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Busta Flex, la passion toujours intacte

Busta Flex, la passion toujours intacte

Une interview signée à l’occasion de la réédition de son premier album.

Rééditer un album 20 ans après sa sortie, voilà ce que vient de faire Busta Flex. Son premier opus, celui qui compte des classiques tels que J’fais mon job à plein temps, Le Zedou, Kick avec mes Nike, Pourquoi. Le tout est accompagné de deux inédits enregistrés cette année, dans des versions CD et vinyle. Un choix fort à l’heure où le rap est en pleine mutation… Un changement que Busta a suivi des yeux avant de plonger dedans, évidemment. La passion est toujours là, bien présente, comme il l’explique à Booska-P dans une interview en studio, à Malakoff.

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C’est toujours mieux d’être en studio pour une interview.

C’est clair ! Ici, au moins, tu ne peux parler que de ça, car c’est ici que tout se passe. T’es jamais mieux placé qu’en studio pour parler de ta musique. Les murs sont plein d’anecdotes et de petites histoires.

Justement, tu as des anecdotes à nous raconter ?

J’en ai une qui me vient… Un jour, j’avais fait une grosse séance de studio en y passant toute la nuit. Et en voulant partir, à 11H du matin, j’entends du bruit. Je vais saluer tout le monde qui rentre, et en cabine à côté il y a le français Komo Sarcani et l’Américain Phat Kat, un rappeur de Détroit qui fait partie du crew de J Dilla. Donc moi, je suis super fan de ouf, j’ai acheté ses albums, etc. Je le vois et il finit par me demander si j’ai des trucs à lui faire écouter. Et même si je suis fatigué, je me dois de rester là, car un vrai truc se passe. Le premier son que je lui fais écouter, c’est le morceau Gobelet, d’Hornet La Frappe, un artiste dont je m’occupe. Et là, il pète un câble ! Il devient complètement fou et me dit : « Wah ça tue ! Je suis venu en France pour écouter des trucs comme ça » ! Ensuite, je passe mes sons, il kiffe aussi et Komo Sarcani propose que je fasse le refrain de leur morceau. Je suis resté là et j’ai fait le refrain du titre. Je devais rentrer et au final j’ai fait un feat avec un rappeur cain-ri que j’aimais trop, ça m’a tué. Ici, trop de monde est passé : Kool Shen, les X Men… Que des artistes de fou et belles rencontres entre les générations.

En tant qu’artiste, je pense qu’il faut donner de la force aux autres artistes. Peu importe le style, reggae, rap et bien d’autres

Après toutes ces années, ta passion pour le rap est restée intacte.

Moi, je suis un kiffeur, un vrai, je respecte les artistes. Ce n’est pas parce que je suis rappeur, que je ne peux pas aimer le travail d’autres rappeurs. Tu sais, je ne suis toujours pas blasé par la musique, je suis un passionné. Je ne suis pas du genre à me dire « ça y est, je suis dedans, je connais toutes les ficelles » ! Tant que les mecs me font kiffer, il faut leur rendre. En tant qu’artiste, je pense qu’il faut donner de la force aux autres artistes. Peu importe le style, reggae, rap et bien d’autres. J’ai croisé des personnes qui venaient d’autres genres et qui reconnaissaient ma musique, c’est mortel. Il n’y a pas de frontière, pas de limite à ce genre de choses.

Tu abordes le rap sans posture, tu es dans l’ouverture.

La musique, j’ai toujours aimé ça et j’ai toujours voulu mettre ça en avant. C’est ma seule arme, c’est-à-dire que pour niquer des rappeurs, il faut que je sois un bon rappeur. Il n’y a pas de posture, j’aime le rap et j’essaye juste d’évoluer avec lui. Dans le morceau Ce que je veux, c’est ce que je dis. Au moment de l’écrire cette année, j’étais dans cet état d’esprit. Je ne triche pas, ce que je dis, je le vis. J’essaye de le mettre en forme du mieux que je peux. Je t’avoue que j’essaye de faire passer des messages subliminaux, je laisse parler la musique.

C’est ce que tu as fait dans tes derniers morceaux ?

Dans mes nouveaux morceaux, j’arrive à une certaine harmonie entre l’instru et les paroles. J’ai compris ça il n’y a pas longtemps. Quand les gens ressentent un truc par rapport à ça, c’est gagné. Avant, je ne bossais pas du tout comme ça. C’était toujours un texte sur de la musique, même si ça collait, c’était moins profond. Là, j’ai travaillé sur la profondeur, sur mes nouveaux morceaux, c’est une mise à jour de mes sonorités. Sur le texte, on ne peut rien m’enlever, c’est un vrai texte dans lequel je dis des choses vraies. Aujourd’hui, je conçois mes morceaux comme ça, je prends tout en compte. Avant, je pensais plus à mes flows, désormais, c’est comme un tout. Cela prend plus de temps, c’est plus de travail, mais tu mets plus de monde de ton côté comme ça. C’est intéressant, car des personnes pas forcément dans le rap pourront attraper quelque chose. Je peux le dire aujourd’hui, je sais ce que c’est que de s’adapter à une prod, de la dompter avec un fouet (rires).

A l’époque, on me disait que j’avais un style ricain, c’était un truc de fou, je mangeais, je buvais, je vivais rap cain-ri

Tu reviens avec la même pochette qu’il y a 20 ans, mais question style, ça reste actuel.

A l’époque, on me disait que j’avais un style ricain, mais c’est ce qui m’inspirait, ce qui m’influençait le plus. Vraiment, c’était un truc de fou, je mangeais, je buvais, je vivais rap cain-ri. Quand ça a été mon tour, j’ai joué à fond cette carte. C’était mes codes, nos codes, ceux de mon entourage… Le style, c’était aussi une question de partage. La tenue vestimentaire, ça a toujours été très important pour moi. Cette pochette par exemple, tout le monde m’en a parlé, ça m’a suivi. Certains me disaient qu’ils avaient eu du mal à se procurer ma paire de sneakers (rires). Quelque part, les pochettes des autres me faisaient la même chose. Quand j’ai vu JoeyStarr avec sa veste Helly Hansen jaune, je suis devenu fou, j’aurais tué pour l’avoir.

On parle de style américain, mais au niveau de la musique, les USA t’inspirent toujours autant ?

Même si certains disent ne pas en écouter, tout le monde écoute du rap cain-ri. Après, on a toujours besoin du rap français, certains pour mieux s’identifier. On n’est pas encore prêt pour avoir notre rap français et seulement ça, on est trop jeune encore, ici ça a trente ans, c’est archi jeune. Dans les années 2010, je me suis pris une grosse claque. C’est à partir de ce moment-là que j’ai arrêté de rapper pour mieux comprendre la nouvelle école cain-ri. Parce que quand la Crunk est arrivée, je ne voulais pas comprendre, j’étais en mode puriste, honte à moi. Ensuite, j’ai découvert Meek Mill qui m’a retourné le cerveau, tout comme le come-back de 2Chainz, ou même Rick Ross, car je me l’étais encore pris dans la gueule. Là, je me suis dit que le rap avait changé et moi, en tant que fan de rap, je me dois de faire quelque chose comme ça. Il s’agissait de reprendre le rap, mais après digestion, dans un acte plus spontané. Quand j’ai arrêté, c’est que j’étais arrivé au bout de mon rap. J’avais épuisé toutes mes bottes secrètes, quand, d’un coup, un nouveau délire est arrivé dans la musique. Je m’étais dit : « merde, je suis plus dedans ». Mais fallait que ce soit naturel, pas en mode copier/coller sur un style.

Le fait de travailler avec Hornet, ça va avec cette mise à jour ?

Oui, il m’a fait comprendre ça, il est dedans. Il est jeune, avec de nouveaux placements, une autre manière de rapper. Le fait de travailler avec lui ça m’a donné d’autres ficelles et après, j’ai commencé à changer de flow. Dans le morceau Ce que je veux, j’explique tout ça. J’ai composé la prod avant, je suis vraiment rentré dans un délire dans lequel je racontais ce que je vivais. Ce que je voulais, c’était amener l’auditeur dans mon délire.

Dans les années 2010, je me suis pris une grosse claque. C’est à partir de ce moment-là que j’ai arrêté de rapper pour mieux comprendre la nouvelle école cain-ri

Enfin, pour terminer, tu as également fait le choix de débarquer en vinyle. C’était important pour toi ?

Bien sûr, ça fait partie de notre culture. Il y a toujours des Djs, des platines, donc c’est normal, il faut penser à eux. Même en 2014, dans une période où les gens s’en fichaient, soi-disant, je sortais des vinyles. Et tout est parti, la preuve que ça marche et que je ne suis pas fou (rires) !

Crédits Photo : Antoine Ott

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