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Infinit : De la technique et des images fortes [PORTRAIT]

Infinit : De la technique et des images fortes [PORTRAIT]

Pour la sortie de son dernier projet, Booska-p est allé à la rencontre du rappeur niçois Infinit’. Focus sur la carrière d’un artiste qui jongle aussi bien avec les rimes que la polémique.

Christian Estrosi, D’en bas fondation et le Zaragoza Ciudad Hip Hop Festival. Le point commun entre ces 3 entités ? Infinit’. Si certains l’ont découvert avec la polémique autour du maire de Nice, le rappeur du sud-est officie dans le monde du rap depuis le milieu des années 2000. Il porte l’étandard d’un rap technique, américain dans l’attitude et français dans les influences. Avec « NSMLM » (comprendre « Nique sa mère le maire »), son cinquième projet solo, Infinit’ enterre pour de bon la polémique. Une manière pour lui de mettre un point final en musique à la controverse alors que son procès est en cour de cassation. Il n’est plus question pour lui de s’éparpiller plus longtemps, seule la musique importe. Rencontre avec un rappeur passionné, fixé sur ses objectifs et à l’initiative d’un projet brut et consistant.

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Sud-Est Zone

Crédits photos : Yoann Louviers

Depuis tout petit, Infinit’ s’imprègne de la culture hip hop. Dans son fief à Nice, il va découvrir pour la première fois le rap à la télévision. Sur M6, et non pas sur MTV car « on n’avait pas ce genre de chaîne à la maison », il fait la connaissance de MC Solaar et son clip « Les temps changent ». On est à la fin des années 90′ et le jeune niçois à l’école primaire est fasciné par « le clip, les habits et les meufs qui dansent dans la station service ». Si ses premières références s’articulent autour du rap français avec des groupes comme Alliance Ethnik, il va vite lorgner vers l’Amérique au moment d’élaborer ses premières rimes : « Aujourd’hui tout le monde fait des multi-syllabiques dans le rap français. Au moment où j’ai commencé le rap, personne ne faisait ça à part Salif, Ill ou Nubi. Il fallait se tourner vers les américains pour être technique. » À l’école de la rime, ses professeurs sont des gros rimeurs new-yorkais et portent les noms de Juelz Santana ou Papoose.

On voulait tous faire comme eux, avoir les rimes les plus longues et garder la même tout le long du couplet

Plus proche géographiquement, Veust Lyricist est le « seul grand qui fait le truc à un niveau sérieux » à Nice. Il est signé par IAM et intègre la Cosca Team avec les Psy 4 de la Rime. Son album « Coup de théâtre », sorti en 2005, va être une révélation pour notre jeune rappeur qui le considère encore aujourd’hui comme un classique. À cette époque, Infinit’ est esseulé, personne dans son entourage ne partage sa passion pour la musique. C’est en intégrant les ateliers d’écritures organisés par Veust qu’il va faire ses premiers pas dans le rap. Et qui dit Veust, dit également D’en bas fondation. Le label créé par ce dernier et le basketteur Luc-Arthur Vebobe a pour mission de réunir les nouveaux talents de la Côte d’Azur. À partir de 2006, ils vont accueillir le « jeune boeuf » Infinit’, membre le plus jeune et futur poids lourd de la structure.

Sa première participation avec le label arrive avec la compilation « Sud-Est Sale » en 2007 : « Ça a fait pas mal de bruit dans le coin, on avait placardé des affiches super grosses un peu partout, c’était le carnage (rires) ». Suivront « Rien qu’on charbonne Vol.1 » et « Rien qu’on charbonne Vol.2 » en 2009 et 2010 avant que le rappeur niçois ne donne le coup d’envoi de sa carrière solo. Son premier véritable projet sort 1 an plus tard et s’intitule « HDS Vol.1 » pour Haute Définition Sonore. Un projet ancré dans son époque, aux sonorités américaines peu étonnantes lorsqu’on connait le personnage, mais qui n’aura pas le droit à son volume 2.

J’essaye de passer une étape à chaque nouveau projet

« Ma vie est un film », son second projet, marque un premier tournant dans la carrière d’Infinit’ : « Je suis super exigeant avec moi même et avec les autres, j’essaye de passer une étape à chaque nouveau projet ». Cette mixtape très fournie va bénéficier d’un succès d’estime auprès du public et des médias français. Elle marquera également le début de sa collaboration avec Alpha Wann. Croisé au détour d’un concert à Toulon, le rappeur membre de L’Entourage, 1995 mais également fondateur du label Don Dada Records participera au morceau « Cigarette de joie » sur la mixtape du niçois. On croisera par la suite Infinit’ sur les projets d’Alpha ou de Deen Burbigo, avant qu’il n’intègre définitivement le label du parisien pour sortir son dernier projet en date.

« Viens voir qui c’est qui vient nous rendre visite »

Nice, le 06, la promenade des anglais, la mer, et le maire. Christian Estrosi occupe le plus haut poste à la mairie de Nice depuis 2008. Le 1er juillet 2014, Infinit’ décide de lui rendre hommage, à sa manière, en publiant un titre à son nom sur YouTube. Prônant l’absence de diplôme et la réussite du pilote de moto devenu politicien, il déclenche malgré lui une polémique et se retrouve en procès contre le chef de la ville. Relaxé en correctionnelle puis de nouveau en cour d’appel, le procès est aujourd’hui en cour de cassation. Avec le recul, difficile de dire si la situation lui a été favorable : « Ça m’a servi médiatiquement puisqu’il y a plus de gens qui me connaissent maintenant. Mais ça m’a aussi desservi sur d’autres choses, aujourd’hui je ne peux plus faire de concerts à Nice subventionnés par la mairie ».

Le titre de ce projet, c’était pour dire « ça y est, c’est terminé »

Le morceau paraît sur son projet « Plusss » au milieu de l’année 2015, avec un remix en guise d’outro sur lequel on retrouve Alpha Wann, Nekfeu, Alkpote, Greg Frite, Millionnaire, Jeune Zmaël, Eff Gee et Mr. Agaz. Cet EP, travaillé en commun avec DJ Weedim, est une « très bonne expérience » pour Infinit’, ce qui le pousse à retourner en studio pour ressortir un projet. Deux années passent avant qu’Infinit’ ne revienne avec son dernier projet « NSMLM » sorti le 9 juin 2017. Un EP 8 titres à deux versants, un côté rap très cru, direct, tranchant, et un côté plus laid back, mélodique, ensoleillé.

Ce nouveau projet d’Infinit’ s’ouvre avec un sample du film La Haine, le célèbre sample du gamin qui insulte le maire en criant du toit de l’immeuble : « Ça m’a marqué à fond à l’époque ce film. C’est un gros classique, il a influencé beaucoup de monde ». Aujourd’hui ce ne sont plus les rimeurs de New York mais les trappeurs d’Atlanta et de Memphis qui martyrisent le marché du rap américain et qui influencent le rappeur niçois. En vrac, il cite YFN Lucci, Blac Youngsta ou encore Future. Cette influence se ressent dans le côté brut et technique que l’on retrouve sur des titres comme « Cru » ou « Aloura le zin ». À l’inverse, lorsqu’il s’essaye à des morceaux plus mélodiques comme « Laisse-nous », l’ambiance s’apparente davantage au RnB, style qu’il affectionne particulièrement. Ses références sont Jeremih, The Dream ou PnB Rock.

J’arrête jamais de faire de la musique, le format peu importe

Les références à la culture américaine jalonnent le projet. Des Skull & Bones en passant par Paid in Full et Raging Bull. Mais on retrouve également des références françaises comme le morceau « Secte Abdoulaï » en featuring avec Veust : « C’est une référence au Secteur Ä. Ils brillaient quand j’étais petit, je les voyais à la télé. C’est un groupe qui m’a marqué aussi ». Deux années d’absence dans le rap français, c’est beaucoup, et Infinit’ l’a bien compris. Avec cet EP, il propose un projet concis, autotélique, qui permettra à ses fans de patienter avant la sortie de son premier album. Après 1 mois d’exploitation, les retours sont positifs et encourageants pour la suite. Pas de tournée de prévue pour le moment, le niçois se concentre uniquement sur sa musique. Espérons que cette stratégie soit payante et que son premier album soit le prochain projet à voir le jour. Restez à l’affût !

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