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Hamza, l’esthète qui surfe sa vibe [PORTRAIT]

Hamza, l’esthète qui surfe sa vibe [PORTRAIT]

Avec son dernier projet, le Belge surfe sur sa propre vague avec un certain talent. Booska-P l’a alors rencontré pour en savoir plus sur le très attendu 1994.

Crédits photos : Antoine Ott

En 2017, il faut bien se rendre à l’évidence : si on aura toujours envie de revendiquer la France au rap français, le rap en français est désormais aussi riche en dehors de l’hexagone qu’à l’intérieur. Dans tout ça, le rap belge n’y est pas pour rien, et parmi ses acteurs figure en bonne place Hamza. A quelques jours de la sortie de son sixième projet nommé 1994, nous sommes allés à sa rencontre dans les locaux de Warner France, nouveau partenaire de poids pour son aventure. Après avoir sorti ses précédents projets en totale indépendance, le deal signé avec la major lui permet de se projeter vers la suite.

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Hamza nous fait sa Sauce

Hamza a rapidement connu un important succès d’estime. Revenons deux ans en arrière, en 2015 : La Sauce est un banger qui inonde les ondes, du net aux émissions rap. A tout juste 21 ans, avec son deuxième projet en tant que Hamza (après « Recto Verso » en 2013) il apparaît alors tel un phénomène, capable de rider des sons dignes d’un Young Thug ou d’un Travis Scott. Un cocktail alors inédit dans le rap francophone, qui rapidement, va attirer le regard de nombreux médias spécialisés, notamment Booska-p qui le place dans sa sélection des 11 rappeurs à suivre en 2016. Rapidement, le clip de La Sauce va faire exploser le compteur de vues et atteindre le million, atteignant aujourd’hui les quatre millions et demi. Un son basé sur une mélodie imparable, celle-ci enrobant une métaphore efficace.

il fait partie de cette nouvelle génération qui n’a aucun mal à graviter entre mélodies, ambiances vaporeuses ou plus nerveuses, quelque part entre Atlanta et Toronto

Telle une potion mystérieuse, une formule artistique tient souvent à peu de chose, et le cocktail musical que présente Hamza connaît peu d’équivalents dans le rap francophone. Avec d’autres artistes comme Josman ou encore Jok’air, il fait partie de cette nouvelle génération qui n’a aucun mal à graviter entre mélodies, ambiances vaporeuses ou plus nerveuses, quelque part entre Atlanta et Toronto. Mais comme c’est compliqué d’imaginer Doc Gynéco sur un beat de Metro Boomin, on arrêtera là le jeu des comparaisons, convaincus d’avoir affaire à un personnage unique, une sorte de thug épicurien capable de chanter avec une nonchalance sans pareil, qu’il veut « ton gros cul pour le déjeuner » (sur le morceau La Clef). Depuis ce projet H-24 qui a marqué un tournant dans son exposition, on a pu l’entendre également dans une série de featurings remarquables, que ce soit sur ses projets (Damso, Joke…) ou sur ceux des autres. Tombé dans le rap en écoutant 50 Cent et ses catchlines, Hamza en a peut-être tiré son goût immodéré pour la mélodie. Travaillant ses morceaux autour de refrains, il a fait de cette musicalité une compétence imparable, lui permettant de retourner un morceau, un peu à la manière d’un Anderson Paak.

Alors que nous nous retrouvons dans un bureau de la major, le jeune crooner est entouré de deux membres de sa nouvelle équipe de management, ainsi que de Nico Bellagio. Pour les plus attentifs à la jeune carrière du bruxellois, ce nom n’est pas inconnu. Sur Zeus, morceau de la tape Zombie Life, il chantait, en plein trip démiurgique, « ma ville et mon quartier me traitent comme si j’étais Zeus/ Nico Bellagio en forme à ma droite ». Cette fois-ci à sa gauche, il complète les réponses de son ami et associé. DJ sur scène pour Hamza, il est devenu un véritable couteau suisse de Belgique, à la fois réalisateur de clips, producteur, photographe et graphiste. Il a ainsi déjà réalisé plusieurs clips et covers pour Hamza. Depuis la tape H-24, ce dernier a pris tout doucement de l’ampleur. Plus qu’un sparring-partner, il est pour Hamza comme un milieu récupérateur, un Matuidi qui dans l’ombre, distille des ballons d’une propreté impeccable, pour faire briller un peu plus le talent de son attaquant. Un peu comme dans son travail pour le clip de Vibes, à partir d’une simple phrase, « saucegod caliente coach personnel », il a eu cette idée de mettre en scène ce personnage de coach qui, en osmose avec les paroles, prend soin du physique d’une belle naïade.

Un personnage bien dans ses pompes

Le personnage d’Hamza prend de l’épaisseur : au milieu de scénarios mieux travaillés, la sauce gagne en consistance, et donne encore davantage d’impact à sa musique. Le saucegod, surnom donné par le beatmaker Drae Da Skimask dans une conversation avec Nico Bellagio, diversifie sa palette, en montrant un talent d’acteur certain, vêtu d’un polo dessiné spécialement pour l’occasion. Si la demande s’est déjà manifestée sur les réseaux, rien n’a encore été décidé concernant une éventuelle commercialisation du textile. Bellagio a donc pris un rôle de direction artistique plus globale sur ce projet. La conséquence d’une forme de bilan fait par Hamza concernant ses derniers projets, qui n’ont pas suivi la progression espérée, suite à la mise en lumière explosive opérée par H-24. Hamza reconnaît que ses ventes n’ont pas forcément été au rendez-vous, notamment pour Zombie life : « C’est un projet qui n’est pas sorti comme je voulais le sortir. Au final y a peu de gens qui étaient au courant que j’avais sorti ce projet ». Pourtant, au même moment, ses singles étaient relayés par des média aussi prestigieux que Pitchfork, Fader ou OVO Sound radio. Les paradoxes de l’économie du disque en 2017. Forcément, il a alors douté : « Cela m’avait mis un coup sur le moral quand même, mais je me suis dit « vas-y , faut pas lâcher l’affaire ». Et après, je suis arrivé directement avec New Casanova, là ça a repris ». Une tape sortie avec un autre jeune prometteur, le Canadien Ramriddlz.

sur la musique j’ai jamais eu de regrets. C’est plus dans l’image, dans le visuel, où parfois, je me dis que ça aurait pu être mieux

Le deal réalisé avec Warner France devrait favoriser une meilleure promotion de cette nouvelle tape. Le dispositif est celui d’une distribution par Warner donc, après la signature via le label Just Woke up records, entité créée récemment par Hamza et Bellagio. Suite à la parution de trois clips (Godzilla, Destiny’s child puis Vibes), on peut déjà affirmer qu’Hamza est bien au rendez-vous de ses ambitions. Ainsi 1994 se veut être une carte de visite nouvelle, une sorte de projet posant une fois pour toutes les bases de l’artiste Hamza, avant un premier album qui devrait voir le jour en 2018. Moins porté sur le beatmaking de ce nouveau projet, Hamza s’est entouré de valeurs sûres avec qui il a déjà travaillé, tels Ikaz Boi et Myth Syzer, ou encore Ponko et l’équipe de Street Fabulous. Ces derniers ne semblent d’ailleurs pas tout à fait étrangers au rapprochement avec Warner.

Entouré d’une nouvelle équipe, Hamza dégage une certaine maturité pour ses 23 printemps. Il ne se cache pas derrière son manager, et quand ce dernier évoque un travail plus soigné concernant l’image du jeune belge que sur les projets précédents, Hamza tient à préciser, sûr de lui, comme pour dissiper tout risque de malentendu : « A la base la musique je la fais pour moi, parce que je kiffe. Certes y a des musiques qui ont vieilli, mais sur la musique j’ai jamais eu de regrets, c’est plus dans l’image, dans le visuel, où parfois, je me dis que ça aurait pu être mieux ».

De nouveaux ingrédients dans 1994

Cette liberté s’entend plus que jamais sur ce nouveau projet, où il montre sa capacité à brasser des influences musicales variées, toujours avec ce sens de la mélodie qui fait des merveilles. Entre des riddims dancehall, le rap et surtout le chant, il parvient à maintenir la même qualité. La recette n’a pas tellement changée, mais Hamza semble avoir grandi. Avec comme pour seul souci de faire son truc, de suivre sa vibe : « Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui font de la musique pour plaire. Qui ont peur des critiques et qui osent pas faire des choses. Quand j’ai commencé à faire de la musique, je me suis jamais dit : « oh, je dois que rapper, comme ça les gens ils vont me respecter » ou « je dois pas chanter, ça fait… » Pour sa part, c’est visiblement un vrai soutien dont il bénéficie de la part du manager de Drake, Oliver El-Khatib, qui a de nouveau joué Hamza en programmant le single Vibes sur OVO.

La musique ? Je fais que ça, c’est le seul truc que je sais bien faire

Pour réaliser 1994, c’est environ cinquante morceaux qui ont été enregistrés, sans aucun featuring. Les quatorze retenus ont globalement des tonalités plus lumineuses et colorées que sur les projets précédents. Au fil du nouvel album, Hamza parvient aussi à délivrer une écriture plus personnelle. Cela est aussi le cas dans les tonalités, avec par exemple un clin d’œil à un classique de la musique maghrébine qu’on devine derrière une prod’ signée Ponko-Hamza. Le Belge voit grand, fermement décidé à durer dans le game de la musique : « Remplir des grands stades, vendre plein d’albums. Quand tu choisis d’être artiste c’est pour te faire entendre ». A la différence d’autres rappeurs qui prétendent vouloir tout rafler dans le game avant de se barrer, Hamza assume pleinement sa vocation : « C’est un truc que j’ai envie de faire pendant un bon moment, c’est une passion. J’ai pas percé par chance. C’est un truc que j’ai construit, c’est un truc que je kiffe. Je fais que ça, c’est le seul truc que je sais bien faire ».

Sur deux morceaux de 1994, les tonalités dancehall rajoutent un peu de sucre au breuvage. Ses sujets de prédilection restent les bitches et le cash, mais au-delà de ces thèmes, Hamza étend son registre, fendillant un peu son masque d’entertainer, pour nous parler de lui. Mais peut-être s’agit-il là de rien de plus qu’une diversification de son répertoire de jeu, comme un acteur voulant éviter d’être cantonné dans un seul rôle. Ainsi, deux morceaux donnent dans une vibe plus intimiste : les bien nommés Life et 1994. Posés en ouverture et en clôture du projet, comme des jalons. Hamza y évoque ses rêves et son label, Just Woke up records. Au final, Hamza assume clairement son rêve de briller comme une étoile, finissant par se mettre à nu dans le son qui parachève le projet. Avec pudeur, il y évoque sa mère, sa conscience, ses besoins, mais aussi sa solitude. Manière de se livrer un peu plus, et de tisser un lien émotionnel plus profond avec son public. Le résultat fait de 1994 un projet avec de l’étoffe, qu’on n’a pas envie de voir filer.

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