l’impact n’est plus à démontrer. Outre Bigflo & Oli précédemment cités, on pense également à Framal et Mekra, les deux frères qui évoluent ensemble aux côtés de Nekfeu au sein du S-Crew, ou Hayce Lemsi et Volt Face, les frères lumières. En passerelle avec les anciens, Dosseh, qui nous gratifiait récemment d’un clip tourné en Thaïlande, a pu observer la réussite au début des années 2000 de son grand frère Pit Baccardi. Ce même Pit qui rappait avec Oxmo Puccino, Doc Gyneco ou encore Ärsenik, autre célèbre duo de frères du rap français. C’est d’ailleurs grâce à l’initiative de Lino et Calbo, binôme formant Ärsenik et membres émérites du Secteur Ä, que le premier morceau intitulé « Affaire de famille », en featuring avec Doc Gyneco, a vu le jour. Des binômes donc, pour la plupart, qui auront, chacun à leur époque, marqué au fer le rap français, que ce soit dans la technique, le flow ou les sonorités. Que la famille, comme ils le disent si bien.

« On peut toujours en demander plus quand c’est à un frère, on peut aller plus loin. C’est une force quand les liens sont ressérés. » – Sals’a, Din Records

Les collaborations familliales au sein même du rap sont légion, les frères d’armes peuvent en témoigner. Beaucoup avancent en croisant le micro mais certains s’illustrent dans d’autres domaines. C’est par exemple le cas de Davidson, alias La Dictature, anciennement à la tête de feu la MZ, dont le premier album s’intitulait « Affaire de famille », et grand frère de Jok’Air. En tant que grand frère et manager, il supervise la carrière de son poulain qui semble très bien s’en sortir. Du côté de Neuilly-Plaisance, Jules Gondry, aka Julius, se distingue dans la réalisation de clips vidéos notamment pour son petit frère Biffty. L’énergie et la puissance de ses images étant directement proportionnels à l’excentricité du personnage. Moins exposé mais pas moins talentueux, Van Peebles, petit frère de Médine, évolue au sein de Din Records et accompagne son frère sur scène, en tant que DJ, lors de ses tournées, et parfois derrière la caméra. C’est également le cas de Brav et ses deux frères Proof et Général, producteurs récurrents pour l’écurie havraise. D’un autre côté, dans un courant ultra-dominé par les hommes, Roméo Elvis dénote en collaborant avec sa soeur Angèle sur son dernier projet « Morale 2 », morceau qui a d’ailleurs eu le droit récemment à une version live remarquable.

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L’indépendance, une affaire de famille

En 2003, la Mafia K’1 Fry rappait « pour ceux qui bougent, pas pour ceux qui s’chient dessus », établissant avec ce morceau fleuve les cadres d’une grande famille réunie autour de valeurs communes. Une des valeurs qui porte aujourd’hui la notion de « faire les choses en famille » est l’indépendance. D’une part car « c’est bandant d’être indépendant », mais également parce que le cercle de confiance se rétrécit et s’apparente davantage à une famille. On parlait précédemment de Din Records, label indépendant du Havre fondé par Alassane Konaté dit Sals’a et Proof, deux amis d’enfance. Pour eux, la notion de famille est primordiale et ils ont su prouver au fil des années, grâce à la réussite d’artistes comme Médine, Brav ou Le Tiers (anciennement Tiers Monde), que ce schéma était commercialement viable. C’est également le cas de PNL qui porte haut et fort son slogan QLF (Que La Famille) faisant référence au nom de leur label et à leur état d’esprit. Avec plus de 600 millions de vues sur leur chaîne YouTube, ils sont l’exemple parfait de la réussite familliale en indépendant, riant au nez aussi bien des majors que des médias. Dans une moindre mesure, Djadja & Dinaz évoluent dans le même créneau que PNL. Signés en distribution chez Musicast, ils viennent d’obtenir leur deuxième disque de platine consécutif, renforçant un peu plus l’efficacité de ce modèle.

« On a grandit ensemble, on vit ensemble, il y a un noyau qui s’est créé, c’est clairement une grande famille » – Sals’a, Din Records

En France, s’il y a bien un modèle de réussite, qui plus est figure de proue de l’indépendance, c’est Jul. Le rappeur Marseillais a monté son propre label D’or et de platine et accumule les millions de vues et les certifications. Il opère en comité très restreint et incarne à lui seul une grande famille qui se retrouve sous la banière de la Team Jul, son « sang ». Cette notion de sang se retrouve dans la relation très proche qu’il entretient avec ses fans. Sa gestion des réseaux sociaux est également sans précédent. En plus de gérer par lui même son compte facebook, se fendant de longues tirades remplies de fautes d’orthographe, il se permet de répondre directement aux centaines de commentaires qui s’additionnent à chacune de ses sorties. Si sa musique divise le public rap français, la candeur du personnage rassemble. Il pousse régulièrement les jeunes à entreprendre par eux-mêmes, devenant un exemple pour son succès, plus encore qu’un rappeur.

« Le rap de province ne plaisait pas aux maisons de disques. On a créé nos propres portes d’entrées avec l’indépendance, à l’image de 45 Scientific pour la capitale » – Sals’a, Din Records

Cette nouvelle génération de rappeurs n’a pas froid aux yeux. Elle entreprend et préfère s’entourer de quelques amis bâtisseurs plutôt que des grosses majors du disque. Sals’a nous explique la génèse de son label : « À la création du label en 1997, j’ai endossé le rôle de grand frère. Nos parents se connaissaient avant même qu’on soit nés. J’avais envie de développer les autres plutôt que moi-même » concernant l’indépendance, il ajoute « On arrive à vivre de la musique entre potes, on se lève le matin pour ce qu’on aime, on peut éduquer nos enfants. On sait gérer avec le peu qu’on a et c’est largement suffisant ». Plus que jamais, le modèle de l’indépendance et de la famille prend son sens. Les liens du sang raisonnent avec les liens du son.

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