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Ce jour où… l’ex de Nas et Jay Z a sorti les dossiers

Ce jour où… l’ex de Nas et Jay Z a sorti les dossiers

Avec la série « Ce jour où… » Booska-P revient sur ces anecdotes de plus ou moins grande importance qui ont marqué l’histoire du rap. Aujourd’hui place à ce jour où le linge sale des deux plus grand emcees de leur époque a été lavé en public…

C’est l’un des clashs les plus retentissants de l’histoire du rap.

Au début des années 2000, Jay Z et Nas se sont livrés sur disque une guerre sans merci pour déterminer lequel de deux méritaient de s’emparer de la couronne de roi de New-York (et donc de roi du monde).

Officiellement, tout aurait commencé en 1996 après qu’Esco ne se soit supposément pas pointé aux sessions d’enregistrement de Reasonable Doubt, le premier album de Jigga, pour poser sur le morceau Bring It On.

Froissé par cette indélicatesse, Jay Z fait alors sampler sans lui demander son avis sa ligne « I’m out for presidents to represent me » extraite de The World is Yours pour l’incorporer au refrain de Dead Presidents II.

Nas lui réplique ensuite l’air de rien avec un sub dans The Message qui moque sa marque de voiture préférée (« Lex with TV sets the minimum »/« Une Lexus équipée d’écrans télé c’est le minimum »)… celle-là même avec laquelle il parade dans le clip de Dead Presidents II.

De là Memphis Bleek entre dans la danse.

En bon soldat de l’écurie Roc-A-Fella, il prend la défense de son patron avec son tout premier single Memphis Bleek is… (1999) qui référence sans le dire le hit Nas is Like.

Ce tacle marque la naissance d’un conflit larvée entre les deux emcees, jusqu’à que Nasty en ait sa claque des allusions et finisse par lui répondre sans prendre de gant sur le freestyle Stillmatic en 2001.

Non content d’attaquer nommément tout son crew (Beanie Sigel, Freeway…), il n’hésite pas cette fois à franchir le Rubicon en s’en prenant directement à Jay Z, accusé pêle-mêle d’avoir pompé son flow (« Nas designed your blueprint, who you kidding? »), d’être homo (« Is he H to the izz-O, M to the izz-O? »), ou encore d’être la version rap de Sisqo (un chanteur r&b devenu ringard en un rien de temps).

À coup de sang, coup de sang et demi, puisque Jay-Jay riposte dans la foulée avec un couplet dédié dans Takeover, l’un des titres phares de son classique The Blueprint (« C’est moi qui t’ai montré ton premier TEC… Tu sors un bon album tous les 10 ans… Ton garde du corps rappe mieux que toi… »).

Si beaucoup croient alors Nas KO debout, quelques mois plus tard il revient à la charge avec le brûlot Ether qui dézingue à tout-va (les rimes volées à Biggie, ses grosses lèvres, la piquette collée par Eminem, sa liaison avec Foxy Brown, sa chemisette sur Hawaiian Sophie, le sida qu’il aurait chopé…).

Considéré aujourd’hui encore comme l’un des diss track les plus féroces de tous les temps, Ether pousse Jay Z à la faute.

Plutôt que de laisser le dernier mot à Nas, il se fend du freestyle de triste mémoire Supa Ugly dans lequel sur les instrus de Got Urself A… et Bad Intentions de Dr. Dre il tape très (très) en dessous de la ceinture.

Tandis que sur Takeover il en était resté au stade des insinuations (« Tu sais qui a fait quoi avec tu sais qui mais gardons ça entre nous »/« Because you know who did you know what with you know who, but just keep that between me and you »), il se vante ici d’avoir couché avec la baby mama de Nas, non sans la name dropper et la slutshamer pour sa relation avec le basketteur NBA Allen Iverson.

« A.I. et moi avions plus en commun que les rimes et la flambe/Nous avions Carmen/J’ai joui sur le siège arrière de ta Bentley/Éjaculé dans ta Jeep/Laissé des capotes sur le siège bébé »

(« Me and the boy A.I. got more in common than just balling and rhyming /Get it? More in Carmen I came in your Bentley backseat/Skeeted in your Jeep /Left condoms on your baby seat »)

Choquée comme beaucoup par ces paroles outrancières rappelant les heures les plus sombres du beef entre Biggie et 2Pac, Gloria Carter, la mère de Jay Z, somme son rejeton de s’excuser publiquement auprès de son adversaire.

Penaud, ce dernier s’exécute en direct à l’antenne de la radio Hot 97.

À partir de là, la tension redescend d’un cran, quand bien même quelques piques filtrent de çà et là (« Je suis Tony/Jay c’est Manny » de Nas sur God’s Son, « Ma mère ne viendra pas à nouveau te sauver la mise » de Jay sur Blueprint 2).

Et puis en octobre 2005, coup de théâtre : fraîchement nommé président de Def Jam Records, Shawn Carter invite Nasir Jones sur la scène du festival I Declare War à Philadelphie pour interpréter live avec lui les morceaux de la discorde Dead Presidents et The World is Yours.

Mieux, quelques mois plus tard, il le signe en grande pompe sur le label, puis enregistre le duo Black Republican à l’occasion du huitième solo de Nas, Hip Hop Is Dead.

Fin de l’histoire ? Pas vraiment.

Celle par qui le scandale arrive

En 2006, Carmen Bryan publie It’s No Secret: From Nas to Jay-Z, from Seduction to Scandal – a Hip-Hop Helen of Troy Tells All (Ce n’est pas un secret : de Nas à Jay-Z, de la séduction au scandale – Une Hélène de Troie du hip hop raconte tout).

Carmen qui ? Inconnue du grand public, elle est celle que Jay Z évoque dans Supa Ugly, la mère de la fille de Nas.

Sur le modèle de Confessions of a Video Vixen de Karrine ‘Superhead’ Stefans qui un an plus tôt détaillait les coulisses pas toujours très ragoutantes du petit monde du rap, elle livre sur papier sa version du clash.

Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle est des plus personnelles, elle qui a très bien connu les deux hommes.

Carmen Bryan a rencontré pour la toute première fois Nas à 16, 17 ans par l’intermédiaire de son cousin, le beatmaker Large Professor.

Venu taper à sa porte avec quelques potes, si celui qui se faisait alors surnommer Kid Wave tombe (selon ses dires) raide dingue d’elle, elle ne le calcule cependant pas plus que ça.

Il faut ensuite attendre deux bonnes années pour qu’ils se recroisent. Auréolé d’une réputation de petit prodige depuis sa fameuse prestation sur Live At The Barbeque, le jeune rimeur prépare son premier solo chez Columbia.

Le coup de foudre est cette fois réciproque, tant est si bien que neuf mois plus tard, Carmen, 21 ans, et Nas, 20 ans, décident de faire un enfant.

Si dans un premier temps, ils profitent tous deux pleinement du succès de monsieur, leur relation finit par prendre du plomb dans l’aile, au point que chacun en vient à faire ses petites affaires de son côté.

« Il me trompait, je le trompais… Ce qui a causé des problèmes ce n’est pas que je le trompais, c’est avec qui je le trompais. Ça aurait été avec un type lambda qui passait ses journées à jouer à la Nintendo et à fumer des clopes devant la télé, nous aurions pu passer outre… »

Oui, mais voilà, le type en question c’est Shawn Corey Carter, alias Jay Z.

Rencontré peu après la sortie de Reasonable Doubt, il n’est à la base qu’un « ami ». Puis « un ami très proche ».

« Plus je passais du temps avec lui, plus je l’aimais bien… mais il était dans la friend zone. Malheureusement, plus ça allait, plus je le trouvais cool. Shawn possédait cette stature propre à ceux qui savent où ils vont. Il savait ce qu’il voulait de la vie. Il avait cette confiance en lui. Et il n’y a rien de plus attirant qu’un homme déterminé. »

Puis un soir de 1997 où Carmen se fritte sévère avec Nas, elle l’appelle pour passer la seconde.

Jay savait qu’elle était la mère de sa fille. Carmen savait que Nas allait très mal le prendre.

Leur liaison va durer trois ans.

Pour « l’Hélène de Troie du hip hop », toute leur embrouille part de là, et rien d’autre.

D’ailleurs sitôt leur rupture consommée en 2000, Jay Z se serait empressé de lui adresser quelques mots doux dans Is That Your Chick, le single de Memphis Bleek en featuring avec Missy Elliot (« Je ne les aime pas, je les b*ise… Petit à petit je te prends ta bitch…Jamais je ne l’embrasse, jamais je ne lui tiens la main… »).

Les toutes premières lignes de It’s No Secret sont ainsi dédiés au couplet de « Shawn » (Bryan ne l’appelle que très rarement par son blaze de rappeur) et à la manière dont il faut le comprendre.

« Au départ, je me suis demandée de qui il pouvait bien parler. Franchement ça ne pouvait pas être de moi ! Les paroles étaient du genre graveleuses et décrivaient l’exact contraire de notre relation. Shawn ne parlait ni de notre amitié sincère, ni de l’année qui a précédé nos ébats, et encore moins du fait que j’étais tombé enceinte de lui – lui qui ne mettait jamais de préservatif. »

[Bryan confie dans le livre avoir fait une fausse-couche après trois mois sans lui en avoir parlé en amont.]

« Mais près avoir réécouté le morceau, pour moi, c’était évident qu’il s’en prenait à moi pour s’en prendre à Nas. J’étais un dommage collatéral. »

Vexée, Carmen Bryan enregistre en retour son propre diss track, le très dispensable Carmen’s Got A Gun dans lequel elle rappe sur son « micropenis ».

La vengeance est un plat qui se mange froid

Évidemment It’s No Secret ne se lit pas comme un témoignage absolument neutre et impartial.

Bien que Nas ne soit clairement pas dépeint comme un saint (voir cette scène où elle confie qu’il lui a mis un coup de poing au visage qui lui a fait « voir les étoiles »), des deux lascars c’est Jay Z qui en prend le plus pour son grade.

[Lemonade en comparaison, c’était de la petite bibine.]

Rancunière à son égard pour avoir mentionné sa fille dans Supa Ugly (les deux ne s’adressent plus la parole depuis), elle multiplie les anecdotes pas des plus flatteuses à l’égard de son ancien « homie, lover and friend ».

Selon elle, le mogul serait quelqu’un qui, quand on apprend à mieux le connaître, n’a pas forcément une grande estime de lui et serait plutôt « émotionnel ».

« Pour ma part, il n’était qu’un MC comme tant d’autres qui tentait de percer. Je voyais clair en lui. »

« Il frimait souvent sur le nombre de femmes avec qui il couchait tout en prétendant qu’il avait une girlfriend (…) Un jour, il me dit qu’ils avaient rompu. Pour lui c’était une façon de mettre à l’épreuve notre relation, du style ‘J’essaye de voir comment tu vas réagir’. Mais pour moi nous couchions ensemble et rien d’autre, je lui disais qu’il n’était pas mon mec, que ça ne me concernait pas. Ce genre de comportement me montrait clairement qu’il était ‘insecure’. »

Autre motif de raillerie : son obsession pour Nas.

Selon Bryan, non seulement Jay Z écoutait en boucle Illmatic et collectionnait ses vinyles et singles, mais il la bombardait de questions des plus intimes sur lui, comme sur ses positions préférées au lit.

Ça et puis aussi le fait qu’elle trouve un jour le numéro de téléphone de Beyoncé dans un jean de Nas, ainsi que toute une série de détails que la décence nous interdit de traduire.

Maigre lot de consolation, a contrario de ce qu’elle prétendait sur Carmen’s Got A Gun, elle admet que Jay en a une « huge » entre les jambes – ce que Karrine Steffans a confirmé.

Si à sa sortie It’s No Secret a sans surprise abondamment alimenté les rubriques potins, l’auteur de la trilogie Life a évité de tomber dans le piège de la polémique en en rajoutant

« Le premier livre a inauguré le truc » a-t-il déclaré en parlant sans le nommer de Confession Of A Video Vixen. « Je m’attends à être dans douze autres livres du même acabit, tant que je suis hot il y en aura. »

Du côté de son ex Nas, le ton est plus mesuré : « Des fois tu souhaites que les choses se soient déroulées différemment afin que certaines personnes n’aient pas à en arriver là. »

Toujours est-il qu’aujourd’hui l’incident paraît bien lointain pour les deux rivaux. Jay Z vit sa vie de notable, tandis que Nas s’est entretemps marié avec Kelis avant de divorcer avec perte et fracas.

Pour Carmen Bryan, le son de cloche est un peu différent.

En 2018, elle a publié un second ouvrage intitulé When The Child Support Stops (Quand la pension alimentaire s’arrête) où Nas joue à nouveau le premier rôle et qui traite de ce moment dans la vie d’une mère célibataire où les chèques du baby daddy cessent d’arriver.

Moins fourni en ragots, si le livre a reçu un accueil critique plutôt positif, il est cette fois passé quais inaperçu.

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