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La faillite de 50 Cent, une bonne nouvelle pour le Rap ? [DOSSIER]

La faillite de 50 Cent, une bonne nouvelle pour le Rap ? [DOSSIER]

Si personne n’a jamais vraiment cru aux exagérations des rappeurs concernant leurs patrimoines, la chute d’un de ceux que l’on croyait indéboulonnable remet pas mal de choses en question…

Curtis Jackson serait fauché, ou presque. Abondamment commentée la nouvelle a largement dépassé le cadre du paysage musical. Il faut dire que Fiddy avait su mettre le paquet pour convaincre le reste du monde de ses talents hors pair de businessman – l’institution Forbes louait encore il y a quelques mois à peine son « flair exceptionnel ».

Si sur les réseaux sociaux le scepticisme est de mise (beaucoup croient à un coup du chapeau pour protéger sa fortune) et si l’intéressé participe allègrement à entretenir le flou, le simple fait que 50 Cent s’abaisse à convaincre les tribunaux de lui accorder une protection en dit déjà long.

À la limite peu importe l’étendu réel de ses biens (est-il riche « seulement » de 4 millions de dollars comme il le prétend et non de 155 millions ? dissimule-t-il des fonds ?), 50 confesse sur la place publique sa vulnérabilité mais aussi que toute sa carrière n’a été qu’un rideau de fumée.

Et une fois l’envers du décor révélé, impossible de revenir en arrière. Surtout lorsqu’on s’est évertué à construire une image de roi du pétrole hermétique à l’échec qui surplombe humilie la concurrence.

« I CAN’T AFFORD TO LOSE »

Retour en 2003-2006. Le gimmick « G-G-G-G Unit » est dans toutes les têtes. Débarqués du Queens, 50 et son crew dévastent tout sur leur passage à coup de disques de platine et de clashs mortifères (Ja Rule, Fat Joe, Jadakiss…).

Sorte de Tupac sous stéroïdes (encore plus de tatouages, encore plus de balles, encore plus de beef…), 50 représente le fantasme ultime de l’imagerie ghetto doublée d’un appétit capitaliste sans commune mesure.

Rarement le monde du rap n’aura vu une telle domination, à tel point que ce règne va déterminer les canons du genre pour la prochaine décennie.

Désormais tout se quantifie en espèces sonnantes et trébuchantes. Les meilleurs rappeurs sont ceux qui vendent le plus (en première semaine), les biens matériels déterminent la valeur des individus et les perdants se doivent de subir l’humiliation la plus totale au nom de la sacrosainte « saine compétition ».

Ce diktat a pris fin en ce lundi 13 juillet 2015, jour ou Fiddy s’est placé sous la protection du chapitre 11 du régime des faillites auprès de la cour de Hartford dans le Connecticut. Le général du G-Unit a dû passer sous les fourches caudines de la justice US et avouer sans ambages que son « style de vie est une illusion ».

Après avoir écoulé 13 millions de copies de Get Rich or Die Tryin’, empoché entre 60 et 100 millions lors de la revente de Glaceau Water à Coca-Cola en 2007, être apparu dans 21 films et lancé un nombre incalculable de business (sneakers, shows télé, label…), 50 Cent se trouverait donc fort dépourvu quand la bise fut venue.

Pour bénéficier du régime de la banqueroute, charge au plaignant de dévoiler au monde en détail ses revenus, ses investissements, ses sources de dépenses… L‘envers du décor et la dure réalité des chiffres.

Certes l’ami Curtis a amassé des billets verts comme peu, mais comme beaucoup de nouveaux riches avant lui il a connu les plus grandes peines à réajuster son style de vie une fois son pic de popularité derrière lui.

Avec encore près de 200 000$ de revenus mensuels, il ne va certainement pas passer l’hiver en slip, mais si le décompte de ses dépenses donne mal à la tête.

GAGNER PLUS POUR DÉPENSER PLUS

En hustler qui se respecte, Fifty ne s’est pas contenté ne regarder ses royalties s’accumuler. Il a ainsi investi à foison, pas toujours avec le succès escompté. Son deal sneakers avec Reebok s’est ainsi terminé en fiasco, tout comme sa tentative de monter sa société de promotion de combats de boxe ou plus récemment son aventure dans les casques audios.

Si investir dans le domaine du sport de la mode ou de la technologie sonne plutôt bien sur le papier (c’est en tout cas plus sexy qu’un livret A), dans les faits sans être extrêmement bien entouré l’aventure se révèle vite périlleuse. À chacun son métier.

Et ce d’autant plus qu’en tant que célébrité on se ballade non pas avec un point rouge entre les deux yeux mais avec un sigle du dollar dans le dos. Les poursuites sont monnaie courante. La liste des condamnations financières du rappeur donne vite le vertige, avec en premier lieu les 7 millions pour la baby mama de Rick Ross ou encore les 17 millions (!) perdus lors du procès en contrefaçon pour les headphones Sleek… et ce sans oublier les pensions alimentaires !

S’ajoute un tout cela un train de vie ubuesque. C’est bien joli de racheter le manoir de Mike Tyson et ses 21 chambres et 24 salles de bains (ou l’inverse), encore faut-il pouvoir s’offrir les 67 000$ de frais mensuels, dont 5 000 destinés exclusivement au jardinage ! – d’ailleurs Tyson qui a pesé jusqu’à 300 millions n’a-t-il pas lui aussi fini sur la paille ? #Jdcjdr

Ça devait bien finir par arriver…

Résultat 50 Cent aura passé une bonne partie de sa carrière à se foutre de la gueule de son public en mentant de manière éhontée sur sa réussite. Un comble lorsqu’on sait que son rap prenait exclusivement pour thème l’argent (et parfois les armes à feu) et qu’il s’est dépeint à tout bout de champ comme un inlassable apôtre de la « realness », de la crédibilité de rue.

Aux côtés de Dre, Diddy, Birdman et Jay Z, 50 semblait pourtant solidement arrimé à l’élite des moguls du hip hop, de ceux dont on murmurait qu’un jour ils seraient milliardaires. Sa faillite fait ainsi tomber de haut tout ceux qui lui tressaient des louanges, mais surtout elle signifie la mort symbolique de ce rap clinquant et outrancier qui décline le rêve américain en chansons.

QUE LE BLING BLING REPOSE EN PAIX

Sans retomber dans l’idéologie hip-hopienne zulu, le rap vient peut-être là de se libérer un peu plus de certains carcans artistiques qui l’empêchaient de respirer.

Après tout aucun autre courant musical n’exige que le vécu de ses interprètes soit en adéquation avec leurs textes. Artistiquement parlant l’exigence de street credibility ne repose sur aucun fondement concret. Être un vrai gangster ne garantit en rien d’être un bon artiste (et inversement).

À l’heure où l’industrie musicale génère de moins en moins de revenus, la chute de 50 Cent vient nous rappeler que plus que jamais ce rap jeu demeure avant tout un divertissement et que ce genre de rappeurs sont en premier lieu des entertainers.

En attendant si l’on n’est pas prêt de revoir Curtis Jackson entasser 2 millions en cash dans le coffre de sa Lambo (en leasing), rien n’empêche de continuer de bouger la tête sur In Da Club.

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