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Bienvenue à M-City [DOSSIER]

Bienvenue à M-City [DOSSIER]

Cap sur Montreuil, place forte du renouveau du 93 et de la scène urbaine.

« C’est vrai que s’il on parle du rap du 93, on va d’abord penser à Saint Denis parce que NTM, à Aubervilliers avec Mac Tyer ou à Sevran récemment avec Kaaris. »

C’est ce que Matthieu Bidan, réalisateur de Montreuil, le doc a confié il y a 2 ans. Pourtant, s’il y a bien une ville qui a marqué sa présence dans le rap français et encore plus ces dernières années, c’est bien Montreuil. Située aux portes de Paris dans le 93, cette commune est en train de subir un flux migratoire en provenance la capitale, mélangeant dans un même quartier les bobos, les influences gitanes et les populations issues de l’immigration. Un melting pot culturel qui a permis à la ville et ses habitants de développer une ouverture d’esprit, un sens artistique et une productivité hors norme.

La ville regorge de talents et d’artistes dans tous les domaines, les noms qui ont émergé de la ville sont nombreux : Big Buddha Cheez, L’Uzine ou encore récemment Le Club, pour ne citer qu’eux. Aujourd’hui, on vous propose de découvrir certains artistes de « M-City », de tous les styles et de toutes les générations. On leur a donné rendez-vous, dans leur ville, entre les bars de routiers et les foodtrucks hipster. Ils nous parlent de leur musique, de leurs souvenirs, de l’émergence de cette scène au niveau national et de leur amour pour cette place forte du rap hexagonal.

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Swift Guad

Swift Guad est un pilier de Montreuil. Figure de la Croix de Chavaux, l’artiste fait preuve d’une belle productivité depuis 2000. Pionnier du Narvalow City Show et protagoniste principal du documentaire Montreuil, Le doc, le rappeur d’origine yougoslave a commencé à faire de la musique dans les années 2000 avec le collectif/label Horizone Prod. A l’époque, il participait à tout ce que la région comptait de battles et avait même assuré la première partie de NTM. Aujourd’hui, l’artiste revendique toujours haut et fort la culture narvalow de son quartier et prépare un double album pour courant 2018.

J’ai besoin de la ville pour écrire et je sais que pour ça je ne pense pas la quitter

« J’ai quasiment toujours habité à Montreuil. Je me suis barré à Rosny ou en Suisse, mais je suis toujours revenu ici. Je suis du quartier des Grands Pêchers, j’ai grandi là-bas toute mon enfance et maintenant, je suis dans le bas Montreuil, plus proche de Paris. J’ai eu plein de lieux fétiches, des bars particuliers, le parc Beaumont, j’y ai passé énormément de temps. J’aime bien le flux des gens, l’énergie que tout ça me ramène. Je sais que, quand je suis en vacances loin au bord de la mer, je ne suis pas forcément inspiré. J’ai besoin de la ville pour écrire et je sais que pour ça je ne pense pas la quitter. À Montreuil, il y a toujours eu beaucoup d’artistes, beaucoup de rappeurs notamment, mais chacun bossait un peu dans son coin. Avant, on était très fermé, on avait un style de rap à l’ancienne, très street crédible tandis que l’autotune et la trap était un peu mal vus. C’est vrai que les nouvelles générations de rappeurs collaborent ensemble et de façon plus ouverte. Ils sont beaucoup plus décomplexés et représentent Montreuil sans pour autant s’enfermer dans la commune. »

« À la base, on a créé une association qui s’appelait le Narvalow Club : on a organisé plein d’événements et d’expositions avec des artistes de la ville. Pour fêter l’anniversaire de l’association, on a décidé d’organiser un concert avec des rappeurs et artistes de la ville et c’est devenu le Narvalow City Show. Le concept s’est tellement développé que c’est devenu un festival et on a dû arrêter à un moment parce qu’une petite association ne peut pas prendre en charge un événement qui rassemble environ 4000 personnes. On pouvait gérer des petits événements à taille humaine et la réussite de ce projet nous a dépassé, mais ce n’est pas pour autant qu’on n’aimerait pas recréer des projets de ce genre. »

Triplego

Ovni de la scène montreuilloise, Triplego (duo composé de Sanguee, rappeur et Momo Spazz, producteur) se définissent comme « deux narvalos qui font de la musique ». Avec un son planant doté d’influences arabes, les deux artistes cultivent une esthétique particulière, qu’on retrouve aussi dans leurs visuels.

Il y a toujours eu des rappeurs ici, souvent des rappeurs un peu underground

« Montreuil, c’est naturel et instinctif, si on était né ailleurs on aurait peut-être fait la même musique avec quelques divergences. On parle de la ville et on représente le quartier dans certains sons mais parler de Montreuil, c’est pas vraiment calculé, on en parle parce que c’est notre quotidien et notre environnement. Il y a toujours eu des rappeurs ici, souvent des rappeurs un peu underground, il y a des trucs cools et des moins cools, et c’est tant mieux pour la ville. »

Ichon

Membre du collectif Bon Gamin, Ichon est un personnage singulier du paysage rap français. Doté d’une écriture profonde, le rappeur est un véritable artiste qui travaille son image et l’esthétique de ses visuels. Ichon accumule les projets de mannequinat, les collaborations avec des rappeurs tels que Joke ou Prince Waly et sort Il Suffit de le Faire fin 2017.

J’ai mes repères à Montreuil et pour un mec comme moi qui fait plusieurs choses, ça permet de garder les pieds sur terre

« J’habite Montreuil depuis 1990. Mes parents y ont le meilleur restaurant africain du monde. Cette ville, c’est chez moi, c’est la maison. Je fais mes affaires dans le centre de Paris, mais le soir j’adore rentrer chez moi, dans mon « village ». J’aime me dire que je traverse le périphérique pour aller sur Paris. J’aime qu’il n’y ait personne dans les rues la nuit. J’aime repasser dans ces rues où j’ai fait mes premiers pas. J’ai mes repères à Montreuil et pour un mec comme moi qui fait plusieurs choses, ça permet de garder les pieds sur terre, et rien que d’en parler ca m’inspire. »

OG.D

Dès son enfance, OG.D a été bercé par l’amour de la musique et a été touché par différents genres comme le reggae via sa mère mais aussi la soul ou le hip-hop par sa soeur. Dj et producteur, OG.D fait partie du collectif Nomad, fondé il y a un an avec d’autres artistes. On le retrouve souvent lors des concerts de la rappeuse Lala&Ce, du crew 667, dont il est le DJ officiel lors de ses concerts. Yard, HotelRadioParis, Dj Set avec Benibla, Og.D est partout et ambiance les meilleures soirées de Paris.

C’est une des plus grandes villes du 93, mais on a l’impression que tout le monde se connaît

« La scène rap montreuilloise est très diversifiée. On y trouve de tout : des artistes aux univers rétro très old school qui te rappellent l’ancien hip-hop new-yorkais, des mecs qui ont développé un style plus cloud et planant, d’autres un peu plus jeunes qui débutent et qui ont beaucoup de potentiel. Je suis né à Montreuil et j’y ai toujours vécu. C’est une des plus grandes villes du 93, mais on a l’impression que tout le monde se connaît. Cette ville m’inspire car elle est multiculturelle et très axée sur le fait de faciliter l’accès à la culture. Le quotidien y est cool car il y a de nombreux espaces verts, de nombreuses associations et il y a une vraie énergie et des lieux cultes comme le Café La Pêche qui, tout jeune, m’ont permis de rencontrer des figures emblématiques de cette ville comme Diaks, membre du 93Lyrics (il a contribué au développement à l’accès à la culture dans certains quartiers délaissés et que tous les jeunes de cette ville connaissent). »

Jeune Shavy

Jeune talent à suivre, Shavy s’est récemment fait connaître grâce à son feat avec Lord Esperanza. Mais le jeune rappeur ne sort pas de nulle part, il est le vainqueur de la battle de rap à la Brasserie Barbès à l’occasion du festival Paris Hip-hop. Il a déjà fait des apparitions sur plusieurs radios (Mouv, RadioCampusParis) et a assuré la première partie de S.Pri Noir.

À Montreuil, il y a une ambiance que tu ne trouves pas vraiment dans toutes les villes de Seine-Saint-Denis

« À Montreuil, il y a une ambiance que tu ne trouves pas vraiment dans toutes les villes de Seine-Saint-Denis. Le fait qu’on soit collé à Paris fait que souvent, t’as l’impression d’être dans un arrondissement de Paris, tu vas croiser à peu près le même genre de personnes que dans le 19/20eme, c’est le même genre de délire en soirée etc. C’est une ville très hip-hop, il y a beaucoup de gens de la scène rap qui passent par là, que ce soit pour les studios comme Grande Ville avant ou Goldstein maintenant et les labels comme Exepoq (label de Big Budha Cheez). Avant, la ville était remplie de terrains vagues, les gens faisaient des battles ou organisaient des soirées. Maintenant la ville change, les immeubles se construisent, mais tu vas toujours trouver la même ambiance. La culture graff y est très présente aussi : si tu vas à Croix de Chavaux, toutes les devantures de magasin sont faites par Spion et tu peux croiser des petites oeuvres partout. »

Julio

Julio fait partie de cette jeune et nouvelle génération qui, derrière les gros noms de la ville, commence déjà à se faire une place. Membre du collectif Syndicat M-City, Julio a placé ses prods chez plusieurs jeunes rappeurs de la ville. En plus de cela, Julio compte aussi quelques projets solo sur son Soundcloud où il produit quelque chose de dissociable de l’instru de rap, en intégrant des textes, du chant et plus récemment de l’image. Son style à la fois futuriste et old school (grâce notamment aux samples) fait de Julio un artiste inclassable et prometteur.

Montreuil, c’est un bourbier d’artiste

« J’ai toujours habité à Montreuil, c’est mon décor de tous les jours, la ville dans laquelle j’ai grandi, donc forcément elle m’inspire. C’est une ville avec des gens qui viennent de partout, dans laquelle tu peux croiser tous les types de personnes. De plus, il y a plein de gens motivés qui font des trucs très différents que ce soit dans la musique, dans la peinture, le textile, la vidéo, les évènements… Il y a plein de projets qui se font, qui réunissent un peu tout ça et ça fait du bien. Il y a toute une scène qui émerge en ce moment et c’est très inspirant de voir des gars qui viennent de la même ville que toi, que tu peux croiser en bas de chez toi, arriver à se faire une place de plus en plus importante dans la musique. Du coup, il n’y a pas le côté star inaccessible, ce sont des gens comme toi qui ont grandi au même endroit et c’est très motivant. »

Couvre Chef

Nés dans la ville, Dario et Braquito ont grandi avec et sont des habitués de la scène locale. Après avoir enchaîné les open mics et concerts, les deux jeunes rappeurs sortent leur premier EP, De Trois à Quatres Heures, qui se place comme un CV pour ces jeunes artistes.

https://www.youtube.com/watch?v=0kGawmmLeqE

C’est une ville cosmopolite avec son langage propre; peu importe où tu vas, tu peux reconnaître un mec de Montreuil

« On est né à Montreuil et on n’est jamais sorti de là, c’est une influence. Chez Dario, c’est un sujet qu’il traite énormément. Pour moi, c’est plus la musique de Montreuil qui m’inspire que la ville elle-même. Quand il était petit, il se butait au rap de la ville et à Booba. Notre première scène était au café La Pêche, un lieu mythique de la ville. C’est comme une grande famille, ils organisent pas mal de concerts, d’open mics et de petits évènements. C’est une scène qui a vu passer beaucoup de gens de la ville assez connus aujourd’hui. On voit d’un bon oeil l’émergence des rappeurs de la ville, on espère simplement que ça va durer et que ce n’est pas qu’un effet de mode. C’est une ville cosmopolite avec son langage propre; peu importe où tu vas, tu peux reconnaître un mec de Montreuil. Niveau art, ça bouillonne. Au lycée déjà, il y avait plein de jeunes talents dans la danse, la musique, le graff, la vidéo… Montreuil c’est un bourbier d’artiste. »

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