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Ces rappeurs qu’on a enterrés trop vite [DOSSIER]

Ces rappeurs qu’on a enterrés trop vite [DOSSIER]

L’art de la renaissance rapologique…

S’il y a bien une chose qui n’existe pas dans le petit monde du rap français, c’est le droit à l’erreur : flop commercial, incapacité à concrétiser les espoirs, absence trop longue, single trop dansant … Le moindre pas de travers est immédiatement sanctionné par le public, qui ne rate jamais une occasion de descendre un artiste sur les réseaux sociaux. Certains rappeurs sont malheureusement incapables de se relever après un échec, mais d’autres prennent le temps d’analyser leurs erreurs et de travailler sur leurs défauts afin de mieux rebondir par la suite. De Niska à Kaaris en passant par Fianso, retour sur ces rappeurs que l’on croyait définitivement morts et enterrés, et qui ont fini par se relever pour regarder tout le reste du game de haut.

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Fianso

A quel moment on l’a enterré : Après des débuts particulièrement prometteurs à la fin des années 2000, Sofiane tarde à concrétiser les espoirs placés en lui : le premier volume de Blacklist, en 2011, laisse encore espérer une explosion définitive, mais des projets inégaux (Blacklist 2) voire médiocres (I Need Money 3 Days Theory) l’empêchent de franchir le dernier palier. Pendant quasiment trois ans, il disparaît du paysage, n’apparaissant que très épisodiquement sur de rares featurings.

Pourquoi il ne fallait pas l’enterrer : Plus un lion reste enfermé en cage, plus son appétit et sa rage seront grands une fois libéré. C’est exactement ce qu’il s’est passé avec Sofiane : revenu dans le rap en 2016 avec une dalle monstrueuse, il semble plus que jamais déterminé à rattraper le temps perdu.

Comment il est sorti de sa tombe : En combinant parfaitement ses qualités naturelles – le kickage pur et dur, et les ambiances très street – aux évolutions qu’a connu le rap pendant son absence – les beats trap, le ralentissement général des bpm -, ce qui lui permet finalement de proposer un type de son assez neuf sans pour autant se plier aux diktats des tendances. Ajoutez à cela quelques coups de buzz volontaires (le coup de l’autoroute) ou non (le tournage du clip aux Mureaux), et le tour est joué.

Sadek

A quel moment on l’a enterré : En 2015, Sadek n’en est officiellement qu’à sa troisième année de carrière, mais il semble être là depuis des lustres, tant sa discographie est déjà fournie. Après plusieurs projets qui n’ont convaincu qu’une partie du public, ses ambitions semblent redimensionnées quand il décide de travailler en indépendant, occupant tant bien que mal l’actualité au moyen de projets gratuits diffusés via Haute Culture. Ce qui semble être l’album de la dernière chance, Johnny Niuuum ne meurt jamais, n’a qu’un impact limité, et on voit alors mal comment la carrière de Sadek pourrait rebondir.

Pourquoi il ne fallait pas l’enterrer : Principalement parce qu’on a affaire à un véritable besogneux, capable d’une part de se remettre en question et d’analyser les progrès à réaliser pour revenir au top, et d’autre part de prendre des risques, quitte à abandonner sa zone de confort quand il le faut.

Comment il est sorti de sa tombe : Un concept simple mais efficace (la série « Roulette Russe ») exploité jusqu’au bout (l’album « Nique le Casino »), une prise de risque intéressante qui porte ses fruits (le film « Tour de France »), quelques apparitions médiatiques parfaitement négociées (le fauteuil de Ruquier), un nouveau look bien à lui (l’ensemble mocassins-chino-chemise sur-mesure), et un nouvel album qui vient enfoncer le clou. Avec lui, relancer une carrière paraît si simple.

Niska

A quel moment on l’a enterré : Après le buzz insensé de Matuidi Charo en 2015, Niska est attendu au tournant pour la sortie de sa première mixtape, Charo Life. Barclay met les gros moyens, et Niska, certainement par pêché de jeunesse et par manque d’expérience, se met la pression tout seul en évoquant régulièrement, à travers chacune de ses interviews, l’ambition de faire un disque d’or. Mais tout ne se passe pas comme prévu, et Charo Life ne cumule finalement que 8 000 ventes en première semaine, dont la moitié en équivalence digital.

Pourquoi il ne fallait pas l’enterrer : D’une part, parce qu’il faut relativiser ce que représentent 8 000 ventes en une semaine pour une première mixtape : Niska n’était encore connu que comme l’auteur du fameux freestyle PSG, et n’avait qu’un embryon de carrière underground derrière lui ; d’autre part, parce que l’industrie était alors en pleine transition, juste avant que le streaming prenne définitivement le pas sur les ventes réelles.

Comment il est sorti de sa tombe : Si Charo Life a fini par atteindre le disque d’or sur la durée, l‘ascension de Niska s’est faite progressivement, en remodelant les bases de sa musique. Il collabore à l’un des plus gros tubes français des dernières années, Sapés comme Jamais, enregistre un nouvel album sur lequel figurent toutes les grosses têtes d’affiches du moment (Sch, Gradur, Gims), se rapproche de Booba, et s’il lui faut encore une fois trois mois pour obtenir une certification, il finit tout de même disque de platine. La consécration définitive arrive cette année, avec le succès monstrueux du titre Réseaux, et de l’album dont il est extrait, Commando, qui bat tous les records.

Kaaris

A quel moment on l’a enterré : Après quelques années à terroriser les auditeurs de rap français avec son personnage brutal menaçant d’introduire des poussettes et des jouets dans le corps de ses concurrents, Kaaris a fini par adoucir son image au moment de la sortie de son troisième album studio, OG : sympa et souriant à la télé, gâteux avec sa fille sur les réseaux sociaux, il se laisse même aller à des titres dansants (Tchoin), moelleux (Poussière) voire carrément doux (Contact). Evidemment, Booba, qui ne manque pas une occasion de piquer son ex-collaborateur, s’en donne à coeur joie sur instagram, et le paroxysme est atteint sur le fameux freestyle chicha (inspiré de Lil Yachty).

Pourquoi il ne fallait pas l’enterrer : Parce qu’on parle quand même de Kaaris, bande de malpropres.

Comment il est sorti de sa tombe : En deux certifications, avec un disque de platine en deux mois pour l’album OG – il avait fallu 3 ans pour Or Noir – et single de diamant pour Tchoin, l’un des plus gros succès français de l’année, et le plus gros succès de sa carrière. C’est beaucoup, non ?

Niro

A quel moment on l’a enterré : Auteur de deux premiers projets particulièrement brillants avec Paraplégique et Rééducation, Niro ne convainc pas totalement avec le dernier volet de sa trilogie, Miraculé. Bons sans être flamboyants, ses projets suivants donnent l’impression que le rappeur de Blois à déjà tout donné, et qu’il ne sera plus capable de retrouver le niveau qui était le sien à ses débuts. De plus, il semble stagner en termes de résultats, puisque malgré des scores honorables, aucun de ses projets n’atteint le disque d’or.

Pourquoi il ne fallait pas l’enterrer : Même si Miraculé, Si je me souviens, ou Or Game ont moins marqué le public, ils restent des projets solides sur lesquels Niro fait le taff et reste fidèle à lui-même. Il ne lui manquait finalement qu’un léger élan de créativité supplémentaire.

Comment il est sorti de sa tombe : Au moment où plus personne ne s’attendait à être surpris par Niro, il sort coup sur coup trois projets sur lesquels il montre enfin une réelle évolution, avec notamment de grosses prises de risques, comme sur le titre Printemps Blanc, qui marque particulièrement le public. Comme pour couronner ce retour, il obtient enfin le fameux graal de tout rappeur français, le disque d’or.

Dosseh

A quel moment on l’a enterré : Grand espoir du rap français pendant la deuxième moitié des années 2000, Dosseh peine à dépasser ce statut de rookie qui lui colle à la peau. Malgré quelques bons projets au début des années 2010, son public commence à s’impatienter, notamment car le fameux album Perestroïka, attendu depuis belle lurette, reste une arlésienne. Après le film Karma (2013), dont il tient le rôle principal, on s’attend enfin à le voir exploser, mais il disparaît alors totalement de la circulation.

A quel moment on l’a ré-enterré : De retour deux ans plus tard chez Def Jam France, il dévoile enfin Perestroika, qui ne s’avère être qu’une mixtape, et qui ne confirme pas toute l’attente générée depuis des années. La même année, Summer Crack Music Vol.3 conclut sa courte aventure chez Def Jam, et laisse à penser que Dosseh est devenu un simple rappeur générique.

Pourquoi il ne fallait pas l’enterrer : Parce qu’il n’allait pas lâcher l’affaire avant de décrocher un disque d’or.

Comment il est sorti de sa tombe : En mettant les gros moyens sur son projet suivant : si le feat avec Young Thug n’a pas l’impact escompté, celui avec Nekfeu – dont le clip est malheureusement supprimé par Youtube suite à une plainte pour plagiat – et surtout celui avec Booba, portent l’album Yuri vers les sommets des charts.

Fababy

A quel moment on l’a enterré : Vu comme l’une des futures stars du rap français après sa première mixtape La Symphonie des Chargeurs, Fababy paye rapidement une communication désastreuse : il s’autoproclame « boss du 93 » et se fait plus ou moins gentiment rappeler à l’ordre par certains rappeurs de Seine-Saint-Denis ; il est filmé en boîte de nuit en train de chanter le passage de Jour de paye où Booba clashe Alpha 5.20, et se prend donc un coup de pression de la part du Ghetto Fabulous Gang ; il spoile Game of Thrones sur les réseaux sociaux ; se fait piéger par un faux profil de michetonneuse ; bref, il enchaîne les gaffes, et le flop de l’album La Force du Nombre finit d’achever les espoirs placés en lui.

Pourquoi il ne fallait pas l’enterrer : Parce que les films de George Romero et les comics de Robert Kirkman nous ont appris que même un cadavre en état de décomposition avancée pouvait se relever.

Comment il est sorti de sa tombe : En abandonnant complètement l’idée de devenir le rappeur street le plus respecté des cités d’Ile de France – c’était peine perdue – et en misant tout sur une reconversion musicale démarrée avec Team BS et l’amenant à faire des choix musicaux bien plus pertinents que par le passé. Par la suite, le succès assez faramineux de son featuring avec Aya Nakamura, suivi de la création de son propre label, Podium, finissent de parachever l’avancée de ce qui est véritablement une deuxième carrière.

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