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Bené, échappée belle depuis la trilogie PNL [PORTRAIT]

Bené, échappée belle depuis la trilogie PNL [PORTRAIT]

Une semaine avant la sortie de son premier album, Bené fait le point entre succès précoce et envie d’assumer son statut.

Crédit Photo : Antoine Ott.

Le game livre aujourd’hui des carrières qui débutent sous différentes formes. Terminé le sacro-saint : « validation du quartier / signature en major / projets à défendre / passage en radio ». Non, depuis l’apparition du mot buzz dans nos dictionnaires et la transformation d’internet en nouvelle place publique, les talents se croisent sur les réseaux… De quoi rendre difficile l’explication de l’explosion d’un artiste, même si les termes « freestyles » et « performances détonantes » (choisissez votre mot clef) viennent servir certains rookies, prêts à braquer l’industrie.

Pourtant, d’autres se plaisent à prendre leur temps, à réfléchir sérieusement sur leur musique. Dans une société du spectacle où tout va plus vite, si l’idée d’un album concept s’évapore vite au moment de proposer un premier projet, on a trouvé quelqu’un capable d’affirmer son style : Bené. Issu de la galaxie QLF, celui qu’on a d’abord connu en tant qu’acteur impose désormais sa patte. Loin de lui l’idée de coller à une quelconque mode avec El Naya, un opus qui vous lance sur un sinueux chemin à suivre. Suivre Bené, c’est justement ce que nous avons fait, le temps d’un après-midi sur Paris. Entre le souvenir d’un Bercy plein à craquer, un perfectionnisme assumé et une volonté de s’émanciper, le jeune homme n’a rien éludé. Rencontre.

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L’heure des choix

La première fois qu’on a croisé Bené, c’était forcément dans les visuels de Peace’N’Lovés. Un visage marquant, celui d’un jeune homme prêt à tout pour venger les siens, calibre en main. Les traits étaient fins, la carrure aussi, mais pas forcément le charisme. A l’image d’autres personnalités telles que Lucas Omiri et Omar Soumaré. Si le septième art s’impose alors dans la tête des fans du duo des Tarterêts, Bené ne suivra pas la trace de ses aînés qui ont récemment foulé les marches de Cannes à l’occasion du film de Ladj Ly, Les Misérables. Non, Bené s’affirmera loin des plateaux de tournage et de la palme d’or.

Je n’ai jamais vraiment pensé à devenir rappeur

Stylo en main, l’adolescent ne cesse d’écrire. Sur les bancs de l’école, il griffonne ses textes sans trop savoir quoi en faire. C’est une fois qu’il arrête l’école, juste après ses premières apparitions dans les clips de PNL, qu’il embrasse le micro. Toujours en bande, comme il l’explique : « J’ai commencé à faire des sons dans un studio à Montreuil. C’était la street, on débarquait avec 30 potes pour enregistrer des sons. L’idée de me lancer vient justement des gens qui m’entourent. J’ai eu un déclic grâce à eux. L’exemple type, c’est celui de mon premier clip Favelas. Il a fait 4 millions de vues en un mois alors qu’à la base, je n’étais même pas d’accord pour clipper le titre (rires). »

La famille comme facteur X, donc, pour un jeune homme qui à 19 ans a évité de céder tout de suite aux sirènes du cinéma. Une façon de s’affirmer en tant qu’artiste, lui pour qui la musique est plus importante que son image sur pellicule. « J’aurais pu foncer dans le cinéma vu que j’ai eu beaucoup de demandes. Mais ce n’est pas ce que je voulais faire, car me retrouver dans les clips de PNL, ça s’est fait comme ça. Il n’y pas eu de casting, du jour au lendemain on a dû faire les acteurs parce que c’est la mif. On a juste joué nos rôles et reproduit ce qu’on voyait dans la vie » poursuit-il. Pourtant, s’il priorise ses envies, il ne se ferme aucune porte : « Je ne suis plus aussi fermé là-dessus, mais le cinéma en France ne m’intéresse pas tant que ça, ce n’est pas mon délire. Après, on ne sait jamais, on peut avoir de belles surprises… A l’international, ça pourrait être un kiff de ouf ! » Reste maintenant à s’imposer dans un game dans lequel il est déjà connu depuis de nombreuses années, mais pas encore en tant que rappeur à part entière.

Une personnalité propre

Bené le répète à l’envie : « Je n’ai jamais vraiment pensé à devenir rappeur ». Reste que c’est ce qu’il est bien aujourd’hui, un rappeur qui doit défendre un album. Mais pas de panique car chez lui, tout s’est fait naturellement, en équipe. Comme mentionné plus haut, c’est son entourage qui lui a donné ce fameux déclic lui permettant de sévir en studio. « Ce sont mes proches qui m’ont dit « tu peux devenir quelqu’un, tu peux devenir qui tu veux être. Prends ce que t’as à prendre et fonce » assure un Bené qui aura tout de même pris le temps de perfectionner son propre style. Ici, pas de mixtape sortie à la va-vite et de clip tourné en bas d’un block. Non, le rookie voit loin, assumant son perfectionnisme. Ainsi, c’est nulle part ailleurs qu’en Colombie qu’il a été vu pour la dernière fois. Comme en cavale, il a signé un Blood étonnant, mêlant sa vie à celle des habitants d’un barrio semblable aux nôtres, l’espagnol et la chaleur des décors en plus : « Etre là-bas, et faire ce que je voyais dans Narcos ou El Chapo, c’est fou. On se reconnaît dedans aussi. C’est pratiquement le même train de vie, les mêmes expériences… Comme on dit « vrais reconnaissent vrais », donc on a joué au billard, fumé ensemble, etc. En Colombie, j’étais totalement dans mon monde. »

Ce sont mes proches qui m’ont dit « tu peux devenir qui tu veux être »

Dans son monde, il l’est également au moment de travailler ses sons. Pour El Naya, son premier album, il a préféré construire des titres sur-mesure, loin de choisir parmi des palettes et des palettes de productions. Son truc à lui, la guitare pour un esprit cloud revisité, plus latino, plus moderne et plus catchy aussi, très loin des figures imposées du moment et de la France, comme le rappeur le concède : « Je ne vais pas mentir, dans le rap français, je n’écoute personne à part mes proches. Je suis très centré sur ce qui se passe aux US, avec Lil Baby, Gunna ou NBA Youngboy. Je n’écoute quasiment que ça et forcément, tout ce qui est guitare, ça vient de là. C’était important pour moi d’avoir ma petite touche. Même si j’ai mis du temps à la trouver (rires). »

Un délire qu’il compte d’ailleurs améliorer et pousser encore plus loin, une fois de plus, sans se mettre de barrières. Car le bonhomme peut passer un mois sur un texte comme s’offrir des enregistrements au feeling, peu importe s’il s’agit de trap, de cloud ou autre. Sa signature chez Arista (Sony) confirme sa volonté de passer un palier, à l’image de ce qu’a pu proposer son ami S-Pion. Une structure qui met Bené dans les conditions pour placer le curseur encore un peu plus haut : « Je fais attention à tout, travailler avec moi, c’est compliqué (rires). Je vais te harceler de messages whatsapp ! Je suis super perfectionniste, ça va des mixes en passant par les photos jusqu’à mes clips et la pochette de l’album. Au final, il faut que je sois fier de moi et de mon travail. »

Anticipation et émancipation

Mettre l’accent sur le travail, voilà le chemin pris par un Bené à la trajectoire inédite. Car oui, qu’on se le dise, se construire entre des milliers de followers, le tourbillon QLF, un Bercy au complet qui crie votre nom et des millions de vues n’est pas une chose aisée. Lui fait fi de tout cela et préfère arguer qu’il a un rôle à jouer, le sien : « Les clips de PNL, avoir une fanbase, les réseaux sociaux… J’ai grandi avec ça, sans prétention. Et les gens ont grandi avec ça aussi. Aujourd’hui, la musique est indissociable de l’image, notre génération est comme ça. Notre monde est sur les réseaux sociaux, plus dans les médias ou à la télévision. Du coup, c’est à moi de ramener le public vers ma musique, d’avoir une proposition, une approche différente. »

On a de la mélancolie dans le coeur, mais aussi de la joie de vivre

La différence se fait justement tout au long de son projet, avec une histoire à suivre son après son, chose rare aujourd’hui, encore plus lorsqu’on parle de premier album. Un véritable scénario entre trahisons et envie de s’en sortir, le tout sur de fameux accords de guitare et des instrus nébuleuses : « Chez nous, on a de la mélancolie dans le coeur, mais aussi de la joie de vivre. On a tous des coups durs, mais mieux vaut les aborder avec le sourire pour s’en sortir. On veut réussir, ne pas s’arrêter, que ce soit dans les paroles et les clips… C’est un message qui ressort à travers l’album comme un fil rouge. » Foncer, mais ne rien laisser au hasard, voilà qui pourrait être le credo de l’artiste : « Les gens me connaissent, savent d’où je viens… Je me dis seulement que maintenant, c’est à moi d’envoyer du lourd. C’est la musique qui parle, il n’y a pas 30 000 questions à se poser. Même si je ne jamais fais rien sans un message derrière. »

La suite, il l’envisage donc de la même manière, en réfléchissant posément. Des idées, des concepts, de la scène peut-être, avec la même volonté de bosser en famille : « Je suis toujours en réflexion sur mes projets, il n’y a pas un jour pendant lequel je n’y pense pas. Donc forcément, l’idée de la suite est là… Mais je ne suis pas tout seul, on fonctionne en équipe. Dès que je fais un son en studio, je l’envoie à la mif, à mes proches. Des fois, je mets des semaines à finir un son et j’ai besoin de l’avis des miens. C’est pareil pour les clips. Si je juge que c’est un vrai et bon conseil je le prends… Ensuite c’est bien de garder son identité, il faut savoir faire des choix. » S’émanciper, c’est déjà fait et vous le saurez assez vite grâce à El Naya, disponible le 8 novembre prochain.

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