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DR, le rap comme échappatoire

DR, le rap comme échappatoire

Rencontre avec le rappeur à l’occasion de la sortie de son projet « Premier charbon ».

Si le rap game est devenu de plus en plus concurrentiel, certains n’hésitent pas à quand bien même se lancer dans la bataille comme DR. Armé de sa passion pour la musique au sens large et d’une détermination sans faille, il a proposé son projet Premier Charbon il y a peu. Entre plusieurs styles, il a choisi de documenter sa vie et ses ambitions tout au long de 8 morceaux résolument modernes et sans fausse note. DR, un mec de Clichy-sous-Bois (93) qui fonctionne au feeling, cherchant à s’en sortir comme tant d’autres, mais avant tout grâce au rap. Rencontre dans les bureaux de Booska-P.

La première fois qu’on a pu te croiser, c’est dans le visuel qui montre les coulisses de ton opus.

Je voulais me présenter, car je me raconte beaucoup en musique, mais on oublie tout le reste derrière. Puis si on ne vient pas nous chercher pour le faire, faut qu’on le fasse nous-mêmes.

Tu as toujours ce côté combattant dans tes sons, cette volonté de faire les choses par toi-même.

Hahah c’est dur le milieu de la musique (rires). En vrai, on est en 2021, il y a beaucoup de gens qui veulent créer des choses, mettre en place des projets pour qu’on arrive à nos fins. J’ai des idées, faut que ça suive derrière… Là, on a réussi à faire un petit quelque chose et c’est déjà pas mal.

Est-ce que tu t’imaginais un jour sortir ton projet, envoyer des clips ?

Moi, je veux simplement vivre de ma musique (rires). Je suis comme quelqu’un qui va à l’école pour obtenir le bac. J’étudie et je fais tout pour avoir mon diplôme. C’est à peu près pareil : j’écoute des productions, je regarde des clips, je retiens mes leçons.. Mais avec ma vision ! Je vais kiffer des choses, les essayer, mais comme je n’ai pas forcément de gros moyens, il faut que je trouve la possibilité de me mettre au niveau et surtout de faire une musique qui me ressemble.

Le moteur de tout ça, c’est la passion ?

C’est ça là (en se tapant le coeur), c’est la passion. Je fais de la musique car j’aime vraiment ça. Je ne vois pas le rap comme un travail par exemple. Pareil pour l’interview, je n’ai rien préparé. Je n’ai pas de rôle à jouer, je reste juste moi-même et ça passe.

Au moment d’écrire, comme tu fonctionnes ? Car tu as des morceaux assez différents.

Ecrire, c’est toujours un truc spécial. Moi, je vais tout le temps faire selon mon mood. Si je suis dégoûté ou content, ça se ressent direct. Pareil quand j’ai envie de faire danser les gens. Je ne me prends vraiment pas la tête, mes humeurs dictent mes sons. Ce qui fait que mes morceaux sont différents, c’est juste la vie. Dans un mois, t’as quatre lundi et tu n’es jamais le même à chaque fois. Un coup tu vas avoir la meuf que tu convoites, une autre fois elle va te lâcher… Je suis juste là pour décrire cela.

Quand est-ce que tu as attrapé le virus du rap ?

Moi j’ai des grands-frères et c’est venu comme ça ! J’ai toujours été entouré de plein de gens et c’est venu comme ça. Je kiffe l’idée, car c’est souvent grâce aux autres que tu découvres de nouvelles sonorités. Par exemple, moi je suis quelqu’un de timide à la base. Je ne suis pas du genre à exprimer ce que je ressens… Mais grâce aux artistes, tu arrives à être proche de quelqu’un que tu ne connais même pas. Les rappeurs vont parler des sentiments que t’as en toi… C’est exactement pour ça que j’ai décidé de faire du son. Le rap français en général, c’est quelque chose qui te marque. Je n’ai pas envie de dire que le monde était plus dur avant, mais c’est vrai qu’à une certaine époque, le rap était plus dénonciateur, il était plus brutal. Tu faisais du rap en désaccord avec la société et osais prendre la parole, sans avoir forcément les moyens de la prendre. C’est comme ça que j’ai reçu le rap et que j’ai appris à l’aimer.

Que penses-tu du rap d’aujourd’hui alors, qui est de plus en plus ouvert ?

On ne va pas se mentir, le rap est aussi un business. Le fait que les gens arrivent à manger grâce à ça, c’est quelque chose qui me plaît. Je suis content pour ceux qui y arrivent, peu importe s’ils s’éloignent du rap. Le but, c’est de proposer de la musique, mais aussi de s’en sortir. Je ne vais pas dénigrer l’ouverture du rap, car on est tous au milieu de ça.

L’envie de t’en sortir, on la capte également grâce au titre de ton projet : « Premier charbon »

L’idée, c’est de ne pas baisser les bras, de forcer les portes. Même si là je suis en face de toi pour te l’expliquer, mais tous les jours c’est difficile. La musique, on peut penser que c’est facile, mais ça ne l’est pas. Après, tu as différents cas de figure. Certains vont reculer face aux obstacles et d’autres vont s’accrocher. En général, quand tu écoutes ceux qui réussissent, tu captes que ce sont des bosseurs, qu’ils n’abandonnent pas. Moi, je ne suis pas à ce stade-là, mais je fais en sorte d’avancer.

Tu es originaire du 93, pourtant tes clips sont assez éloignés de l’imagerie du département.

Disons que je n’ai rien contre la rue, mais je n’aime pas les clichés. Je ne veux pas faire selon les clichés et rester constamment collé à la rue. On va dire que j’ai toujours essayé de faire ce que je ne voyais pas tous les jours. Moi, je préfère me dire que les gens de quartier veulent aussi s’évader. Le rap, c’est la variété d’aujourd’hui, donc on peut tout faire.

Comment tu as bossé ton projet et le tournage de tes clips en pleine pandémie ?

Il fallait être très organisé (rires). Par exemple, j’ai un clip qu’on a tourné en Islande et on l’a envoyé alors que c’était une galère pour voyager. Ce clip, c’était toute une organisation et on l’a gardé pour le sortir au bon moment. Finalement, il montre toute notre détermination.

On sent que tu es souvent dans l’analyse…

Je suis avant tout un auditeur, c’est littéralement le rap qui m’a donné envie de faire du rap. Il fallait que j’exprime aussi mes sentiments et que je fasse le travail en termes d’image. Aujourd’hui, c’est la musique numéro 1, mais ça n’a pas été tout le temps le cas. C’est même une mode, tu croises énormément de monde en studio et c’est plutôt cool. Moi je sais que je n’ai jamais rigolé avec ça, j’ai toujours été sérieux dans ma démarche.

A quel âge les choses se sont précisées pour toi ?

Au début, je n’ai pas arrêté d’essayer. Je voulais qu’on me produise, car je ne savais pas encore que je pouvais le faire tout seul. Mon premier rapport au rap, c’est celui-ci. Quand j’ai été guéri de ça, c’est là que je me suis dit que c’était vraiment possible. J’ai forgé mon caractère grâce au rap, car je suis tombé plein de fois (rires) ! Je ne me dis pas que je suis arrivé, j’en suis loin, c’est pour cela que mon projet se nomme Premier Charbon.

On peut conclure avec cette idée : ton parcours musical sonne comme celui d’un footballeur qui veut passer pro ?

C’est exactement ça. Car à la base, c’est un truc de passionné qui dérive peu à peu vers le business. Le rap, c’est la même chose. Il faut être passionné, animé par l’amour que tu portes à ta discipline, mais aussi être calé niveau business. C’est un équilibre, il faut être des deux côtés de la balance. Finalement, je ne sais même pas si moi je le suis (rires). On va dire que je n’ai simplement pas peur de me tromper. Je sais que je vais en faire des erreurs, mais je tiens bon.

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