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Elh Kmer, revendicateur et débrouillard [PORTRAIT]

Elh Kmer, revendicateur et débrouillard [PORTRAIT]

Rencontre avec le rappeur de Boulogne-Billancourt à l’occasion de la sortie de son projet « Antidote ».

Après avoir fait un bout de chemin aux côtés du 40000 GANG, Elh Kmer est désormais pleinement lancé dans sa carrière en solitaire. Connu pour son kick incisif et ses textes crus, l’artiste arrivait en 2017 avec son premier projet : Indépendant. Cette année, les choses se gâtent avec l’arrivée d’un second opus où le rappeur expérimente de nouvelles vibes. Rencontre.

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Le rap pour casser la routine quotidienne

D’origine camerounaise et fier de l’être, Elh Kmer se devait de rendre hommage à son pays, directement dans son blaze d’artiste. Ainsi, la préposition Elh vient de son prénom, Elh Hadj, tandis que Kmer est une référence à ses origines africaines. Connu également sous le nom de Mr Sosa en raison du buzz de son titre avec le 40000 GANG, il est important que le rappeur soit désormais bien identifié afin de poursuivre sereinement sa carrière en solitaire.

C’est vers l’âge de 12 ans que Elh Kmer commence le rap aux côtés de « sa bande de potes ». Très vite devenu une passion pour lui, le rap était surtout un moyen de remplir les journées et de combler l’ennui : « Je me suis lancé dedans comme ça, pour tuer le temps. On a commencé nos séances studio vers 13, 14 ans. C’est aussi l’âge où j’ai commencé à écrire mes propres textes. » Des textes qui ne pouvaient que représenter le quotidien du rappeur, lui qui a besoin de vécu pour nourrir ses écrits : « Mes premiers textes évoquaient nos journées en bas du bat’, nos conneries, notre quotidien. Ca a toujours été une passion pour moi, même si au début, c’était un peu pour délirer. Aujourd’hui, c’est plus structuré, j’ai de réelles ambitions que je n’avais pas forcément au début. »

La Comera m’a beaucoup inspiré. Ils étaient gang, j’aimais ça à l’époque

Le jeune Elh Kmer résident de Boulogne-Billancourt était donc adepte d’un rap pur et dur, à l’image de sa musique actuelle. Eduqué avec des artistes de son département et de sa ville, comme Salif et Booba, l’artiste a aussi beaucoup écouté des rappeurs du 91 et du rap venu des Etats-Unis. Il cite ainsi immédiatemment La Comera comme l’une de ses principales influences : « La Comera aussi avait une énergie de ouf et ils m’ont beaucoup inspiré. Ils étaient vraiment gang, j’aimais ça à l’époque. C’est vrai que depuis tout petit, j’écoute du rap cru. » Alors qu’il n’avait jamais pris le temps d’écouter des projets dans leur intégralité auparavant, Elh Kmer garde désormais un oeil sur ce qui se fait autour de lui : « Je vais suivre l’actualité de différents rappeurs, je vais respecter leur travail, je vais prendre la peine d’écouter la concurrence et les univers différents, mais je n’écoute pas comme un fan, je ne suis pas à l’affût. »

Point important dans le processus de création de ses titres, la tranquilité. En effet, Elh Kmer semble avoir besoin de calme pour écrire ses textes et préfère s’atteler à la tâche lorsque tout le monde dort : en pleine nuit. Des textes qui peuvent être écrits rapidement ou plus tranquillement, en fonction de ce que le rappeur vit au quotidien : « Je peux être inspiré par tout quand j’écris, les trucs du quotidien, mes journées avec mes potes, ce que je vis, ce que j’aimerais vivre, je marche beaucoup à l’affectif. C’est vrai qu’avec un peu de recul j’ai remarqué que, comme beaucoup de rappeurs, je disais un peu trop ce que je vivais dans mes premiers textes. Ca peut être une qualité, comme un défaut. »

Une carrière en groupe et des débuts dans le football

C’est en 2015 que Elh Kmer commence à connaître en succès en groupe. Avec le 40000 GANG, ils se font connaître grâce au titre 40K, cumulant désormais plus de 4 millions de vues sur Youtube. De nombreux autres bangers à succès se sont ensuite succédés, comme le fameux Sosa, ayant fait la renommée du collectif. Un featuring avec Booba, des millions de vues et un rap apprécié ; chaque membre a ainsi pu commencer à s’imposer et à se faire un nom.

Désormais pleinement lancé en solitaire, Elh Kmer peut prendre du recul sur ses deux expériences et commencer à tirer quelques conclusions : « Avec les deux expériences que j’ai connu, en groupe et maintenant en solo, je peux dire que je préfère travailler seul, parce que t’es vraiment libre de tes mouvements, de ta direction artistique, de ce que tu veux faire, où tu veux le faire et quand tu veux le faire. Quand on est en groupe, les idées sont divisées, il y a beaucoup de désaccords sur certains points alors que maintenant je suis maître de moi-même. »

Comme tout le monde, j’ai pensé à une carrière professionnelle dans le foot

Avant de devenir le rappeur affirmé que l’on connaît et apprécie, Elh Kmer a pu s’expérimenter dans différents domaines, y compris le sport. Une activité qui aura marqué une partie de sa jeunesse : le football. Un développement de carrière qui aurait pu s’envisager, s’il avait tout mis en oeuvre pour : « Je ne te dis pas que j’étais le footballer du siècle, mais j’avais certaines compétences, qualités, qui auraient pu se développer si j’avais bien fait les choses. Après comme tout le monde, on est tombés dans le vice… » D’ailleurs, certains regrets hantent peut-être l’esprit du désormais artiste et déchu sportif, puisqu’il affirme lui-même avoir envisagé une carrière professionnelle dans le football : « Comme tout le monde, j’ai pensé à une carrière professionnelle dans le foot, j’en ai rêvé. Mais il n’y a même pas deux ans, j’ai eu le cul entre deux chaises. J’arrive à un âge où je ne peux plus faire de la musique et du football, donc j’ai choisi la musique concrètement. »

Une musique qui permet à Elh Kmer de porter son point de vue et ses revendications au grand jour, en toute transparence vis-à-vis de son public. Avec Homicide, présent sur son premier projet Indépendant, Mr Sosa arrivait donc pour poser son point sur la table au sujet de nombreux événements révoltants du monde actuel. Situation migratoire, affaire Bernard de la Villardière, bavures policières, des sujets qui méritent d’être discutés : « Je me suis directement senti concerné dans plusieurs situations qui se sont produites, je suis victime de ces choses-là. Donc en voyant tout ce qu’il se passait, j’ai directement pris ça à coeur parce que certaines injustices avec la police, je les ai moi-même vécues et je les vis encore. Pour moi, c’était obligé d’en parler en musique, sans provocation ni quoique ce soit. Ca me permet de l’évacuer et je pense que c’est mieux de l’évacuer en musique que d’aller casser des boutiques et des gueules. Les retours ont été bons et ceux qui me suivaient depuis le début ont aimé parce qu’ils me connaissent dans ce rap dur et vrai. »

Elh Khmer élargit les horizons avec « Antidote »

Antidote, le second projet d’Elh Kmer, sortira ce vendredi 6 juillet. « Emballée, pesée et prête à sortir », comme il le dit lui-même, le rappeur ne prend pas pour autant de vacances et a beaucoup de choses à dire sur cette réalisation attendue.

Avec Indépendant, sorti en mars 2017, Elh Kmer débarquait avec un opus authentique, lui ayant servi de carte de visite pour ceux qui ne le connaissaient pas encore ou avaient envie de le découvrir en solitaire. Ce vendredi, Antidote viendra donc compléter la carrière du jeune artiste âgé d’une vingtaine d’années. La visée de ce nouveau projet est d’ailleurs bien différente de celle du précédent : « Le but, c’est de se présenter de nouveau, avec d’autres morceaux et une ouverture plus large afin de répondre aux attentes du public. Je veux dire à ma communauté que je suis toujours là et que je travaille, mais aussi que je sais faire autre chose. C’est un peu le message de ce projet. » Mr Sosa tient donc à s’ouvrir à de nouvelles sonorités et à développer de nouveaux flows et musicalités : « Les gens ne me connaissent pas encore comme ça, mais ils vont avoir cette chance dans quelque temps avec ce genre d’ouverture, qui pour moi n’en sont même pas parce que c’est un truc que je fais depuis longtemps de mon côté. »

Avec Baille Broliker, il se passe passe vraiment un truc. C’est comme si on évoluait ensemble artistiquement parlant

Pour cet opus, le MC aura donc invité différents beatmakers lui ayant fait parvenir des productions par mail. Mais c’est surtout avec Baille Broliker que la connexion opère, lui qui a produit le premier titre du rappeur, Sarajevo : « Avec lui il se passe vraiment un truc, il y a une bonne fusion parce que c’est comme si on évoluait ensemble artistiquement parlant, ça ne va pas tarder à se savoir d’ailleurs. Je me découvre des capacités, j’ai développé un autre niveau on va dire, dans tous les registres. J’ai vraiment osé pas mal de choses donc je suis assez content et lui pareil. »

Pas de featuring pour cette réalisation attendue, mais un Elh Kmer pas fermé à collaborer à l’avenir. Pour autant, des choses se trament derrière notre dos et le rappeur risque de nous surprendre avec, notamment, des visuels différents : « Généralement pour les clips, on reste au quartier, même si récemment on a essayé des concepts, des clips dans les apparts avec des mises en scène, des équipements de policier etc. Souvent c’est au feeling, mais là cet été, on va bouger, on va un peu changer d’air, au Maroc, histoire d’avoir d’autres visus. Ce sera pour le clip de Puerto Rico. » Vous l’aurez compris, Elh Kmer est à suivre de très près et sa musique devrait bientôt résonner auprès de nombreuses oreilles attentives dans l’Hexagone.

Crédits photos : Antoine Ott.

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