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Laylow : Un rappeur énigmatique et digital [PORTRAIT]

Laylow : Un rappeur énigmatique et digital [PORTRAIT]

Laylow vient de sortir « Digitalova », un projet 10 titres calibré pour l’été. Booska-p est parti à sa rencontre pour tenter de décrypter son parcours, on vous raconte.

Crédits photos : Antoine Ott

Singulier, atypique, inhabituel, autant de termes galvaudés qui ne feront qu’effleurer de loin le qualificatif nécessaire pour définir le personnage de Laylow. En réalité il n’y en a pas. Laylow est pluriel, à la fois timide et parfois prolixe, tantôt calculateur puis spontané. Il est en fait à l’image de sa musique, difficile à appréhender aux premiers abords mais accessible à tous lorsque l’on en possède les clefs de lecture. On le rencontre au coeur de Paris, là où les lumières brillent et où les touristes fourmillent. Les langues se délient au fur et à mesure que l’interview avance, on déchiffre avec lui les principales étapes de son parcours, à mi-chemin entre désir de réussite et humilité. Entretien.

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L’aurore sur la ville rose

Laylow est, dès son plus jeune âge, en immersion totale avec le rap. Son grand frère rappeur lui fait découvrir ses premiers morceaux sur sa chaîne hifi, objet de fascination pour le jeune garçon à l’époque « J’avais l’impression que le son était incroyable, quand t’es petit t’es facilement impressionnable ». Cette période dure un temps, puis le toulousain ne voit plus son frère. Il apprend par lui même, découvre les artistes et les albums de référence et se forge une culture personnelle. Il gratte ses premiers textes pendant ses années collège « Il y a toujours 2 ou 3 idiots pour te dire « c’est trop bien! » alors que ton son est nul (rires) ». Il découvre, tâtonne, l’envie de continuer vient avec la force que lui donne ses proches, car « l’envie de faire les choses, elle vient aussi des autres, c’est grâce à eux qu’on avance ».

À Toulouse, il y avait 2 ou 3 grands qui s’en sortaient et qui m’ont dit que je pouvais y arriver

Alors qu’il rappait dans son coin jusque là, une rencontre avec un certain Sir’Klo va changer la donne : « Il y a tout de suite eu une émulation avec Sir’Klo. On a fait quelques sons ensemble et le courant passait bien ». À cette époque, l’autotune rime davantage avec T-Pain qu’avec PNL. Ils expérimentent ensemble les prémices d’une carrière de groupe, bien que leur entité ne soit en réalité qu’une réunion de deux rappeurs solo « Le nom Laylow x Sir’Klo c’était pas anodin. Le but c’était de bosser ensemble pour faire un bout de chemin mais on avait nos deux identités propres dès le début ». Deux projets officiels à leur actif : « Roulette Russe » et un EP « 310 », les deux en 2013. Une signature chez Barclay également, qui aura enseigné bien des choses aux deux rappeurs, résumées sous le vocable « Business. C’est le plus important au final ».

L’apprentissage du business justement va le pousser à quitter sa maison de disque, et à mettre un terme à son expérience de groupe. Cette période correspond au moment où il rencontre l’entité TBMA « C’est la famille. C’est secret, c’est mystérieux et c’est pour ça que ça intéresse les gens (rires) ». On en sait peu au final sur cette organisation. Collectif de vidéastes et de producteurs, les noms de Travis Bickle et Mr. Anderson ressortent. Des références cinématographiques qui rappellent Taxi Driver ou Matrix. La relation qu’il entretient avec ce cénacle est volontairement floue, un moyen de laisser planer encore un peu plus le doute sur l’identité des membres qui le compose.

C’est des spécialistes, si leurs identités ne sont pas dévoilées c’est parce qu’ils agissent au lieu de parler

C’est avec la sortie du « Volume Uno », court-métrage de 17 minutes compilant plusieurs clips de différents artistes que Laylow marque sa première collaboration avec TBMA. Ce départ en solo s’accompagne d’une refonte totale de son image et d’un changement radical sur sa musique. La mutation s’opère au cours de l’année 2014. Laylow travaille, fait des clips, redéfinit son univers, et rentre dans l’ère de ce qu’il appelle la « digitalisation ». Parti en solo pour se réinventer, c’est finalement en collaboration avec Wit, rappeur montpelliérain, qu’il revient en proposant « Digital Night » fin 2015, un nouveau projet 8 titres aux allures avant-gardistes. Première pierre à l’édifice de l’ère digitale, les regards vont véritablement se river sur le jeune rappeur toulousain au début de l’année 2016 avec la sortie de son clip « Lime ».

Lamborghini mercy

Au départ, l’idée est de produire, sans penser au format « Quand j’ai sorti « Lime », il s’est passé quelque chose. Les gens ont accroché. Ensuite j’ai sorti « OTO » et j’ai vu les retours, je me suis dit que c’était le moment de sortir un projet ». À ce moment là, tout reste à faire. Il construit autour de ces deux titres un univers singulier pour donner naissance à « Mercy », son premier projet solo. L’image a une place prépondérante dans ce projet. En plus des clips très travaillés, la cover interroge « La lamborghini, les enfants, le camp. J’ai commencé à montrer des choses que les gens ne comprennent pas entièrement, des choses qui me touchent ». Le public se questionne, les avis divergent, mais personne ne reste indifférent.

C’est vraiment à partir de « Mercy » que je commence à être content

Si « Mercy » pose les bases d’une carrière solo florissante, Laylow continue à repousser ses limites en creusant un peu plus dans le digital. On sent depuis ce premier projet solo une envie de dépasser le cadre du rap, de dépasser les cadres tout court : « Quand j’étais petit, il y avait des compilations Summer dont l’image me plaisait et qui peuvent aujourd’hui faire écho à ma dernière cover », il ajoute « En terme de production, la 808 c’est bien mais il faut aussi savoir évoluer, trouver les sonorités de demain ». Ce souvenir de compilations ajouté aux sonorités de demain débouchent sur « Digitalova », un projet composite, au timbre innovant et calibré pour l’été. Ce nouveau 10 titres est hors norme, on passe aisément d’une rythmique afro à des vibes plus électro, tout en gardant une cohérence notable, articulée autour du digital.

Enregistré entre Montreuil (Grandeville) et Londres (Abbey Road Institute), ce projet est encore une nouvelle facette de l’identité complexe de Laylow. Un « projet plus fin » qui aura un impact et une place importante selon lui. Si la présence de Jok’Air n’est pas étonnante lorsque l’on observe la trajectoire que l’ex-rappeur de la MZ prend ces derniers temps, celle d’un certain Sir’Klo paraît surprenante « Les gens vont capter la référence, c’est pas pour rien que c’est un interlude. Les bruits de radio, le passe-passe, c’est un freestyle spontané, c’est comme ça qu’il faut le prendre ». Trop tôt pour parler d’une future collaboration, Laylow marche à l’instinct et c’est ce qui fonctionne.

Je ne suis pas là pour dénoncer. Dénoncer c’est bien, mais faire réfléchir à des solutions plutôt que de pointer du doigt ce qui ne va pas, c’est mieux

Laylow se refuse à apporter un message politique par les mots. On comprend que chez lui, la forme et la manière de dire les choses prévalent. Il s’implique dans toutes les étapes du processus créatif de sa musique et définit TBMA comme « la suite de sa pensée ». Et si c’était par l’esthétique que Laylow faisait passer ses messages ? Chaque auditeur y trouvera sa réponse et sa propre lecture. Ce qui est sur c’est qu’il est difficile de rester imperméable à cet univers. L’amour du digital pousse à la transgression des codes, Laylow continue de fouiller dans ce sens là. « Digitalova » est sa dernière proposition. Les cartes sont entre vos mains.

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