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CHRONIQUE : Illmatic de Nas a 20 ans !

CHRONIQUE : Illmatic de Nas a 20 ans !

Aujourd’hui 19 avril 2004 est le vingtième anniversaire d’un des plus grands album de rap…

Monsieur Nasir Jones depuis quelques semaines est la tête d’affiche. D’abord ce 15 avril il a sorti un double album : Illmatic XX. Une version remasterisé d’ Illmatic avec dans le second disque des remixes rares, des inédits et des freestyles de 1993 tirés de l’émission radio The Stretch Armstrong and Bobbito Show. Nas a également dévoilé un documentaire : Time Is Illmatic. Selon le communiqué de presse, ce film « plonge dans les conditions sociales qui ont permis la création de cet album » et évoque sa relation avec son père le jazzman Olu Dara Jones. Enfin, depuis le printemps, Nasir Jones tourne à travers les Etats-Unis avec notamment un passage remarqué au Festival Coachella. Inutile de dire que depuis deux semaines les médias américains (comme le site Complex, la chaîne Fuse, la radio NPR) couvrent cet événement en long et en large. Pourquoi un tel engouement ? Qui connaît un peu cette musique connaît l’influence et l’importance de cet album depuis deux décennies. Dès qu’un rappeur aux Etats-Unis a une belle plume (par exemple Elzhi de Detroit, Common de Chicago ou le jeune Fashawn de Los Angeles) on le compare directement au talent brut du jeune Nasir Jones. Dernier exemple en date ? Kendrick Lamar qui n’a pas échappé aux comparaisons. Sa maestria derrière le micro, cette capacité à emmener l’auditeur dans son quartier, le côté « good Kid » qui observe et décrit son environnement « fou » de Compton… Il y a du Illmatic dans tout cela.

La naissance d’une légende…

Tout vient du project Queensbridge dans le borough du Queens à New York. Cette « ville dans la ville », infestée par la drogue avec 96 immeubles peints en rouge est la plus grande cité des Etats-Unis. Là-bas ils n’ont pas attendu Nas pour être dans le Hip-Hop. Dès les années 80 le légendaire Juice Crew avec MC Shan, Craig G, Intelligent Hoodlum qui deviendra plus tard Tragedy Kadhafi ou le grand beatmaker Marley Marl portent hauts les couleurs de QB. C’est dans cet environnement que Nasir Bin Olu Dara Jones a grandi. Il se fait d’abord appeler Kid Wave puis très vite choisi le pseudo Nasty Nas. Très actif malgré son jeune âge, il se fait remarquer par le rappeur/beatmaker Large Professor originaire de Flushing plus au nord du Queens. L’écriture de l’ado le frappe : il l’invite sur le titre Live at the BBQ de son groupe Main Source. Nous sommes en 1991. Nas a seulement 17 ans et surprend tout New York. Son couplet est incroyable de maîtrise et sa phase « When I was twelve, I went to hell for snuffing Jesus » [Quand j’avais douze ans, je suis parti en Enfer pour avoir défoncé Jésus] fait beaucoup parler.

Quand j’avais douze ans, je suis parti en Enfer pour avoir défoncé Jésus – Nas dans Live At The BBQ

Dans Halftime sorti en 1992 dans la bande originale du film Zebrahead, Nas épate de nouveau. Son brio laisse pantois et sa puinchline « I rap in front of more niggas than in the slave ship » [je rappe devant plus de négros que dans un navire de négrier] provoque un certain émoi. A l’époque Nas est validé par la « street », mais les maisons de disques sont encore frileuses. Ainsi MC Serch, le rappeur du groupe 3rd Bass devenu manager du prodige de Queensbridge raconte dans le podcast Juan Epstein que Russell Simmons de Def Jam ne voulait pas signer Nas car « il rappait trop comme Kool G Rap ». C’est finalement Columbia chez Sony qui propose un contrat au jeune rappeur.

La naissance d’un classique…

Illmatic sera supervisé par Large Professor le mentor de Nas. Celui-ci va réaliser trois titres, DJ Premier sera sur deux chansons, L.E.S, Pete Rock et Q Tip se partagent les quatre autres. Chacun va se surpasser pour offrir les meilleures prods au jeune prodige. Ils vont piocher dans la pop (Human Nature de Michael Jackson pour It Ain’t hard To Tell), le jazz (I Love Music de Ahmad Jamal dans The World Is Yours) ou la soul avec par exemple Yearnig For Your Love du Gap Band dans Life’s A Bitch. Certains titres comme New York State Of Mind ont plus de cinq samples ! Cette collaboration de producteurs courante aujourd’hui à l’époque était inédite. Doggystyle de Snoop sorti en 1992 était uniquement supervisé par Dr Dre, Public Enemy ne prenait que les prods du Bomb Squad, Guru etait uni à Primo pour Gangstarr… Par contre derrière le micro Nasir Jones à part le brillant AZ sur Life’s A Bitch n’a pas besoin d’invités. Le jeune MC de seulement 20 ans est comme habité.

Son rap est poétique mais sans concessions. Sa plume est parfois introspective mais toujours ancrée dans la rue.

Son rap est poétique mais sans concessions. Sa plume est parfois introspective mais toujours ancrée dans la rue. Nasir Jones ne donne de leçons comme KRS One, il ne dénonce pas la société comme Public Enemy et ne fait pas l’apologie de la rue comme Snoop Dogg : il raconte simplement son quotidien avec des images incroyables. Lorsque l’on ferme les yeux et qu’on écoute Illmatic on est tout simplement transporté dans le quotidien d’un gamin de Queensbridge au début des années 90. Nasir Jones n’aura eu besoin que de neuf titres et 39 minutes pour entrer dans l’histoire.

Si vous avez écouté Illmatic dites-nous ce que vous en pensez !

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