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7 Jaws, De Jules Verne à Stan Lee [INTERVIEW]

7 Jaws, De Jules Verne à Stan Lee [INTERVIEW]

Rencontre avec un rappeur au style singulier, technique et rêveur.

Crédits Photo : Flora Métayer

Après Nautilus, 7Jaws est de retour avec Steam House, son nouveau projet. De quoi interpeller, car son titre est encore une fois inspiré par Jules Verne. Pourtant, à l’écoute, c’est un rap futuriste et tranché qui vient frapper nos tympans. Et si l’artiste était de ceux qui arrivent à cumuler les influences sans forcer ? Oui, clairement, tant il se sent à l’aise aussi bien au Japon qu’en bas d’un bloc. Rencontre sur la capitale avec le rookie aux nombreuses mâchoires…

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Tout d’abord, d’où te vient ce blaze ?

J’ai fait des sports de combat pendant longtemps. Une fois, j’ai pris un penalty dans la mâchoire et je n’avais pas mis de protège-dents. J’ai vraiment eu la mâchoire cassée et un pote, alors qu’on se marrait sur ça, m’a sorti : «T’as pas une mâchoire, t’en as sept ». Du coup, c’est resté et ça a donné 7 Jaws (rires) ! Après, tu peux trouver plein de significations, mais oui, ça vient vraiment d’un moment un peu relou qu’on a tourné en dérision.

On a récemment reçu une claque de ta part, le clip Shadowboxing, tourné au Japon.

J’y suis allé avec Maki, un réalisateur belge qui a déjà travaillé avec Isha, Caballero & JeanJass, etc. On a fait en sorte de varier les endroits, de faire beaucoup de transitions, et donc de garder ce côté rêveur. Cela marque une nouvelle étape pour moi, je me suis fait raser la tête là-bas par un barber à l’ancienne. J’y ai passé de gros moments avec les amis que j’ai là-bas, je le regarde aujourd’hui avec beaucoup de nostalgie.

Ma musique, c’est comme des notes sur mon état-d’esprit du moment

Les mangas, c’est ton délire ?

J’essaye de me détacher du délire manga, car en ce moment, tout le monde y passe. Les mangas, je m’y suis mis à fond dedans plus petit, comme beaucoup. C’est intéressant d’en parler et même si j’essaye de ne pas trop rapper là-dessus, ça ressort, car ça fait partie de mes références. J’aime bien tout ce qui est éphémère, des fois j’ai des humeurs changeantes… Donc un thème, ça peut partir, puis revenir.

On n’a pas l’impression que tu restes bloqué dans un personnage.

Les gens qui me connaissent aiment écouter mes sons. Car dedans, il y a plein d’anecdotes personnelles. En fait, c’est simple, pour moi c’est impossible de raconter ce que je n’ai pas vécu. Lorsque ce n’est pas inventé, ça touche plus. Je préfère raconter ce que je vis, ce que je ressens. Ma musique, c’est comme des notes sur mon état-d’esprit du moment. On peut me suivre comme ça. Lorsque je réécoute des vieux sons, je me souviens exactement de comment j’étais au moment de l’enregistrement.

Du coup, t’es du genre à jeter tes vieux morceaux à la poubelle ?

Non, car ce sont juste des sentiments que tu fixes à un moment donné. Dans un son, c’est comme si tu te confiais, que tu sortais tout ce que tu avais en toi, sans pour autant en parler à quelqu’un. Il y a la sécurité du micro, alors qu’au final, cela va toucher pas mal de monde. Donc non, c’est toujours important de sortir ses morceaux, même s’ils figent un instant dans le temps. Des sentiments négatifs, parfois, ça permet de créer de bons morceaux, donc mieux vaut s’en servir. C’est comme un exorcisme.

Comment tu en es venu au rap ?

J’ai bossé dans une casse en Lorraine, histoire de me faire des sous… Je suis parti à Tokyo une première fois, et là j’ai rencontré un ami, Nabile Quenum, qui est décédé maintenant. Il m’a vraiment ouvert les yeux, il m’a dit : « J’ai 30 ans et je vis de ce que j’aime. Toi tu es jeune, il n’y a aucune raison que tu te fermes une porte ». Il savait que je faisais du son, mais juste en mode soundcloud. Il m’a poussé pour que j’aille au bout de mes idées. Une fois rentré de Tokyo, je me suis fait virer de mon taf et fallait que je trouve une solution rapidement. J’ai repris des études sur Paris et j’ai bossé sur mon premier EP, Nautilus. Les bons retours et son avis m’ont poussé à ne rien lâcher. Malheureusement, Nabile est décédé deux mois après la sortie du projet, mais je garde avec moi tous ses conseils.

La vie, c’est une question de choix à prendre. La mienne a changé depuis ce premier voyage au Japon

Le rap, c’est donc quelque chose de très personnel chez toi.

C’est ma croyance, mais j’ai vraiment l’impression qu’il y a des gens que tu dois rencontrer, des périodes charnières dans une vie, des moments qui t’offrent plusieurs possibilités. La vie, c’est une question de choix à prendre. La mienne a changé depuis ce premier voyage au Japon.

Pourtant tu dis clairement dans des morceaux que tu veux devenir mainstream.

L’egotrip, ça m’aide aussi à cacher des messages. Je peux te sortir trois phrases un peu « gogol » et ensuite envoyer une rime plus personnelle, c’est comme une sécurité. Quand je dis que mon objectif, c’est de devenir mainstream, c’est parce que je veux vivre de ma musique, d’exister. C’est vraiment mon plus gros vice, mon plus grand désir, c’est la reconnaissance. Je l’assume, j’ai envie que le plus de monde possible m’entende.

La rencontre avec le public, c’est aussi sur scène que ça se joue. Comment tu abordes ça ?

J’ai commencé par plusieurs plateaux. Par exemple, j’ai eu plusieurs opportunités en Suisse grâce à des potes. J’y allais, même si c’était pour jouer peu de sons. La scène, j’aime vraiment ça car c’est avant tout un moment de partage. Les gens payent leur place, donc il faut obligatoirement leur donner quelque chose en retour. Là, on est en train de bosser sur un live avec un batteur, c’est stylé et ça donnera un vrai spectacle.

Tu me parles du Japon, de la Suisse… T’as une histoire particulière avec ce qui est hors-frontière.

Comme je le dis dans Jumanji : « Nulle part, c’est ma ville, partout, c’est mon rôle ». Je ne suis pas attaché à un endroit en particulier. C’est aussi à l’étranger que j’ai rencontré les personnes les plus importantes de ma vie, donc oui, c’est important. Dans la vie, il faut bouger, aller à la rencontre des gens. N’importe qui peut t’apporter une belle leçon de vie. Souvent c’est une question de moyens, mais surtout d’envie. Aller voir d’autres manières de penser, ça t’ouvre et ça te nourrit à 100 %. Je n’ai pas envie d’avoir de frontières, car c’est inspirant d’aller voir ailleurs.

Comme je le dis dans Jumanji : Nulle part, c’est ma ville, partout, c’est mon rôle

Quels sont les artistes qui t’inspirent ?

Il y a SCH qui m’a vraiment matrixé, j’avais saigné A7 comme un niqué ! Ensuite, j’écoute tellement d’artistes différents que c’est compliqué d’en sortir un précisément (rires).

Dans le clip de Stan Lee, t’as pourtant fait un retour à la case départ.

Je n’avais jamais fait de clip chez moi à Sarrebourg. Là c’est mon quartier d’origine, fallait que je le fasse pour donner un peu d’énergie à la maison. J’en avais vraiment envie, car il y a là-bas tous les grands qui me suivent et qui me donnent de la force tout le temps. Depuis la sortie du clip, deux sont partis en prisons, donc force à eux.

Lee, c’est d’ailleurs un blaze qui revient dans tes sons…

Dans l’étymologie japonaise, si tu veux que ton fils soit un charbonneur, il faut l’appeler comme ça, Lee. C’est le mec qui n’a pas les bons outils pour s’en sortir, mais qui va compenser avec le travail. Dans Naruto, c’est bien expliqué, avec un personnage, Rock Lee qui travaille énormément la technique. Cela permet aussi d’identifier mon délire.

T’as aussi une influence particulière, c’est l’écrivain Jules Verne.

Il y a le titre de mon précédent EP, Nautilus, du nom de l’engin de Vingt mille lieues sous les mers. Idem pour mon nouveau projet, Steam House, qui est une machine à vapeur qu’on retrouve dans ses livres. Ce qui m’inspire chez Jules Verne, c’est le côté fantastique qu’il peut apporter au roman. Avant lui, personne n’était allé aussi loin. Son imaginaire est super important, le fantastique, Le seigneur des anneaux, etc, ça me fait kiffer. Je pense qu’on peut sortir des emmerdes de la vie de tous les jours, rien qu’en faisant fonctionner notre imaginaire. Moi, je peux me poser deux heures dans ma journée, prendre le temps de réfléchir. Il faut savoir s’écouter, car on est tous trop à fond tous les jours.

La street cred’, tu te la fais dans la rue, pas dans tes sons. C’est un truc qui me dépasse un peu

Justement, t’arrives à être hors des cadres classiques du rap grâce à cet imaginaire. Pas besoin de street cred’ ou autre…

La street cred’, tu te la fais dans la rue, pas dans tes sons. C’est un truc qui me dépasse un peu, les gens qui me connaissent m’aiment pour ce que je suis. Si par exemple, on me dit sur le net que je n’ai aucun street cred’, je m’en bats les couilles, ça ne veut rien dire. J’ai des gens qui me respectent, peu importent d’où ils viennent.

Pour terminer, comment tu qualifierais ton dernier projet, Steam House ?

J’dirais que c’est avec cet EP que j’ai précisé mon identité. Dans Nautilus, je me suis essayé à pas mal de délires. Avec Steam House, j’ai fait les choses selon mon style, c’est moi dans le fond et la forme. C’est une carte de visite. Pour ce qui est des feats, ce sera intéressant à l’avenir de mélanger les influences.

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