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Lacrim, Les Secrets de la Création de « D’où je viens tu connais »

Lacrim, Les Secrets de la Création de « D’où je viens tu connais »

Une carrière a ses titres fondateurs et ses histoires. Aujourd’hui, Booska-P vous plonge dans celle d’un morceau chargé en secrets, « D’où je viens tu connais » de Lacrim.

Dans le cadre de La Sélection du mois de novembre consacrée à Lacrim, Booska-P vous fait vivre le sixième volet des « Secrets de la Création », un nouveau concept qui retrace la vie du morceau le plus important de la carrière d’un artiste. Rappeur ou autre, chaque acteur de la scène musicale connaît un titre dans sa carrière qui lui fait passer un cap. Cela peut être celui qui lui fait découvrir sa vocation, celui qui lance son ascension, celui qui marque une nouvelle direction artistique ou bien encore celui qui le fait exploser aux yeux du grand public. D’où je viens tu connais est le morceau qu’a retenu Lacrim. Sorti en mai 2013, il est l’un des plus gros bangers de Né pour mourir, son dernier projet publié en indépendant avant sa signature chez Def Jam. Un son crapuleux servi avec un clip scénarisé qui a traumatisé auditeurs et internautes. Mais D’où je viens tu connais a aussi ouvert le champ des possibles en mêlant trap dure, mélodie et autotune.

Le son des gros bonnets

Ça a pris à 100%

Un classique. C’est ainsi que Lacrim définit D’où je viens tu connais, un son régulièrement cité par le public comme l’une des pièces-maîtresses de sa carrière. Les bases sont là : l’univers du rappeur y est représenté, du flow rocailleux aux gimmicks rugissants en passant par l’imagerie du banditisme. Sauf que cette fois, Karim Zenoud cuisine les ingrédients autrement : « c’est l’une des premières fois où j’ai utilisé l’autotune dans un morceau trap énervé. Donc j’arrivais avec un nouveau truc ». Pour Lacrim, l’idée était de faire un son trap avec une énergie qui puisse ouvrir son spectre musical. La proposition est audacieuse mais cohérente : « Sur les nouvelles choses que j’ai faites, même si ça prend avec le temps, au début il y a toujours des gens réticents ou qui ne sont pas habitués. Ils n’ont pas le choc. Et bien là, ça a pris à 100%. Sur Luca Brasi il n’y avait pas d’autotune, c’est pour ça que D’où je viens tu connais c’est un titre fort pour moi« .

Quand c’est lui qui le dit, c’est hyper crédible

Un qualificatif que le beatmaker Therapy 2093, qui a composé l’instrumentale du son, rejoint totalement : « C’est sa façon de poser et de dire les choses simplement mais de façon brute, et surtout que ça soit hyper crédible ce qu’il dit. C’est un tout, c’est pas juste un flow, des textes, c’est un ensemble de ces éléments-là avec l’instru et il arrive avec un univers bien marqué. C’est sombre, ça tient en haleine. Ça a parlé aux gens tout simplement. Ça a parlé aux gens de fou. C’est un banger de rue ! »

Un morceau trap au meilleur niveau ne pouvait se faire qu’avec les maîtres en la matière : Therapy Music, et leur fameux tag sonore Back to the future immédiatement identifiable. Le beatmaker, se souvient de cette première connexion avec Lacrim : « C’était l’époque où je travaillais sur l’album Futur de Booba. Dans le groupe on avait plusieurs amis en commun. On m’a contacté en me disant ‘Je connais quelqu’un qui est chaud, c’est Lacrim’ mais je connaissais déjà évidemment. On a envoyé plusieurs prods d’un coup, dont celle qui est devenue D’où je viens tu connais« . En 2013, Therapy s’occupait aussi d’Or Noir, le premier projet de Kaaris. Le label de producteurs enchaîne les prods, sans savoir qu’il prépare une frappe absolue : « En la faisant je pensais pas à lui mais au moment de sélectionner les prods pour envoyer aux artistes, là je le voyais bien dessus. Il y a une ambiance oppressante dans le son, ce qui est un peu ma marque de fabrique de base. C’était sombre donc je savais que ça allait coller tout à fait avec l’univers de Lacrim, qui est crapuleux aussi. »

C’est le morceau le plus représentatif de Lacrim

Après avoir reçu une palette Lacrim se remémore les circonstances particulières dans lesquelles ont été conçu les dix titres de Né pour mourir, son quatrième projet. « Therapy m’avait envoyé une palette. J’étais dans un circuit. J’avais déjà récupéré les couplets des feats. Le projet Né pour mourir je m’étais enfermé en studio, j’ai fait les dix morceaux en dix jours. J’suis sorti une fois pour acheter un paquet de cigarettes et un sandwich et j’ai fait tout le EP. » D’où je viens tu connais a donc été écrit et enregistré dans une ambiance particulière.

Une atmosphère singulière pour un morceau différent : « Quand t’écoutes la couleur des 10 morceaux il est vraiment différent avec le Luca Brasi. J’arrivais dans une nouvelle ère, c’est le morceau le plus représentatif de Lacrim. Aux côtés de DJ Erise en studio, il y a la sensation qu’un énorme banger est en train de prendre vie. Un rap de guerrier dont les proches du chanteur flairent déjà l’impact : « les gens, mon entourage, tout ça, on sentait que c’était un gros banger. On l’a senti direct » révèle Lacrim.

Quand la réalité dépasse la fiction

Ils nous ont braqué de partout

Comment retracer le parcours du morceau sans évoquer son clip, tourné à Marseille avec l’équipe de production Beat Bounce ? Connus pour leurs images scénarisées, le réalisme des séquences aura bien failli coûter cher à l’équipe de tournage et à Lacrim. Les marseillais de Beat Bounce avaient déjà travaillé avec le rappeur du 94, dont les valises étaient à l’époque posées dans la cité phocéenne, sur Dos en Or et Espana notamment.

Travaillant collectivement sur la vision du clip, Beat Bounce et Lacrim pouvaient difficilement passer à côté d’un visuel mettant en scène une histoire sombre sur fond de règlements de comptes. Mike de Beat Bounce raconte : « On était pas au même niveau qu’aujourd’hui mais on essayait de faire les choses du mieux possible. On a toujours un peu scénarisé les video-clips, on essayait d’inclure des petites histoires. L’idée c’était de tirer des petites parties films avec playbacks qui sortent un peu de l’ordinaire. » Un clip hors du commun se prépare, donc, et c’est peu dire. Habitué à bosser avec la boîte de production, Lacrim était confiant : « Ce titre il avait un clip vraiment 100% adéquat avec le morceau, c’était hyper cohérent. L’idée vient des deux, ils comprennent bien ma musique, c’était un échange. Ils ont de super bonnes idées. »

Les voisins ont cru que c’était un vrai braquage !

Pour donner vie au scénario, l’équipe de Beat Bounce choisissent une enceinte privée située dans Marseille. En se renseignant sur les autorisations à obtenir pour filmer les lieux, tout semble sous contrôle. Pourtant, lors de la scène du braquage d’un fourgon blindé de la Brink’s, la situation bascule. Lacrim raconte: « Le truc fou c’est que des voisins ont appelé les gendarmes ! Ils croyaient que c’était un vrai braquage donc y’a eu un plan épervier (opération de gendarmerie déclenchée à la suite d’un événement criminel, ndlr.), ils sont venus à 100 ! Ils nous ont braqué de partout, laisse tomber c’était un truc de fou ! » En réalité, l’équipe ignore qu’à ce moment-là elle se trouve à proximité d’un dépôt d’or, qui rend légitime l’intervention de la police lorsqu’un braquage est signalé sur le secteur. Mike de Beat Bounce se remémore ces folles conditions de tournage : « Les voisins ont vu le camion de la Brink’s se faire braquer. C’était fait de manière tellement réelle qu’ils ont cru que c’était un vrai braquage. Manque de pot pour nous, sur le lieu où on tournait, il y avait un dépôt d’or. Forcément personne ne peut le savoir puisque le but c’est que personne le sache. Quand les gens ont appelé la police, ils ont pris ça au sérieux du coup. Ils se sont dit ‘c’est là où il y a le dépôt d’or, il se passe un vrai truc’.


Une centaine de policiers débarquent donc sur les lieux et braquent littéralement toutes les personnes présentes sur le set, y compris le réalisateur : « Ils nous ont plaqué au sol, le réal’, toute l’équipe. Un truc de malade. Ils voyaient le réalisateur avec la caméra dans les mains, et ils l’ont quand même plaqué au sol. Ils étaient dans leur mission » se souvient Mike. Après un long moment d’explications, les autorités comprennent qu’il s’agit d’une vraie société occupée à tourner un clip et leur demandent de prévenir la prochaine fois. Finalement, le représentant de Beat Bounce avoue que cette histoire est un mal pour un bien: « Après c’est un peu flatteur pour nous. Si les gens passent et qu’ils pensent que c’est réel, c’est que le travail est bien fait ».

C’est un des morceaux dont on me parle le plus dans ma carrière

Au-delà de cette aventure, le clip D’où je viens tu connais signe aussi le début d’une émulation autour des fameux t-shirts Lacrim Jack’s Music. Une idée de l’artiste de Chevilly-Larue et son staff, à laquelle Beat Bounce ajoute une bouteille de Whisky Jack Daniel’s, histoire d’appuyer le propos de l’image. « C’est là que j’ai lancé le merch, les gens trouvaient que c’était fort, ça a pris. » explique le rappeur.

Le morceau il te prend aux tripes

Publiée sur la chaîne Beat Bounce Entertainment le 31 octobre 2013, la vidéo cumule aujourd’hui plus de 14 millions de vues. « Quand le clip est sorti c’était un truc de malade, même en termes de vues. On a en a produit pas mal des clips de Lacrim et c’était sur notre chaîne à nous. Il n’y avait pas encore ce truc de monétisation de Youtube. Nous on a vraiment senti l’engouement parce qu’on recevait les notifications directement. C’était l’époque où certains détracteurs disaient que Lacrim achetait des vues, des conneries comme ça. Pour le coup il pouvait rien trafiquer. »

Le public prend le morceau et son clip de plein fouet. « Le morceau il te prend aux tripes. J’ai toujours aimé le Lacrim avec la grosse voix. » confie Mike. Cette voix rauque et sauvage, Lacrim s’en sert pour chanter sur le refrain, dépourvu d’autotune. L’outil apparaît vers la fin du titre et lui donne une ambiance unique, que chacun a reconnu comme telle. « C’est vrai que l’autotune à la fin je m’y attendais pas. Je trouvais que ça tuait. Surtout que quand t’écoutes la prod’ à la base, il aurait pu choisir la facilité et dire je kicke de A à Z et puis basta, sauf qu’il a trouvé la mélodie qui tue et franchement il l’a hyper bien fait » analyse Mehdi de Therapy. Le producteur raconte même que son fils et ses neveux ne lui parlent que de ce morceau: « Ils l’écoutent très souvent et ils me disent ‘quand est-ce que tu vas refaire un titre avec Lacrim?’. C’est clair que ça a a marqué. On m’en parle vraiment tout le temps, c’est un des morceaux dont on me parle le plus dans ma carrière, et j’en ai fait des titres ! ». La connexion entre les deux hommes s’est à nouveau illustrée pour le freestyle Booska Ripro 2 sorti avant le deuxième opus de la saga, en décembre 2015. Therapy prépare actuellement son propre album de compositeur et nous a annoncé en exclusivité que Lacrim ferait partie du projet.

Sur scène, D’où je viens tu connais remue aussi les foules. Le public de Lacrim est imprégné de tout ce qui a fait du son un succès : gestuelle, adlibs, couplets rappés, parties chantées. « C’est un morceau incontournable, les moments où je chante c’est incroyable !Mon gros si t’as des armes, on a les mêmes en mieux !’ entonne Lacrim avec un sourire.

RIPRO 3, l’évolution dans le bon sens

Surfant sur la vague trap avec son ADN propre, Lacrim a fait le choix de mixer les interprétations, entre rap, mélodie et autotune. Une nouveauté à l’époque, à travers laquelle l’artiste a pu gonfler son registre et ouvrir sa musique à un public de plus en plus large. Un savoir-faire qui lui permet d’être aujourd’hui à l’aise sur tous les plans et d’oser. Avec R.I.P.R.O 3, paru le 17 novembre dernier, Karim Zenoud a enfoncé le clou. Le créateur du label Plata O Plomo s’est entouré de têtes d’affiches, de jeunes, de moins jeunes, d’artistes émergents et d’artistes internationaux. Cette polyvalence qui le consacre comme l’un des plus grands rappeurs français, en tête de gondole et des charts, rappelle que l’homme a bâti son univers artistique par étapes et par lui-même, sans jamais oublier d’où il vient. Et d’où il vient, on connaît…

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