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Columbine : « Des sensations fortes avec des mots simples » [Portrait]

Columbine : « Des sensations fortes avec des mots simples » [Portrait]

Columbine, un nom frappant pour un collectif qui se serre les coudes. Une arme de poing qui vise juste dans un game hexagonal en pleine mutation.

Crédits photos : Antoine Ott

Rennes, voilà une ville connue pour ses étudiants et sa fameuse rue de la soif. Cela tombe bien, aujourd’hui on a eu envie de s’abreuver musicalement dans ce petit coin de France où un sacré collectif sévit en ce moment. L’occasion d’être à l’ouest sans pour autant perdre le nord. Sur notre agenda, le rendez-vous est pris, nous aurons bien les gars de Columbine en face de nous. Des enfants terribles qui proposent un rap personnel qui fait ses preuves chaque jour un peu plus.

Loin de l’Ille-et-Vilaine, c’est bien dans le 75, dans un bar au coeur de Paris, que nous rencontrons de vilains garnements pour l’occasion. Foda-C et Lujipeka arrivent et se présentent naturellement, des gars bien dans leur baskets asics, pull sérigraphié de leur fameuse « colombe – kalash » sur le dos. On commande de quoi se rafraîchir un peu car le temps est lourd, presque électrique, comme dans certains de leurs textes. Le dictaphone est lancé, l’entretien peut donc commencer. Parfait pour parler de l’album « Enfants terribles » dévoilé le 21 avril dernier, mais aussi de leur concert à Paris, le 10 mai à la Maroquinerie.

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Une vraie personnalité, sans étiquette

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Dans le monde d’aujourd’hui, difficile de ne pas avancer sans étiquette ou posture définie à l’avance. Loin d’être un produit finement marketé, Columbine rejette donc les cases dans lesquelles les médias aiment bien les mettre. Ici pas de « white-trash » et autres « rednecks français du rap », ces gars-là restent eux-mêmes dans leur musique comme dans la vie, une question de passion plus qu’autre chose, car avec eux c’est bien de cela qu’il s’agit, comme nous l’indique Foda : « On parlait de cette étiquette en venant ici. C’est vrai que ça saoule pas mal. Il y a des choses qui sont mal interprétées« . Luji rempile avec aplomb : « En France dès que tu fais un truc un peu différent, t’es vite catalogué. Mais nous, en vrai, on écoute le même rap que tout le monde, tout ce qui sort en fait« . A l’unisson, les deux potes concluent d’une même voix « se baser sur la couleur de peau à notre époque, c’est quand même un truc hyper chiant ». Une phrase qui fait indéniablement référence à un hexagone qui se fie plus à l’apparence physique de ses rappeurs qu’à leur musique.

Notre album mélange le premier et le second degré

Vivre avec le rap, voilà la réalité d’une génération biberonnée à l’urbain. Dans leur vingtaine bien trempée, les membres du collectif n’échappent pas à la règle, faisant du genre un « outil », comme nous le précise Foda-C. La musique, une occasion pour s’ouvrir l’esprit à l’américaine : « Aux USA, ils rappent l’alphabet dès le CP. C’est quelque chose qui est ancré, c’est comme un outil pour le langage. C’est pour ça qu’on peut rapper sur des délires marrants, sincères, fake ou pas. Notre album mélange le premier et le second degré« . Car oui, la patte Columbine c’est bien ça, des textes authentiques, mais aussi facétieux. De quoi explorer sous un autre angle tout ce qui peut faire le quotidien de ses grands gamins.

Les Etats-Unis, comme fil rouge d’une génération sans frontières ? Sans aucun doute pour Columbine qui n’hésite pas à citer quelques noms pour parler de ce rap considéré par certains comme un peu trop louche : « T‘as des mecs qui évoluent avec une mentalité à la Kanye. En Amérique, tout ce qui fonctionne, c’est du rap expérimental, chelou comme Famous Dex, etc. On va dire que là-bas la différence est positive, ici en France, elle passe un peu mal« . Le parti pris du groupe est donc clair, proposer ce qu’il aime, le faire avec passion et sans calcul, qu’importe les marqueurs de différences qui viennent mâtiner leur rap. Comme le dit Luji, « De toute façon, on n’arrive pas à faire autrement« .

Des enfants terribles, vraiment?

Pour faire corps avec le phénomène, encore faut-il s’intéresser au background de ce crew pas comme les autres. Ici guère de codes postaux balancés à la volée ou de noms de quartiers érigés en emblèmes. Columbine rime avec Rennes, une ville que le groupe place sur la carte du rap actuel avec son compère Lorenzo, un empereur du sale sur tous les fronts. Foda fait d’ailleurs dans l’invitation pour nous parler de ce coin de France, « si vous voulez venir à la campagne, vous verrez c’est plutôt calme ». Une description qu’il poursuit avec quelques précisions : « Nos parents ne gagnent pas des mille et des cents. Mais quand tu vis en province, on va dire que tu vis tranquillement. Tu entres un peu moins dans des mauvais délires ou les histoires de bicrave« . On est alors bien loin de l’étiquette de bourgeois qui leur a été collée après le clip de « Vicomte »…

On n’est pas dans l’illusion, on essaye de raconter ce qu’on vit

Un morceau bien pensé, l’occasion de se marrer en jouant un rôle. A s’y méprendre, on pourrait penser que cela représentait vraiment la vie de nos acolytes. Néanmoins, la réalité est loin de cela pour un Luji qui plaide le droit à la satire : « L‘étiquette des bourgeois qui s’amusent, on en a joué avec Vicomte, mais pour faire une satire, pour titiller les gens. C’était parodique mais pour nous c’est quand même un vrai morceau, qu’on a travaillé pour qu’il sonne bien. On l’a fait avec sérieux, ce n’est pas un truc potache à la Michael Youn« . Une page aujourd’hui tournée pour donner lieu à un « Enfants Terribles » plus sensible, loin des expérimentations parodiques. « On n’est pas dans l’illusion, on essaye de raconter ce qu’on vit. Certains parlent de rap de fragiles, mais ce n’est pas ça« .

Fragiles nos colombes ? Loin de là. Leur histoire est celle de kids de leur époque, avides de bon son, ayant grandi dans la banlieue d’une ville de province. Une vie que l’on retrouve dans plusieurs extraits de leur dernier opus, comme par exemple « College Rules » écrit dans une conversation Messenger. Le collectif s’est d’ailleurs rencontré au lycée: « On était dans le plus grand lycée de Rennes, un des plus gros de France. Un bâtiment assez trash en mauvais état ». Pas franchement de quoi donner envie de se tuer en classe, mais plutôt de s’échapper de la monotonie de l’adolescence avec le rap et une envie « d’apprendre dans la vraie vie« . « On séchait la plupart des cours. Non pas qu’on était des mauvais élèves, mais juste qu’on s’en foutait royalement. C’était anarchique« . Des « périodes sombres » qui apparraissent également dans l’album, mais un souvenir pas si mauvais que ça pour Lujipeka: « Notre chance à nous, c’est d’avoir grandi avec des gens qui venaient de tous les horizons. Des mecs de quartiers jusqu’aux bourgeois« .

Un groupe qui frappe fort jusqu’en live

Ainsi vous l’aurez compris, Columbine fait inévitablement dans le vrai, le vécu. Et qu’importe si celui-ci ne colle pas avec l’idée que l’on se fait du rap en général. L’objectif n’est pas d’à tout prix intellectualiser le propos, mais plutôt de parler à tous, de partager des délires comme dans une bande de potes. Sur la question, Lujipeka et Foda-C ont d’ailleurs les idées très claires. Pour eux, inutile de gonfler leurs morceaux avec un name dropping de façade : »L‘abondance de références, ça fait un peu branlette intellectuelle. On a pas besoin de se prouver des trucs. Puis ça fait très élitiste, comme si ceux qui écoutent ta musique étaient les seuls à pouvoir te comprendre« . Plus loin, il complète sa pensée avec une phrase comme credo :

notre but, c’est de faire ressentir des choses fortes avec des mots simples

Une recette qui fonctionne, comme on a pu le remarquer il y a peu à la Maroquinerie, où toute la troupe a fait salle comble. Une soirée à guichets fermés où la sueur, les pogos et les sourires se sont mêlés. La foule, hétéroclite, aura bougé comme jamais jusqu’à terminer sur scène pour le morceau « Les Prélis ». De quoi prouver que « les mots simples » du groupe volent haut et frappent fort. Un peu comme la colombe armée qui lui sert de logo.

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