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DJ Kayz : « L’urbain n’est plus un tabou » [INTERVIEW]

DJ Kayz : « L’urbain n’est plus un tabou » [INTERVIEW]

Rendez-vous avec le DJ à l’heure de la sortie de son nouvel album, « En famille ».

Présent depuis de nombreuses années dans le game, DJ Kayz s’offre aujourd’hui une nouvelle sortie de choix avec l’album En famille. Un projet qui sonne comme un retour aux sources pour celui qui a notamment popularisé les sonorités orientales dans la musique urbaine. Pont entre les genres et les générations, l’artiste des platines a rencontré Booska-P à Paris pour une interview en bonne et due forme. Le tout pour causer de son parcours et de son implacable volonté d’ambiancer son monde…

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« En famille », c’est une sacrée nouvelle étape après ta série « Paris Oran New-York ».

Pour les précédents projets, avec Paris Oran New-York, le but était de mettre à l’honneur des capitales. Au début, les gens préféraient se moquer, mais tout le monde a adhéré (rires). L’idée, c’était le voyage. Paris Oran New-York, c’est une marque créée en 2005 qui a eu un succès dans certains réseaux underground. J’ai signé le projet en major en 2009, cela a bien tourné. En parallèle, on a lancé avec mon associé la série de tapes Oran Mix Party. Pour la petite histoire, on a en vendu, en 2008, plus de 50 000 exemplaires. C’était un disque d’or du ghetto (rires) ! On fabriquait tout nous-mêmes, pas besoin de certifications.

Mon but, c’est de prendre des artistes et de le faire poser sur quelque chose d’original, de les emmener loin de leurs petites habitudes

Qu’est-ce qui a changé depuis tes débuts ?

Le public est aujourd’hui très friand de nouvelles marques. Tout va très vite, avec les réseaux sociaux notamment, ils veulent des nouveaux artistes. Pascal Nègre le disait, les gens veulent de la nouveauté constamment. J’ai même l’impression qu’aujourd’hui, le public préfèrent les nouvelles marques à celles plus installées, ça tourne assez vite. Chez les DJs, c’est encore différent, on a la chance d’avoir Hamida, Sem, moi… Nous sommes assez peu nombreux dans notre genre. Début 2000, pour être en place, c’était Châtelet les Halles et Urban Music à l’époque des cassettes. Moi c’est le CD qui a changé ma carrière, en 2003. Une fois que t’étais en place là-bas, tu pouvais développer ton délire. Tous les quartiers de France venaient à Châtelet pour se fournir en sapes, mais aussi en CD. C’était du « mano a mano », sans internet, ni passages en radio.

Il y avait un côté rassembleur à l’époque, qu’on retrouve peut-être dans ton projet avec des artistes très différents.

C’est vrai, c’est un truc de fou. Tu vois que tu peux tout mélanger. Il y a des anciens et des nouveaux, des artistes venus du raï, des rappeurs… J’ai toujours voulu faire confiance également à des artistes antillais. Après, la base vient de l’instrumental. Le plus dur, c’est de placer les bons artistes dans les bonnes productions.

Par exemple, comment t’arrives à faire le pont entre un Scridge et un Heuss L’Enfoiré ?

Scridge, c’est un proche et c’est quelqu’un de très polyvalent. Heuss, il faut le prendre dans son créneau plus à lui, même si c’est sur un autre tempo, un peu plus accéléré. Mon but, c’est de prendre des artistes et de le faire poser sur quelque chose d’original, de les emmener loin de leurs petites habitudes. Sinon, le DJ ne sert à rien. Si tu prends un Heuss et qu’il te fait sa trap, cela n’a aucun intérêt pour moi ou pour l’auditeur, car il le fait très bien tout seul. J’apporte ma touche, comme avec Gradur sur Coller Serrer ou encore le XV qui a posé sur un délire funk. Même si certains sont caille-ra, tu peux les amener sur des sons plus summer. C’est ce qu’on a fait avec Q.E Favelas sur ce projet. La nouvelle génération est plutôt ouverte contrairement à celle d’avant.

Avant, en soirée, tu passais 80 ou 90% de sons américains et seulement quelques sons français

Certains disent que nous vivons un nouvel âge d’or du hip-hop. Comment tu juges ça ?

Je trouve ça super ! Il y a des Ninho, des Naza, des Fianso… C’est super positif. Sur le terrain, en club, cela se ressent. Avant, en soirée, tu passais 80 ou 90% de sons américains et seulement quelques sons français. C’était Rohff, La Fouine, Booba et Sefyu. Aujourd’hui, je mixe 70% de sons français et le reste, c’est du ricain, du dancehall ou de la musique afro. Dans certaines soirées, même le public ne danse quasiment pas s’il n’y a pas de sons français. Désormais, le mouvement est plus avancé, à l’époque c’était beaucoup plus galère, les patrons de boîte ne voulaient pas entendre parler de rap français (rires) ! J’ai une anecdote par rapport à ça, un organisateur ne voulait pas que j’en passe. Au final, j’ai mis Starfuckeuse de Rohff et une fille a cassé une coupe de champagne sur la tête d’une autre… Les débuts du rap français étaient difficiles (rires) ! A Paris, c’était compliqué et en province encore pire.

Tu as participé à casser les codes dans l’urbain, ton album est dans ce délire également.

Cet album, j’ai essayé de le faire en m’écartant de l’esprit compilation. Cela reste dans mon univers, avec des sons faits pour danser, qui collent avec l’été. D’ailleurs, on en voit de plus en plus, avec des artistes qui prennent des risques et qui enjaillent. On peut citer MHD ou encore Ninho… Maintenant, les DJs ont a de la concurrence (rires) ! L’urbain ne fait plus débat, car la nouvelle génération ne se prend plus la tête avec les tabous. Mais c’est comme tout, il faut que ce soit bien fait. On a un public qui accepte beaucoup de choses, notamment des sons très répétitifs… Il faut aller au-delà. Jul a réussi ce pari et parvient à souvent se réinventer.

Jul avec qui tu a notamment travaillé…

Oui, on avait du monde en commun et il m’a tapé dans l’oeil lorsque j’ai écouté Cross Volé. J’écoute énormément de sons et là je trouvais qu’il y avait un délire plus neuf. J’étais sur Skyrock à l’époque et je l’ai ramené dans mon émission. Par la suite, on a collaboré et on continuera de la faire. Sur En famille, on a travaillé avec sa signature, Moubarak, un vrai talent de Marseille. Jul, c’est quelqu’un qui arrive toujours à surprendre. Il a amorcé ce nouveau phénomène il y a cinq ans, en décloisonnant le rap.

Je suis très satisfait de cet album, car en termes de casting, j’ai eu ce que je voulais. Je fais ma chimie, comme Didier Deschamps pour l’équipe de France (rires) !

Et aujourd’hui, quelles sont tes pépites du moment ?

Je suis très satisfait de cet album car en termes de casting j’ai eu ce que je voulais. J’écoute beaucoup les gens, je fouine énormément… Je fais ma chimie, comme Didier Deschamps pour l’équipe de France (rires) ! Du coup, c’est comme ça qu’on découvre des RK, des Kofs, tous ces nouveaux qui brilleront ! Sans prétention, beaucoup ont eu des succès après une collaboration avec nous. Ce n’est pas forcément grâce à nous, certes, mais cela fait plaisir de les voir réussir, comme Jul, Naps, ou encore Ridsa. On a eu la chance de miser sur les bons chevaux.

Le live, c’est une manière pour toi de voir ce qui va fonctionner plus tard ?

On a la chance de pouvoir tester nos morceaux directement sur le terrain, c’est une carte en plus. En club, que ce soit à Lyon, Rouen ou n’importe où, tu vas caller ton morceau et essayer de capter les réactions, je jauge. Mais, pour faire un peu de pédagogie, on n’a pas le même public qu’à l’époque. Avant, les gens venaient voir un DJ pour découvrir des sons. Aujourd’hui, il y a internet, les mecs viennent pour s’éclater sur ce qu’ils connaissent déjà. Moi, dans les soirées de DJ Abdel, je venais pour capter ce qu’il avait repéré.

Pour terminer, as-tu déjà été contacté par des artistes qui ne viennent pas des musiques urbaines ?

Oui, il y a eu des chanteurs latinos. C’est un délire qui revient bien. Des chanteurs anglais, d’autres venus des pays de l’Est. Tout pourrait arriver par la suite, dans le cadre de nouvelles collaborations, car pour l’instant je suis concentré sur le marché francophone. L’avantage, c’est que je suis un DJ généraliste, je ne me ferme pas. J’écoute absolument de tout, mais j’essaye de ne pas m’éloigner de mes bases. Je suis retourné à quelque chose de plus oriental, c’est ma manière de me démarquer et de garder une cohérence. L’impact de la musique maghrébine en Europe est comparable à celui des sons latinos en Amérique du Nord, ce sont des sonorités du soleil. Mais faut bien la faire, il faut que cela plaise à tout le monde.

Crédits Photo : Antoine Ott.

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