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Edge, du style et bien plus encore [INTERVIEW]

Edge, du style et bien plus encore [INTERVIEW]

Entretien avec le rappeur, à l’occasion de la sortie de sa première mixtape « OFF ».

Crédits photos : Antoine Ott

Edge, cela rime presque avec 19e, comme l’arrondissement de Paris d’où il est originaire. Un lieu qui a vu passer un bon nombre de grands noms et qui distille une certaine identité. Pas franchement du genre à se mettre des barrières, le bonhomme a choisi justement de miser sur un rap qui fait la part belle à ses émotions, et cela, sans jamais tomber dans le cliché. Une musique mélancolique et sombre comme les pavés du nord de la capitale, mais parfois dorée comme le bling qu’on trouve aux poignets de Kylie Jenner. Après l’EP Interlude 1.9, voilà qu’il dévoile sa première mixtape, OFF, quasiment entièrement produite par Johnny Ola. Un projet qui donne envie d’en savoir plus… Rencontre.

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Comment on se sent à l’heure de la sortie de sa première mixtape ?

Je me sens excité, dans le sens où j’ai hâte que les gens puissent découvrir mon projet. Mais pour être honnête, avant ça, j’avais une sorte de stress pendant tous les jours qui ont précédé la sortie. Tu es toujours dans le doute, tu appréhendes toujours… Moi je suis quelqu’un qui appréhende toujours les choses. Arriver le jour de la sortie, voir qu’il faut beau… C’est chant-mé (rires). Je fonctionne beaucoup à la météo. Lorsqu’il fait moche, ça peut me mettre dans un mauvais mood par exemple. Là, c’est le contraire : il fait beau, le projet sort, je reçois plein de love (rires).

Est-ce qu’il y a justement un mood particulier qui te pousse à écrire ? On sent souvent un côté assez sombre dans tes textes.

J’ai un mood constant qui est dans la mélancolie. Je pense être quelqu’un de mélancolique ouais, c’est aussi pour ça que je m’associe au temps qu’il fait. Tout ça, je pense que ça se retrouve dans mes morceaux car j’ai du mal, entre guillemets, à faire quelque chose d’extrêmement festif. Au fond, je suis comme ça.

C’est là que ton rap est personnel et qu’il ne colle pas aux tendances.

C’est l’idée. Je fonctionne à la spontanéité, à l’émotion que j’ai envie de retranscrire sur l’instant. Johnny va par exemple faire une prod et sur les premières notes, ça va coller de ouf au mood dans lequel je suis. C’est ce qui va me lancer dans un morceau. Pour l’écriture, j’ai évolué car j’écrivais de base mes notes au studio avant de réécouter les prods chez moi et d’essayer de poser mon truc. Aujourd’hui, Johnny fait une prod, elle m’inspire, je trouve une topline et ensuite, je vais écrire en rapport à cette topline. Car là, il y a toujours cette même histoire de mood. Je ne fais pas une topline pour faire une topline… C’est plus un sentiment général qui va me pousser à écrire telle ou telle chose. Entrer en cabine, faire dans la spontanéité, c’est ce qui a changé ma manière d’écrire.

J’avais toujours des doutes sur tout un tas de trucs, mais dès que j’ai commencé à faire du son ça m’a fait du bien

Est-ce que Johnny Ola et toi, vous pensez être perfectionnistes ? Là, on un projet qui s’écoute de bout en bout, ce qui n’existe que peu aujourd’hui.

Johnny Ola : On est perfectionnistes, mais surtout dans le choix des morceaux qui forment la tracklist finale. Ce qui compte, c’est le résultat. On fait beaucoup de titres, mais finalement on sélectionne vraiment ceux qu’on préfère pour les pousser au maximum. Dans le choix des titres et de leur ordre, on n’arrête pas de changer ou d’essayer plein de combinaisons… A la fin on arrête car on n’a plus le temps (rires).

Edge : J’aime essayer de lier les choses. On veut avoir une cohérence. Ne serait-ce que d’avoir un mood ou une idée qui lie à un titre à un autre, c’est important pour nous.

Au-delà du mood, il y a un côté hustle très présent sur ta mixtape.

C’est la déter. Moi je suis déter de ouf. De base, je suis quelqu’un de très réservé. Je ne suis pas le mec le plus extraverti au monde. J’ai mis du temps à me mettre dans la musique alors que ça fait longtemps que je baigne dans une atmosphère de studios et que je suis entouré d’artistes au quotidien. J’ai mis du temps à me trouver dans la vie, pas seulement musicalement. J’avais toujours des doutes sur tout un tas de trucs, mais dès que j’ai commencé à faire du son ça m’a fait du bien. En plus, si tu sens qu’il y a moyen d’aller chercher quelque chose, tu continues. Moi, j’ai arrêté de taffer pour ça et c’est un véritable choix. Je préfère être dans ce délire-là et hustle le plus possible dans la musique car c’est simplement ce que je kiffe, là que je me sens vivant. Au réveil je pense à la musique. Au coucher je pense à la musique. Des fois, je peux avoir un côté autiste quand on parle car je peux utiliser les mots qu’on me sort pour faire un son.

Plus jeune, par quoi tu découvres le rap ?

J’ai un grand frère, donc j’y ai eu accès grâce à lui. Il était un grand fan du Saian Supa Crew. Pour moi, le Saian c’est comme la Sexion d’assaut avant l’heure. En prenant de l’âge j’ai diggé plus de choses et j’ai écouté Time Bomb, Lunatic et Booba à mort.

Tu es proche de Jazzy Bazz, Esso Luxueux… Tu peux nous parler de votre connexion ?

Il y a Jazzy Bazz, la Cool Connexion, puis le collectif Grande Ville qui a donné vie à un studio du même nom. On y faisait tous du son et au fil du temps, le studio a pris de plus en plus d’ampleur avec le passage de nombreux artistes. Au fur et à mesure, Ivan (Jazzy Bazz ndlr) s’est fait un nom en enchaînant les sons et les open mic. Donc j’ai simplement baigné là-dedans car j’étais de longue au studio, j’étais à tous les concerts d’Ivan,

Pour moi, le Saian Supa Crew c’est comme la Sexion d’assaut avant l’heure

A quel moment tu as la prise de conscience de faire tes propres sons, de les dévoiler ?

J’ai perdu un proche, un ami depuis le lycée. C’était très soudain et ça m’a fait un électrochoc. C’est un exemple pour moi. Il était malade et même à l’hôpital, il s’est donné les moyens de rentrer à Science-Po. Il a eu une détermination sans faille et a tout fait pour passer ses concours à distance. Il a été admis, mais n’a pas pu y aller car il est décédé. J’étais dans un entre-deux et j’ai été marqué par sa façon de surmonter sa maladie… Tout est parti de là, je ne pouvais pas me permettre de ne rien tenter. J’en avais parlé avec Ivan et il m’avait conseillé d’écrire pour extérioriser. Cela a été le point de départ de tout ça.

Aujourd’hui, tu as pu faire découvrir ton rap avec Kylie Jenner en feat avec Esso Luxueux… Un morceau qui a bien fonctionné.

Avec Esso, tout s’est déroulé en résidence. Cela ne faisait pas longtemps que je faisais du son. C’est Johnny qui a posé sa valise et qui a fait sa prod. Je me suis calé dessus et ça a été le son du séjour ! C’est un son qui a un truc particulier, on n’aurait peut-être pas pu le faire à Paris.

Tu as aussi été invité par Deen Burbigo sur son album Cercle vertueux.

Il y a un an, j’avais pété un câble sur la prod et le flow que Deen avait sur le morceau Piège à loup. Le temps est passé et pour terminer le titre, il m’a sollicité… Mais moi, je n’avais pas compris le truc comme ça. Alors qu’on était posé en studio, on est au bout d’un moment venu me voir pour me proposer de le terminer. J’étais choqué, car j’avais vraiment aimé le morceau et on m’a limite mis quelques coups de coudes pour que je comprenne que c’était à mon tour de poser (rires) ! C’était une chance, clairement, un honneur même.

Pour revenir à ton projet, la question des substances et des paradis artificiels est abordée…

Je ne fais pas la promotion des paradis artificiels, mais c’est ça qui m’a permis de faire du son. Quand je suis là-dessus, j’oublie tous les doutes que je peux avoir. Cela renforce mon côté autiste, je ne pense à rien d’autre qu’à faire de la musique. Grâce à cette inhibition, je peux avoir un mood parallèle.

Je me réfère aux émotions que je peux avoir et aux histoires que je peux vivre

Le thème des relations est également abordé sans complexe.

Les filles, c’est un sujet que j’aborde naturellement. Je me réfère aux émotions que je peux avoir et aux histoires que je peux vivre. Je n’ai pas envie de faire le crari ou quoi que ce soit, j’essaye juste d’y aller simplement, en livrant les choses comme je les ressens.

Pour terminer, est-ce que venir du 19e veut dire pour toi ?

Cela peut faire très cliché, mais ça a une importance pour moi. Quand tu viens du 19e, tu ne peux pas vivre sans ça. J’ai déménagé il n’y a pas si longtemps, c’est cool, je kiffe… Mais le 19 me manque déjà. Tu peux capter ça que lorsque tu es de là, car cet arrondissement a un truc spécial, une atmosphère, un mood. Musicalement, il y a de grosses références qui viennent de là, mais sportivement ça suit aussi avec Moussa Diaby par exemple. Aujourd’hui il joue au Bayer Leverkusen, mais quand c’était un des titis du PSG, c’était déjà une fierté. Le 19, c’est le sang du sang (rires).

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