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Gianni : « Je choisis ma vie grâce au rap » [INTERVIEW]

Gianni : « Je choisis ma vie grâce au rap » [INTERVIEW]

Focus sur le jeune talent à l’occasion de la sortie de sa mixtape « Géhenne ».

Crédits Photos : Antoine Ott.

A chaque saison ses nouvelles têtes qui viennent garnir les rangs du game. A chacun son style et ses particularités pour faire pencher les pronostics du bon côté. Un petit jeu de parieurs duquel s’échappe Gianni, sélectionné dans nos 11 rappeurs à suivre en 2019. Fort d’une écriture sans lieux communs, il distille son spleen à travers des images belles et violentes. Les deux pieds collés au goudron, l’artiste de Romainville (93) livre un constat gris du monde qui l’entoure. Après avoir livré ses fameuses « doses de moi » aux ienclis, il débarque aujourd’hui avec Géhenne (les enfers), une mixtape gore, mais sensible. Un projet dont il nous dessine les contours, entre quelques cigarettes.

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On te connaît grâce à ta musique, tes freestyles, mais tu restes quelqu’un d’assez énigmatique… Ne pas faire d’interview, c’était une volonté de jusqu’ici ?

C’est mon choix, car à la base, je suis quelqu’un de très discret. Je ne me voyais pas être devant les caméras ou face à une personne pour raconter quelque chose. Par contre si quelqu’un veut parler de moi, veut me connaître, qu’il écoute ma musique. J’explique beaucoup qui je suis.

Justement, écrire, c’est comme un exutoire ?

Je pense que chacun a sa façon de se défouler, peu importe sa vie. Dans mon cas, ça passe par la musique aujourd’hui. Avant, je ne pensais pas du tout à ça. C’est un bon moyen, car il y a des choses que j’avais besoin de dire. Tu peux tout de suite faire la différence entre quelqu’un qui fait de la musique et un autre qui n’en fait pas. Si t’as une manière de penser et que tu l’assumes, tant mieux. Mais un musicien va mieux l’exprimer, mieux faire passer son message. Tu ne peux pas en vouloir à quelqu’un de ne rien savoir de ta vie, tout le monde a des idées reçues. Pour moi, justement, c’était important de montrer qui on est.

Pourtant, la musique n’était pas un objectif pour toi au début.

Non, ce n’était quelque chose que j’avais en tête. Je n’ai jamais vraiment pensé à ça. Après comme 90% des jeunes qui vivent dans une cité, j’avais déjà écrit un texte, ça faisait partie du truc. Mais jamais je me suis dit que j’allais tourner des clips. Enregistrer des sons, ce n’était pas une priorité. Loin de là.

à partir du moment où tu as déjà montré ton visage, tu ne peux plus reculer, tu dois aller au bout du truc

Aujourd’hui, tu es désormais bien lancé !

Je progresse, je passe par une nouvelle étape. La musique, je me dis que je suis vraiment dedans maintenant. Tu dois tout remettre en question, car la musique, c’est un choix de vie. En gros, tu dois choisir entre plusieurs directions et j’ai choisi la mienne. De toute façon, à partir du moment où tu as déjà montré ton visage, tu ne peux plus reculer, tu dois aller au bout du truc.

Comment tu juges les premières validations ? La liste des 11 rappeurs à suivre, les entrées en radio, etc…

Forcément, ça fait plaisir. Les gens te donnent de la force, te poussent, ça fait quelque chose. Surtout quand il s’agit de médias qui t’ont fait découvrir des rappeurs et sur lesquels tu continues d’aller. Pour moi, être à l’intérieur, c’est déjà un bon début.

La mélancolie fait aujourd’hui clairement partie de ta musique. Tu penses passer vers d’autres sentiments bientôt ?

Je parle beaucoup de la rue, de mon vécu, mais aussi de celui de certains proches car on a vécu les mêmes événements ensemble. Le jour où je vais vivre autre chose, bien sûr que je vais m’orienter vers d’autres sujets, d’autres sentiments. Là, j’aurais pu me mettre dans la peau de quelqu’un d’autre… Mais non, ce n’est pas mon truc.

Cette vie dont tu parles, proche de la rue, elle te marque encore ?

Oui, car j’ai grandi dedans. Je suis dedans depuis tout petit, ce n’est pas un an de musique qui va changer vingt-deux ans d’existence. Aujourd’hui encore, je suis attaché à ça, à ma vie, à ma ville, même si je suis dans mon propre chemin.

Quand tu travailles avec les bonnes personnes, c’est plus facile de te concentrer sur tes points forts

Décrire ce quotidien, tu arrives à le faire sur des productions très différentes. On retrouve une large palette dans Géhenne.

Quand je suis chez moi, je n’écoute pas d’instru. Je suis plus du genre à aller en studio. Là, quand j’en ai une qui me tape plus qu’une autre, l’inspiration me vient. Même si j’ai mes préférences, je ne reste jamais bloqué sur un type d’instru en particulier. Si une production me plaît, il faut que j’essaye de faire du Gianni dessus.

Quand tu parles de faire du Gianni, tu parles notamment du chant. Comment ça t’es venu ?

Quand tu travailles avec les bonnes personnes, c’est plus facile de te concentrer sur tes points forts. Certains peuvent te pousser là où tu ne pensais même pas aller. Si ce sont les bonnes personnes qui t’entourent, elles ne vont pas te pousser à coller à un style de musique en particulier tout ça parce qu’il marche en ce moment. Moi, j’ai la chance d’avoir une équipe qui travaille autour de mes propres qualités et pas par rapport à ce qui se fait. Cela m’a permis de mieux me développer.

Tu as d’ailleurs gardé ta patte, même pour tes freestyles balancés chez nous.

On ne voulait pas coller à la tendance et faire des freestyles dans le sens où on l’entend à la base. Car, les freestyles Booska-P, c’est souvent du kick. On ne voulait vraiment pas aller là-dedans, mais plutôt rester dans notre délire, suivre notre propre ligne de conduite et faire du Gianni jusqu’au bout.

Parlons des sujets de ta mixtape. Il y a celui de la vente de drogue qui revient souvent.

Cela m’inspire constamment car ça fait tout simplement partie de ma vie, du quotidien. Pareil que pour quelqu’un qui travaille dans une entreprise, il va finir par raconter ses journées au bureau. Un sportif va par exemple pouvoir partager avec toi son vécu, ses entraînements, t’expliquer comment ça se passe à l’intérieur… Moi, comme dans toutes les cités, il y a des gens qui bossent là-dedans, donc forcément, obligé d’en parler.

Je suis sans filtre, ce projet c’est moi à 300%

Au-delà de la tristesse abordée plus haut, l’envie de s’en sortir est prégnante dans ton projet.

Oui, c’est clair. Car pour moi, la rue, ce n’est pas un choix. Ce sont les événements de la rue qui font que tu arrives à tel endroit ou pas. Mon but, ce n’est pas de rester à la même étape. Je ne veux pas rester bloquer dans un truc en particulier, je ne veux plus subir, je veux que ma vie devienne un choix. C’est juste ça.

Tu n’hésites pas à débarquer avec des mots particuliers. Par exemple, il y a le titre Nephilim m’a marqué dans ta tracklist.

J’étais en train de regarder une série, c’est une catégorie d’anges déchus. Je m’en suis inspiré. Pour moi, c’est une manière de parler de ce moment, quand tu passes de l’enfance à l’adolescence. Lorsque tu es petit, t’as l’innocence avec toi. Il y a des choses que tu ne comprends pas encore. Une fois que tu es grand, c’est différent, tu regardes la réalité en face. Quand je parle d’êtres déchus, je parle de cet instant où tu bascules dans le réel.

Pour terminer, comme ça te vient, cette facilité avec l’écriture ?

Franchement, je mets une instru et ça vient, je ne me dis pas que je dois placer tel ou tel mot. C’est important pour moi de faire ressentir à l’auditeur l’émotion du moment. Je ne peux pas travailler sur un son calme alors que je suis énervé, pour moi ça n’a aucun sens. J’ai vraiment envie de partager ce que je ressens et que la personne en face soit dans le même état que moi. Je suis sans filtre, ce projet, c’est moi à 300%.

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