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Lasco, Paris Nord et plus encore [PORTRAIT]

Lasco, Paris Nord et plus encore [PORTRAIT]

Aux Lilas, le rappeur fait les présentations à l’occasion de la sortie de son projet « 2.6.Z ».

Crédits Photos : Antoine Ott.

Lorsqu’on débarque aux Lilas, Lasco prévient d’emblée : « J’aime bien parler ». De quoi inaugurer une longue conversation, posés dans de gros canapés. Une discussion dans laquelle le rappeur n’a rien laissé au hasard, se livrant sur sa jeunesse comme sur ses ambitions. Le bonhomme n’a pas menti, entre son collectif LTF, son groupe ATL4S et, bien sûr, son projet en solitaire, il avait des choses à dire… Rendez-vous chez lui, dans le 2.6.Z.

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Passion et détermination

Au premier coup d’oeil, ce qui marque chez Lasco, c’est sa productivité à toute épreuve. Ces derniers mois, il aura embarqué tout son gang avec lui dans ses délires, de freestyles en mixtapes… Ainsi, il fallait à un moment prendre le temps de figer son personnage avec un projet solo. Voilà qui est fait avec 2.6.Z, un opus en guise de présentations. Une tape incisive et fragile, qui colle à la peau de notre interviewé. Ici, pas de chichi, c’est bel et bien lui : « Faut assumer qui tu es et dire les choses de manière personnelle. Moi par exemple, je suis quelqu’un de sensible, du genre à ressentir ce qui se passe autour de moi. Quand j’étais plus jeune, je pouvais voir ça comme une faiblesse, alors que pas du tout. Il ne faut pas l’être trop, mais être dans la réalité. J’essaye juste de placer des mots sur tout ce que je ressens ».

Je suis un mec hybride, je suis passé par plein d’étapes différentes

Une manière de penser qui bouscule les codes d’un rap habitué pendant des années à tout faire pour s’encanailler, quitte à frôler le ridicule. L’artiste assume, il reste le même dans la vie comme en musique : « Je suis un mec hybride, je suis passé par plein d’étapes différentes. J’ai dû déménagé dix fois, toujours au Lilas, j’ai fait toutes les ambiances, tous les quartiers. A l’image de Paris Nord ou Paris Est, ma ville rassemble plein de monde. Les bourgeois qui ne veulent traîner qu’entre bourgeois et les cailleras qui ne restent qu’entre cailleras, c’est démodé ». Pour conclure, il assure être simplement le produit de son environnement. On fait donc face à une musique qui ne force pas le trait, capable de parler à tous. Comme si on suivait un banlieusard à travers l’Ile-de-France, entre les bas-fonds et les quartiers neufs comme le disait Oxmo.

Il abonde ensuite sur les transformations du game hexagonal, plus apte à s’ouvrir, pas seulement entêté à montrer à ses muscles : « Dans le game, il y a souvent eu une course à la street cred’. C’est en train de s’effacer. Peut-être que ceux qui en font le plus dans leurs sons, ce sont ceux qui en font le moins dans la vie. Plus jeune, j’étais virulent, mais ça ne servait à rien ». Observateur de ce qu’il se passe autour de lui, Lasco ne s’est cependant pas cantonné aux Lilas ces derniers mois. Cuba et la Californie ont été en bonne place dans l’agenda du jeune homme… Une bonne option pour se régénérer et tourner quelques clips.

NTM sur scène, la claque de 2008

L’enfance, une période charnière pour un Lasco qui trouve dans l’écriture une échappatoire. Si le rap n’est pas encore présent dans sa vie, la plume l’est belle et bien, comme il nous le rappelle : « J’écris depuis tout petit. Avant ce n’était pas forcément du rap, car mes parents m’avaient pris des cours de guitare. J’aimais les livres, les histoires. Après, je me suis dit que le rap pouvait me permettre de raconter des trucs précis, t’as plus de place pour les mots, tu n’as pas de limites dans le langage ». Une façon comme une autre d’être lui-même, en marge des figures imposées de l’époque. Dans son freestyle CUB, il y fait référence : « Quand j’étais petit, grand-mère me lisait du Kant / Pendant qu’à la télé, tu regardais le Bigdil ».

Avec le rap, t’as plus de place pour les mots, tu n’as pas de limites dans le langage

Sa première claque musicale, notre gars la prend en 2008, à une époque où le rap n’avait pas autant la cote. « Quand j’ai commencé à écouter du rap au collège, nos copines écoutaient du BB Brunes, etc. On n’était pas forcément bien vu, c’était bien cliché, surtout chez les babtous. Tout le monde t’appelait Eminem » indique Lasco. C’est d’ailleurs ni plus ni moins que NTM qui le lancera dans le grand bain de la rime, grâce à un live événement au Parc des Princes : « C’était le concert de la reformation. J’ai vu Kool Shen sur scène et ça a tout changé. J’avoue, je me suis mangé une gifle. J’ai commencé à écouter des trucs à l’ancienne, puis les trucs du moment comme Reste en chien de La Fouine et les morceaux de la Sexion D’Assaut. J’ai compris que la musique, ce n’était que des sentiments ». Qu’importe si à la base, « le rap à l’ancienne » avait le dessus sur lui, avec l’aide du grand-frère.

Vient alors une autre époque, celle où tout le monde rappe. Un moment bénéfique pour le rappeur : « Orelsan a posé ses grosses c******* sur la table, c’est un gars qui a revendiqué son statut de geek. D’autres mecs ont fait step up le mouvement comme 1995. Plein de gars se sont mis à rapper grâce à eux, pas besoin d’avoir un certain type de vécu pour avoir des choses à raconter ».

L’esprit de compétition

Pas franchement du genre à débarquer en studio et balancer une impro, Lasco s’impose une vraie discipline de travail. C’est bien simple, le rap, il ne fait que ça. Voilà pourquoi de son crew jusqu’à son groupe en passant par son fameux projet, il s’affiche comme le garant d’une belle petite expérience. Tel un footballeur qui a enchaîné les matchs au haut niveau, il opère avec un certain savoir-faire : « Le sport m’inspire dans ma manière d’aborder le rap. Un Zidane ou un Platini… Ce sont de superbes manieurs de ballon, des génies. Mais aujourd’hui, t’as une dimension physique en plus. Il faut savoir être prêt. Tu ne peux pas débarquer en studio et juste te servir de tes fulgurances. Sur le terrain comme en cabine, je préfère être déjà prêt. Ce que certains appellent le génie, c’est juste un état de confiance ». Habitué à jouer en équipe, il a finalement développé un esprit de compétition rare. Pas pour rien que le freestyle reste l’un de ses playgrounds favoris.

Ce que certains appellent le génie, c’est juste un état de confiance

Cependant, ce représentant de Paris Nord n’affiche aucune volonté de s’endormir sur ses lauriers. Avec la passion comme véritable facteur X, Lasco prouve qu’au-delà d’un quelconque succès, les mesures seront toujours présentes dans un coin de sa tête : « Je n’ai encore rien fait, donc je n’ai aucune raison d’arrêter de charbonner. Au-delà des sous, je veux m’amuser en faisant de la musique ».

D’ailleurs, mettre bout à bout les mots « freestyle » ou « charbon » ne rend pas forcément honneur à la complexité de 2.6.Z. Car si le rappeur excelle dans l’egotrip, les phases techniques et les punchlines en tout genre, il sait matiner sa voix pour mettre en avant ses propos. Cela donne des refrains puissants, mais prononcés doucement… Une inspiration qui lui vient d’un grand nom de la chanson française : « J’aime la voix de Charles Aznavour, il y a comme une forme de pudeur dans sa voix. Je ne me considère pas comme un grand chanteur. Quand je chante, je vais plutôt partir sur un truc tranquille. Parfois, je peux dire des choses fortes ou même choquante pour certaines personnes, mais je préfère le faire calmement. Disons que ça passe mieux, ça me correspond. Quand tu veux qu’on t’écoute, mieux vaut chuchoter. »

La sagesse, une qualité inattendue chez un rookie. De quoi viser haut pour Lasco ?

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