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Big Budha Cheez, les modernistes du vintage [PORTRAIT]

Big Budha Cheez, les modernistes du vintage [PORTRAIT]

A l’occasion de la sortie du projet « Epicerie Coréenne », Booska-P est parti à la rencontre des membres du groupe made in Montreuil.

Le rendez-vous est pris du côté de l’Hôtel W, non loin du Palais Garnier. L’équipe du Big Budha Cheez est là, posée, attendant simplement de faire ses balances avant une prestation dans un évènement ciglé Urban Pias, le label où elle est signée. La troupe file ensuite vers une suite pour un entretien et un shooting, comme convenu. Heureusement pour cette BBC made in Montreuil, Booska-P a prévu un appareil argentique, histoire de rester raccord avec la philosophie du collectif.

L’Epicerie Coréenne ouvre ses portes ce 23 février, c’est donc le moment de vous proposer un voyage vers un rap old school dans la méthode, mais les deux pieds bien plantés dans notre époque.

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L’Epicerie Coréenne ouvre ses portes

Epicerie Coréenne ? D’entrée, l’interrogation est au rendez-vous… Le nom du projet en jette, comme une vieille jaquette de VHS trouvée dans un videoclub hors d’âge. Ici, il s’agit bien de rap, mais pas n’importe lequel. Celui d’un groupe biberonné à des références particulières, entre films de Keanu Reeves et autres sapes Tommy Hilfiger certifiées nineties. Ainsi, lorsqu’on évoque le nom du projet, on se demande s’il n’a pas un lien avec Yakuza, titre de Prince Waly jamais dévoilé, ou bien à la boutique asiatique qui se trouve non loin de chez lui. La réponse du groupe nous emmène encore plus loin : « C’est cohérent comme résonnement, mais ça ne vient pas de là (rires). Epicerie Coréenne, c’est l’Amérique. Ca veut tout dire. Le son éponyme, si tu l’écoutes bien, tu captes qu’il traite d’une certaine époque des States. Quand il y avait les émeutes de Watts à L.A, et que les épiciers coréens se faisaient braquer. La ville était en feu, c’était vraiment le bordel, on voulait retranscrire cette ambiance et ramener un peu d’Amérique ».

Dans ce projet qui compte des titres nommés Puffy, Maison Blanche, ou encore Hell (comme Hell on Earth, album culte de Mobb Deep), les références aux States ne se cachent pas. A ce jeu-là, les membres du Big Budha Cheez sont francs et jouent la carte de l’identification, leur dernier opus sonne comme un hommage : « On ne crache pas sur le rap français, mais on ne s’identifie pas tellement. Il y a de superbes trucs, mais rien ne nous parle réellement. On ne peut pas mentir, ce qui nous fascine, c’est l’Amérique. Les USA, on a poncé le truc, regarde comment on se sape. L’épicerie coréenne c’est le poumon de la ville, c’est comme quand nous on va au taxi phone ou chez le rebeu. C’est le nom de code de nos influences, on aurait pu appeler notre projet « Etats-Unis » ou même « Car Wash » (rires) ».

L’épicerie coréenne c’est le poumon de la ville, c’est comme quand nous on va au taxi phone ou chez le rebeu. C’est le nom de code de nos influences

Et s’il se passe beaucoup de choses dans une épicerie coréenne, comme des meurtres, notamment dans Menace II Society, Four Brothers, ou The Wire, le groupe préfère se pencher vers d’autres films tels que Point Break. L’aventure d’un gang de braqueurs/surfeurs quasiment jamais abordée dans le rap français : « A part par Rim’k, personne n’a dû le faire. Ce n’est pas le pus évident à placer. En général, les gens te parlent plutôt de Scarface. On est fans de Keanu Reeves et de Patrick Swayze. Ils ont fait un remake de Point Break, on n’a même pas osé le regarder ». Un choix qui est dû à tout sauf au hasard : « Quand on les guette, on a trop envie d’être à leur place, avoir la vie de ce genre de héros. Il y a un délire au niveau du charisme et du swagg des mecs. Aujourd’hui, ce n’est pas naturel, trop maquillé ».

Un délire résolument old school

« On vit notre délire à fond. On fait du son car on aime ça. On ne va pas se forcer à faire autre chose pour plaire à un plus large public. Les gens disent qu’on fait du rap à l’ancienne, mais on ne calcule pas » explique le groupe. Ici, pas de type beats kidnappés sur YouTube et autres pochettes digitales photoshopées à l’envie. Non, Big Budha Cheez a progressé en assumant ses codes, faisant son travail à l’ancienne, gardant son identité, évitant de passer par la lessiveuse des tendances : « Le groupe est cohérent. On bosse notre truc depuis longtemps et on continue encore aujourd’hui. On peut comprendre des artistes qui veulent percer, t’es obligé de faire des concessions. Après, tout dépend de ta volonté, de ce que tu recherches. Nous, on pense avoir fait le bon choix, le nôtre ».

Pour la conception de son nouvel opus, l’équipe a fonctionné comme à son habitude « marchant au coup de coeur et au feeling ». Dans une époque où on peut sortir 32 mixtapes en trois semaines sans choquer son auditoire, la BBC s’est concentrée sur 12 morceaux impactants en jouant contre la montre. Car oui, bosser à l’ancienne nécessite une patience certaine. Une chose qui n’est plus un problème pour le groupe : « Le temps, c’est un ennemi si tu ne sais pas le gérer. C’était notre plus gros adversaire, car on n’a pas choisi la facilité. En vrai, ça nous dérange pas de prendre du temps si on retrouve un projet abouti au final ». Comme le pointe Fiasko Proximo, la nouvelle organisation du Big Budha Cheez a son rôle là-dedans : « Le projet il ne s’est pas fait en trop de temps. Il y a des prods qui dataient d’il y a plus d’un an. Tout s’est déroulé assez rapidement, car les rôles étaient mieux définis. De mon côté, j’ai moins posé et je me suis plus concentré sur la production ».

Dans l’image, il n’y a rien de mieux que la pellicule. Cela me fait penser à Menace II Society, Heat, Point Break… C’est comme un petit caramel, ce que tu regardes, ça devient une sucrerie

Il embraye, notant que certains procédés ont été écartés : « Dans le son, j’étais un fou de l’analog, mais dans certains styles, ce n’est pas fait pour. Par exemple, quand tu fais du rap, ça ne sert pas à grand chose, alors que pour moi c’est la base ». Du côté des clips, rien n’a cependant bougé comme l’explicite le producteur qui lorgne une nouvelle fois vers le septième art des 90’s : « Dans l’image, il n’y a rien de mieux que la pellicule. Cela me fait penser à Menace II Society, Heat, Point Break... C’est comme un petit caramel, ce que tu regardes, ça devient une sucrerie. Avengers, c’est cool, mais tu le regardes un dimanche soir, tu ne l’imprimes pas. Ce n’est pas comme un bon moelleux au chocolat ».

Montreuil, le point de départ

Autre ingrédient non-négligeable de la recette Big Budha Cheez, Montreuil. La ville, en pleine effervescence en ce moment, est le QG du groupe. Une formation qui se décrit comme intimement liée à la localité du 93, même si sa musique n’est pas identifiée comme véritablement Montreuilloise : « Musicalement, on n’a pas grand chose à voir avec notre ville. Aujourd’hui, tout le monde fait des sons très différent du côté de Montreuil. On a Triplego, Swift Guad, L’Usine, Ichon, Le Club. On veut parler à tout le monde, on veut que le gars de Marseille comprenne ce qu’on dit. Si on balance que des expressions montreuilloise, personne ne va capter ».

Celle qu’on appelle également M-City est donc la mère de la matrice du groupe. Une filiation assumée : « Dans nos têtes, dans nos vies, on est issu de ça, on est 100 % Montreuillois. On aime trop l’atmosphère, l’ouverture de notre ville. On ne reste pas entre nous comme les gars d’avant. Notre génération a pris conscience qu’il y a du talent chez nous. Pourquoi ne pas le partager en musique ? » Dans un éclat de rire, Prince Waly poursuit en causant de l’édile de la ville, visiblement fan : « Le maire de Montreuil a kiffé un de nos concerts alors que j’ai un morceau qui s’appelle soudoyer le maire ».

Montreuil, c’est un gros melting pot culturel. On a de l’amour pour notre ville. Quand on rentre, on se sent bien chez nous

Pour conclure, les gars de Big Budha Cheez balancent une dernière déclaration à la localité située à l’Est de Paris : « Il y a un énorme mélange maintenant, plein de gens de Paname viennent le vendredi soir et le samedi pour faire la fête. Cela se passe bien, avec le sourire. Les gens cohabitent, les bobos viennent acheter leur mafé à midi, c’est dingue. C’est un gros melting pot culturel. On a de l’amour pour notre ville. Quand on rentre, on se sent bien chez nous ». Montreuil et son cocktail culturel, comme une métaphore parfaite d’une Epicerie Coréenne qui a ses portes ouvertes sur le monde.

Crédits Photo : Antoine Ott

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