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Kofs : « J’assume tous mes propos ! » [INTERVIEW]

Kofs : « J’assume tous mes propos ! » [INTERVIEW]

Rencontre avec un artiste à part.

Crédits photos : Antoine Ott.

Faire comme bon lui semble, voilà qui pourrait être la devise d’un Kofs au charisme certain. Rappeur à la voix rocailleuse, le Marseillais a convoqué ses démons pour livrer un premier album aussi personnel qu’agressif, V, disponible dès aujourd’hui (16 novembre, ndlr). Passé par le cinéma, l’artiste originaire du quartier d’Air Bel signe un opus qui lui ressemble, aussi sombre que rieur et mélancolique. Un mélange des genres qui colle à la peau d’un rappeur à l’aise sur tous les terrains, aussi bien en studio qu’en interview…

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T’as commencé à rapper très tôt, à 15 ans. A cette époque, tu t’imaginais rappeur ?

Rappeur confirmé, tu ne l’imagines pas trop. Tu fais ton truc et tu te dis au mieux, ça passe ou ça casse. Au fil des ans, bien sûr que tu y crois de plus en plus. Tu arrives simplement au jour où tu sors un album. Il y a eu une bascule le jour je me suis dit : « maintenant je vais prendre ma musique au sérieux, je vais en finir avec les week-ends et les jours fériés ». La bascule s’est aussi faite avec de nouvelles armes, c’est-à-dire un studio, des instrus et un clippeur à disposition. Là, je me suis dit qu’il fallait y aller. Si au bout d’un an rien n’avait pris, j’aurais arrêté.

Un peu comme au poker, t’as fait tapis ?

Non, car c’est un mot un peu fort, de faire tapis. Moi, je suis arrivé avec un truc en tête, c’est que je n’avais rien à perdre. Il y en a qui passent du temps au quartier, d’autres en studio.

On a assumé tous mes propos en les fusionnant avec l’image. Cela a créé le Kofs qu’on connaît aujourd’hui

Au lieu de t’inspirer des tendances, t’as fait la différence avec ton propre style, ton propre personnage.

Avant, je faisais selon les tendances, comme tout le monde. Rapper en bas d’une tour, etc. Suite à la rencontre avec mon équipe, on s’est dit qu’on allait prendre le contre-pied, on ne va pas rapper devant un bloc avec 12 000 personnes derrière. On s’est demandé quoi faire et ça a été très simple : prendre mon personnage et aller au bout des choses, arrêter de se gêner. On a assumé tous mes propos en les fusionnant avec l’image. Cela a créé le Kofs qu’on connaît aujourd’hui.

Ton grain de voix est comme une signature, c’est quelque chose que tu travailles ?

Cela ne se calcule pas. Quand tu écoutes l’album, ma voix ressort de plein de manières selon l’humeur. Donc ce n’est pas une question que je me pose, je ne peux pas savoir de quoi ma musique sera faite demain. S’il y a des changements, ceux qui me suivent les découvriront en même temps que moi. Si j’essaye de dire un truc trop en douceur à ma femme, elle me dit que c’est cramé, que ça ne me va pas (rires). Ma voix est comme ça, c’est tout.

En général, plus on monte, plus on édulcore son discours et ses visuels. Toi, c’est le contraire, j’ai l’impression que c’est de plus en plus violent.

Question clip ou texte, je fais les choses à l’instinct. Si j’ai envie de faire des sons tranquilles, je fais des sons tranquilles. Là, il se trouve que j’ai envie de faire dans la violence, même s’il n’y a pas que ça dans l’album. Je ne me bride pas.

Même dans des ambiances sombres, tu arrives à lâcher des punchlines plutôt drôles. T’es un adepte du contre-pied jusqu’au bout.

C’est une réflexion qui revient souvent. Moi, dans la musique, je n’ai pas forcément de codes. Si je veux laisser un blanc de quatre mesures, je laisse un blanc de quatre mesures. Si j’ai envie de lâcher un « va te faire enculer » sur un air de piano, je le fais. Si je veux dire « je t’aime » à ma femme dans un morceau violent, je vais le faire aussi. Je ne m’oblige pas à suivre des règles, car j’aime beaucoup ce contraste. Surprendre, c’est la meilleure des choses, c’est ce qu’on retient.

Si j’ai envie de lâcher un « va te faire enculer » sur un air de piano. Si je veux dire « je t’aime » à ma femme dans un morceau violent, je vais le faire aussi

Il y a notamment cette phase « j’ai plus d’ennemis que de remixes de Bella Ciao »…

J’aime sortir des phrases chocs. Quand on est en studio, avec mes gars, j’essaye de voir leur réaction lorsqu’une grosse phase sort. C’est important pour mesurer l’impact de celle-ci.

Là, on parle d’effet de groupe, mais il y a le sujet de la trahison qui est hyper présent dans ton album.

Je n’arrive pas à faire semblant. Je dis les choses et je pense que c’est ce qui fait ma force. Je ne vois pas 12 000 personnes dire dans un freestyle « on ira tous au paradis à part les mecs de ma cité ». Il y a ceux qui ne pourront plus rentrer dans leur quartier et les autres qui n’ont pas cette franchise, moi je l’ai.

Autre élément central de « V », c’est ta propre vie. Tu te livres beaucoup plus…

C’est plus personnel, oui, mais comme je le dis souvent, c’est la vie de beaucoup de gens et de jeunes. Ce que je vis, je ne suis pas le seul à le vivre. Je n’ai pas une vie à part qui fait que je suis Kofs, non, je ne m’invente rien. Je pense que tu peux te reconnaître dedans, comme des mecs de cité ou de partout peuvent s’y reconnaître aussi. Quand je fais mes morceaux, je parle évidemment de moi, mais je sais qu’on est des milliers dans ce cas.

Ton histoire personnelle sert notamment de fil rouge au projet.

C’est ça, on voulait vraiment travailler cet album, avec un fil rouge à suivre. Je ne voulais pas faire un album pour faire un album. Côté business, un album dévoilé rapidement m’aurait arrangé, mais ça, ce n’est pas ma manière de faire. Là, c’est un projet pour moi, c’est un album qui me plaît avant tout.

Je ne voulais pas faire un feat internet. Avec SCH, c’est une vraie collaboration

Cette cohérence sur tout un album, on la retrouve chez un autre Marseillais, SCH avec « JVLIVS ».

Le featuring n’est pas anodin. Nous sommes des personnes qui savent ce qu’elle veulent. Pour la collaboration, on avait les mêmes idées au final. Tout comme avec SCH, dans V, on ne se perd pas, car il y a une histoire complète, un véritable fil rouge. De la première piste jusqu’à la quatorzième, c’est cohérent. Bien sûr, certains morceaux plairont plus que d’autres, mais il y aura toujours ce fil rouge. Par exemple, si tu ne comprends pas la 14, je te conseille d’écouter attentivement la 13.

Tu peux nous en dire plus sur ce featuring avec SCH ?

On était tous les deux en studio et on bloquait sur une prod’ de 6Lexx Beatz. On a écrit direct dessus, on ne s’est pas donné un thème en particulier, on voulait juste découper ça. On s’est retrouvé à dire pratiquement les mêmes choses, mais sous un angle différent. C’est un truc de fou, on dirait qu’on a écrit ensemble. Je ne voulais pas faire un feat internet, c’est une vraie collaboration. On fait les backs de l’un et de l’autre, on intervient dans les couplets, etc.

On peut également parler d’un autre artiste de ta ville, Alonzo.

C’est quelqu’un qui compte énormément. Il m’a invité sur son projet Capo dei Capi Volume 1. Je voulais déjà me démarquer, c’est peut-être le premier morceau qui marque vraiment mon style. Suite à ça, des liens se sont créés. Avant que je rencontre mon équipe, la musique était secondaire pour moi. Avec Alonzo, je parlais plus de la vie en général que du rap. Aujourd’hui, ça fait même bizarre de parler musique avec lui (rires).

Marseille, c’est quand même un vivier de talents…

Oui, mais la roue a mis du temps à tourner. Il y a eu PSY4 de la rime qui était vraiment haut, puis Soprano, mais qui fait dans une musique un peu plus pop. On n’avait pas quelqu’un qui tenait vraiment les murs avant JUL et Alonzo. Il y a eu comme un creux médiatique, car beaucoup d’artistes ont pu s’égarer par manque de patience. Moi, j’ai sauté dans le wagon au bon moment. A Marseille, on a énormément de rappeurs et de bons rappeurs. Ils peuvent aujourd’hui prendre la lumière, mais pendant longtemps, ils ont été peu à porter le flambeau du rap plus hardcore, il n’y avait qu’Alonzo au-dessus du lot.

Avec Alonzo, je parlais plus de la vie en général que du rap. Aujourd’hui, ça fait même bizarre de parler musique avec lui

Dans ton parcours, il y a un film, « Chouf ». Qu’est-ce que ça a changé pour toi ?

C’est une expérience en plus. C’est comme un voyage, tu prends. Là on a fait le festival de Cannes, mais aussi plein d’autres… C’était un kiff. Le tournage, l’ambiance, l’équipe… C’était une expérience de fou. Musicalement parlant, ça n’a rien apporté. Mais du côté du cinéma, les gens s’intéressent à toi, disent que t’as du charisme, une prestance. Après mon public s’en bat les couilles. Certains ont vu le film, mais ça ne vient pas en priorité dans les conversations.

Mais au niveau de l’image, ça t’as fait prendre conscience d’un truc ? Car tes visuels sont loin des clips classiques.

Mes clips, je les dois à mon réalisateur. Si je changeais de clippeur, ça n’aurait plus la même touche, pourtant il y a plein de bons réalisateurs en France. Mais on arrive à combiner nos idées pour avoir une touche différente.

Tu cites souvent ton équipe, c’est important pour toi ?

Aujourd’hui, c’est important de travailler en équipe, mais surtout quand tout va bien. Maintenant, il faut se dire la vérité, il y a des hauts et des bas. Tout le monde n’est pas tout blanc, c’est dur de tous s’entendre, car chacun à son caractère. Moi, j’ai un comportement de gamin, j’aime rigoler, dans mon équipe aussi. Donc il faut trouver celui qui va trancher, qui va mettre l’équipe au travail. Et c’est dur à trouver, il faut avoir la bonne recette. Chez certains, ça peut les faire tomber, alors que chez d’autres, c’est extrêmement solide. Quand je dis ça, je pense à Soprano qui remplit des stades, c’est un exemple.

Tu es souvent la cible d’internautes qui te font passer pour un sataniste… Qu’est-ce que t’as envie de leur répondre ?

Je les aime. Lorsque je sors un clip et qu’il n’y a pas assez de commentaires négatifs, j’appelle mon réalisateur, Comm, pour lui dire qu’on n’est pas allé assez loin (rires). Ma force, elle vient d’eux (rires) ! En vérité, je compte sur mes soldats, ceux qui me soutiennent, mais les haters peuvent te pousser encore plus. En réalité ça ne me touche pas, je ne suis jamais allé regarder ce genre de vidéos.

Là, ce n’est que le début, on espère le meilleur et on travaille évidemment pour la victoire

Est-ce que ce « V », c’est aussi celui de la victoire ?

Non, ce n’est pas une victoire. Je sors simplement mon premier album. Une victoire, c’est quand tu sors un bon nombre de projets. Si je reçois énormément de messages et que je touche les gens, je pourrais regarder mon équipe et dire : « ça y est les gars, on a gagné quelque chose ». Mais là, ce n’est que le début, on espère le meilleur et on travaille évidemment pour la victoire.

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