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Kiff No Beat, le rap « Made in Bled » [PORTRAIT]

Kiff No Beat, le rap « Made in Bled » [PORTRAIT]

Rencontre avec l’un des groupes les plus suivis d’Afrique à l’occasion du clip « Osef » en collaboration avec Kaaris.

La vague ivoirienne Kiff No Beat est bien déterminée à engloutir l’Europe est les Etats-Unis à coup de vibes africaines et de featurings marquants. Ainsi, le 11 juin le crew n’a pas fait dans la dentelle en collaborant aux côtés d’un parfait représentant du rap francophone, Kaaris. A l’occasion de cette sortie et pour en savoir plus sur ce groupe qui fait tant parler en Afrique, nous avons décidé de rencontrer les cinq artistes. Place au portrait.

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Une fusion naturelle

A la base, les cinq membres du groupe ne bossaient pas ensemble. En effet, Kiff No Beat c’est la fusion d’un trio, KNB, composé de Black K, Elow’n et Didi B, et d’un duo, Jekboyz, avec Joochar et El Jay. Les deux « groupes de quartier » se sont réunis en 2009 à l’occasion d’une collaboration. Voyant que leur connexion fonctionnait bien, ils ont décidé de former un seul et même crew et de l’appeler Kiff No Beat, pour inciter le public à prêter attention à ce qu’ils font. Rapidement, le groupe a été mis en lumière, notamment grâce à leur participation au Faya Flow en 2010. Il s’agit du plus grand concours de rap en Côte d’Ivoire ; concours qu’ils ont remporté haut la main cette année-là. A partir de ce moment, ils ont « décidé de ne plus s’arrêter ».

On a rajouté notre manière de rapper aux sonorités afro

Grâce à cette victoire, les KNB prennent conscience de leur potentiel. « On a compris qu’on pouvait faire carrière dans la musique et qu’au niveau de la scène, on avait les capacités. » Rapidement, le groupe enchaîne et dévoile un premier projet : « Cadeau de Noël, une mixtape qui est devenue un album. On l’a enregistré en 2011, pendant les événements en Côte d’Ivoire. Mais il n’y avait pas de message politique dedans, c’était un simple cadeau de Noël ». En 2010 et 2011, le pays connaît une grave crise politique suite au second tour de l’élection présidentielle ivoirienne. Les deux candidats, Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, revendiquent la victoire. S’en suit d’importantes opérations militaires et des conflits qui entraîneront la mort de plus de 3 000 personnes selon la Commission d’enquête nationale. Alors que la Côte d’Ivoire vivait une période très sombre dans son histoire les KNB ont donc décidé d’offrir, à leur niveau, un moyen de se divertir grâce à ce fameux Cadeau de Noël.

Musicalement, le groupe est très diversifié puisqu’il regroupe plusieurs genres : le R’n’B, la dancehall et le rap. Si leurs premiers projets étaient plutôt portés sur « un style américain », par la suite, ils ont introduit des sonorités afro comme avec le morceau Courant est coupé. Kiff No Beat a compris que, pour la bonne évolution de leur carrière, il ne fallait pas qu’ils s’éloignent de leur style originel pour reproduire ce que font les rappeurs US. Ainsi, les cinq collaborateurs ont « rajouté [leur] manière de rapper aux sonorités afro du pays, c’est ça qui a fait que les gens ont commencé à suivre en Côte d’Ivoire ». Malgré ce détachement au hip-hop US, les Kiff No Beat assurent qu’ils ne cessent d’écouter du rap d’outre-Atlantique et du rap francophone « pour ne pas être démodés ». Ils citent Lil Wayne, Kanye West, Kendrick Lamar et Travis Scott pour les ricains, puis Kaaris, Booba, Youssoupha, Joke et la Sexion d’Assaut pour les français.

Une reconnaissance internationale

D’un coup, le groupe, déjà très connu en Côté d’Ivoire et dans le reste de l’Afrique, dépasse des frontières du continent et touche les Etats-Unis et l’Europe. C’était en 2014 avec la sortie du single Tu es dans pain. « C’était un morceau qu’on ne considérait même pas et c’était la première fois qu’on rappait en nouchi (forme d’argot parlé en Côte d’Ivoire, ndlr) sur de la trap. Avant, on chantait comme des français et ça ne marchait pas au pays parce qu’on n’était pas des français justement. Le nouchi est très important pour que toutes les populations s’y retrouvent car il y a des quartiers où on ne parle pas le français. (…) On a compris qu’on était ivoirien et qu’il fallait rapper comme des ivoiriens ». Au moment de ce buzz international, les KNB ont reçu beaucoup de soutien et leur morceau été relayé sur les réseaux sociaux de Joke, Mokobé, Alonzo, Dosseh ou encore Booba ; mais aussi sur les profils des Vineurs comme Willax et Jaymax.

Avant, on chantait comme des français et ça ne marchait pas au pays

Deux ans après cette explosion internationale, en 2016, Kiff No Beat est devenu la première signature d’Universal Music Africa, grâce à leurs morceaux, mais aussi grâce à leur professionnalisme. En effet, c’est ce qui a plus chez KNB. Un groupe qui travaille ses photos en studio, réalise les covers de ses singles et est présents sur les réseaux sociaux ; ce qui n’est pas le cas de tous les artistes ivoiriens. Ce goût pour le marketing et la communication a véritablement « charmé » Universal.

Après le tube Tu es dans pain, il fallait sortir de nouveaux hits et les KNB ont bien compris que les collaborations pourraient attirer tous les projecteurs sur eux. Ainsi, ils ont travaillé avec Dadju en 2017 sur le morceau Pause. Une rencontre importante qui a permis au groupe de se faire davantage connaître en France et au petit frère de Maître Gims de rencontrer un nouveau public en Côte d’Ivoire – le crew étant très bien placé en Afrique. Il y a quelques jours, Kiff No Beat réitère en réalisant un feat avec Kaaris sur le titre OSEF. A l’occasion d’un concert à Abidjan, le groupe et le rappeur se sont rencontrés et le courant est très bien passé entre ces « frères ivoiriens ». KNB ne compte pas s’arrêter là, bien au contraire. Ils annoncent ainsi une flopée de featurings : Sofiane en mode « cain-ri hardcore egotrip » sur le morceau Bledard is the new fresh pour une rencontre entre Côted’Ivoire-Algérie, Black M sur plusieurs morceaux, dont un présent sur son album africain actuellement en préparation, mais aussi Vegedream, Tiwa Savage, Abou Debeing et d’autres…

Un album en préparation

Toutes les collaborations citées ci-dessus ne figureront pas sur le projet Bledard is the new fresh, « certains sortiront en single, assurent-ils. On ne veut pas abuser avec les feats ». Actuellement, ce nouvel opus est d’ores et déjà bouclé pour les Kiff No Beat. Impatients, les cinq artistes avouent qu’ils attendent le mastering et que cette ultime étape déterminera la date de sortie de l’album. Composé de 13 morceaux, Bledard is the new fresh ne devrait pas tarder à voir le jour, mais les KNB ne préfèrent pas donner de faux espoirs en donnant une date.

Entre temps, et pour faire patienter leur communauté, les Kiff No Beat ont sorti un EP 7 titres intitulé Made In Bled, un thème qui revient décidement très souvent dans les morceaux des rappeurs. En riant, le crew explique que ce terme n’existe que du point de vue des non-africains. En effet, l’utilisation de ce mot par les Kiff No Beat prouve qu’ils se sont bien exportés hors d’Afrique. On est un blédard que lorsqu’on n’est plus au bled : « On vous parle à vous (les européens, ndlr) ! On dit que le mot que vous utilisez, « blédard », ça sera la nouvelle mode. C’est une façon de dire que ça ne nous gêne pas. C’est comme les Magic System qui disaient « premier gaou », c’est le même concept, on est des gaous, des blédards, c’est la mise à jour (rire). Et on est fiers de l’être, des « loups blédards », des « blédards swag » (rires) ».

Crédits Photos : Antoine Ott

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