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Booska-classic n°4: Doc Gynéco, Nirvana!

Booska-classic n°4: Doc Gynéco, Nirvana!

Le mois dernier, nous consacrions le booska-classic au mythique 95200 du Minister A.M.E.R. Nous optons donc pour la continuité en vous parlant cette fois de Doc Gynéco. Très proche du groupe sarcellois depuis ses débuts, c »est d’ailleurs lorsque le Minister enregistre 95200 que Bruno Beausire pose ses premières maquettes; s’en suivra l’un des albums les plus puissants du rap français, Première Consultation.

Le Doc réussit l’exploit d’allier succès d’estime et succès commercial. En effet ce premier album s’est vendu à plus d’un million d’exemplaires, et rares sont les amateurs de rap français qui le dénigrent à ce jour. Enregistré sous le soleil de Los Angeles, cet album échappe aux codes du rap français, réduit à la grisaille parisienne. Produit par l’américain Ken Kessie, le disque est composé de quinze titres, dont les beats ont tous été joués par des musiciens. De Viens voir le docteur à Première consultation, il y a beaucoup de hauts, et il est difficile de trouver des bas. Autant dire que choisir un morceau est cornélien. Mais nous y sommes parvenus, et c’est sur Nirvana que notre attention se porte tout particulièrement, un morceau aux accents baudelairiens.

Le nirvana, c’est, dans le Bouddhisme, « l’extinction du désir humain, permettant de s’affranchir du cycle des réincarnations et qui correspond à un état de béatitude absolue« . A l’écoute du titre, c’est en effet l’impression que donne l’artiste, chercher l’extase la plus totale, et quitter tout le reste.

Doc Gynéco y donne l’image d’un homme totalement blasé, désenchanté et perdu dans la vie d’adulte. Il traine son spleen sur un refrain efficace et explicite,  » Comme Bérégovoy, aussi vite que Senna, je veux atteindre le nirvana, comme Bérégovoy, click, click, boum..« . Après seulement vingt deux ans sur Terre, le rappeur du 18ème est déjà las, il veut un flingue pour partir loin. » Prisonnier du quartier, pris dans la fonce-dé, plus rien ne métonne, plus rien ne me fait bander » clame-t-il dans son premier couplet.

De défonce justement, il en est pas mal question dans ce morceau, car pour s’échapper de sa condition, le Doc a trouvé le même remède que Baudelaire en son temps, la drogue. Comme le poète parisien continuellement sous opium, le rappeur se plait à laisser voguer son esprit dans les vapeurs de substances psychotropes. « Dans une poche, les feuilles OCB, dans une chaussette, les boulettes à effriter« , « J’veux m’doper, comme Maradonna, car je suis triste, comme le clown Zapata« , Gynéco, parle tout au long de Nirvana du seul moyen qu’il trouve pour accèder, aux paradis artificiels, il veut « [se]se droguer aux aspirines, façon Maryline« .

Nul doute ne subsiste, le Docteur vit en épicurien, « [il] les baise« , boit, fume, et ne se préoccupe pas du reste. Totalement déphasé, il va jusqu’à revisiter une comptine invitant une douce à « cueillir du vice dans son cabriolet neuf« . Il évoque aussi « ceux qui boivent du douze ans d’âge« , les « meufs de gang bang« , « la fille de voisin » qu’il a troqué contre « de jolis mannequins très convoités » à l’image de Brandi Quinones, très jeune mannequin dont Carla Bruni s’était moqué. Peu importe les railleries de celle qui deviendra la femme du « maitre à penser » de Gynéco, Brandi fait fantasmer le Doc, qui rajoute la luxure à la liste de ses péchés.

Et tant qu’à faire le rappeur à la voix encore adolescente préfère s’affranchir de toute morale religieuse. Charles Baudelaire se détachait de la religion, et Gynéco scande « Je n’crois plus en Dieu et devient nerveux, Allah, Krishna, Bouddha ou Jéhovah, moi j’opte pour ma paire de Puma« . Cette phrase résume d’ailleurs assez bien l’ambiance du texte. Face à la beauté que les religieux accordent à leurs divinités, face à la postérité des Dieux, un jeune de la Porte de la Chapelle hisse au rang de guide suprême une paire de chaussures. Je m’en foutiste au possible, Doc Gynéco, survole son époque, incompris par sa famille qu’il a « troqué contre tous [ses] amis« , tel l’Albatros de Baudelaire.

En bref, le rappeur livre un message clair, fermez les yeux, laissez vous guider et atteignez le nirvana. Fumette, tise et baise devraient vous aider. Malheureusement, le destin a été tout autre pour Gynéco, dont l’image est à ce jour plus proche des abysses que du nirvana…

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