Rap US

Ce jour où… les Beastie Boys sont partis en tournée avec Madonna

Ce jour où… les Beastie Boys sont partis en tournée avec Madonna

Avec la série « Ce jour où… » Booska-P revient sur ces anecdotes de plus ou moins grande importance qui ont marqué l’histoire du rap. Aujourd’hui place à l’une des collaborations les plus improbables des années 80…

Maîtresse dans l’art du renouvellement permanent, après avoir surfé sur les vagues électro-dance et disco dans la première partie des années 2000, Madonna décide à l’approche de son onzième album studio de changer une nouvelle fois son fusil d’épaule en mélangeant pop et hip hop.

Pour ce faire, elle n’hésite pas à mettre les petits plats dans les grands et s’en va débaucher les deux producteurs les plus incontournables du moment : Pharrell Williams des Neptunes et Timbaland.

Sur le papier l’idée ne manque pas de flair, les deux hommes étant encore auréolés du carton mondial de 2006 FutureSex/LoveSounds de Justin Timberlake qui au-delà de ses presque dix millions d’exemplaires écoulés à l’international s’est imposé comme le canon sonore de l’époque – l’objectif étant ici d’un côté comme de l’autre de réitérer ce même exploit.

Et pourtant au final, l’opus intitulé Hard Candy déçoit et la critique et le public qui lui reprochent en chœur de frayer un peu trop artificiellement avec un univers qui n’est pas le sien.

Si l’écoute du disque ne leur donne pas forcément tort, le procès est néanmoins quelque peu injuste puisque sans être une b-girl des plus farouches, la Madone est celle qui en 1985 a donné sa chance à un groupe alors totalement inconnu du grand public avant qu’il ne devienne l’un des plus importants de l’histoire du rap : les Beastie Boys.

[Pour rappel les trois garnements sortiront l’année d’après le certifié Diamant Licensed to Ill et seront un quart de siècle plus tard à la tête d’une discographie des plus quali qui soit.]

Un quiproquo qui fait bien les choses

Suite au succès de ses deux premiers albums, et plus particulièrement du single Like a Virgin, Madonna, 25 ans, est sur le point de lancer sa toute première grande tournée à l’échelle nationale, The Virgin Tour.

Désireuse de faire un clin d’œil à ses origines new-yorkaises et de pimenter son image, elle fait contacter Russell Simmons, le patron de Def Jam Records. Bien que le rap ne soit pas encore une force culturelle à proprement parler, le label commence sérieusement à faire parler de lui, notamment après avoir réussi à écouler plus d’un million de copies de l’album Radio de LL Cool J, du jamais-vu.

Souhaitant initialement s’adjoindre les services des Fat Boys dont les deux premiers albums avaient plutôt très bien marché dans les charts, le management de la chanteuse se voit au regret d’apprendre qu’ils ne sont absolument pas représentés par Simmons.

Pas tombé de la dernière pluie, ce dernier profite de l’occasion pour leur proposer les Run DMC en solution remplacement. Jugés trop chers, la maison de disques opte alors pour les Beastie Boys, et ce d’autant plus qu’ils connaissent un peu Madonna pour l’avoir plusieurs fois croisée au Danceteria, un célèbre club branchouille de Manhattan où se côtoyait toute la scène artistique de la Grosse Pomme.

Et voilà comment Mike D, MCA et Ad-Rock se sont retrouvés contre toute attente à faire la tournée des stades une trentaine de dates durant avec, non pas l’icône hyper sexuée des années 90, mais avec l’idole des adolescentes interprète de gentilles bluettes et d’hymne à la joie des vacances.

« La pire des idées »

Question contraste, difficile en effet de faire plus marqué : tandis que les fans de la Material Girl se rendent à ses concerts accompagnés par des parents qui leur tiennent la main, nos trois garnements se font sur scène les ambassadeurs de la mauvaise blague et d’une vie de débauche.

S’ils n’en sont pas encore à arroser des strip-teaseuses avec de la bière et exhiber des pénis gonflables comme ils en prendront l’habitude par la suite, leurs performances en ouverture font grincer pas mal de dents.

Le producteur et tête pensante de Def Jam Rick Rubin qui s’était porté volontaire pour être DJ à leurs côtés se rappellent d’ailleurs « ô combien les parents étaient horrifiés ». Même son de cloche chez Bill Adler, publiciste du label : « Les mecs s’agrippaient l’entrejambe et juraient à tout-va. S’en était choquant tellement c’était déplacé, 90% de la foule était composée de douze ans d’âge habillées de serre-têtes ! »

C’est ainsi que très vite la trentaine de minutes qui leur est allouée tourne au parcours du combattant, le groupe se faisant à chaque ville hué à l’unisson par une quinzaine de milliers de personnes – et prenant à l’occasion quelques cannettes sur la tête.

Pas décontenancés pour autant, ils déclarent à propos des fans de Madonna « les détester autant qu’ils les détestent ».

À deux doigts de se faire virer, ils ne doivent leur maintien qu’à la star qui insistera jusqu’au bout pour les garder, accentuant encore un peu plus la perplexité d’Ad-Rock.

« Je ne sais pas pourquoi elle a pensé que ce serait une bonne idée. C’était la pire des idées. Mais bon, c’était cool pour elle d’une certaine façon, nous étions si mauvais que lorsqu’elle arrivait sur scène tout le monde était ravi de la voir. »

La colonie de vacances

Il faut dire que dans les coulisses tout ce petit monde s’entendait plutôt très bien, Madonna appréciant tout particulièrement le côté rien à foutre de rien du trio.

« C’étaient des bad boys, le public les sifflait dès qu’ils pointaient le bout de leurs nez et eux leur répondaient d’aller se faire foutre. Je les adorais pour ça ». Et d’ajouter : « Je ne comprenais pas pourquoi ils suscitaient autant de haine, ils étaient mignons. »

Dans le genre barrée, la chanteuse n’était pas mal non plus, elle qui non-contente d’être de l’aveu des trois garçons « aussi folle que bizarre et sauvage » se trimballait avec un gun à la ville.

Tout cela sans oublier comme elle l’a révélé en 2015, qu’elle et Ad-Rock se galochaient gentiment dans la salle de bains à leurs heures perdues.

Preuve de cette bonne ambiance, lors de la dernière date du Virgin Tour, le 11 juin 1985 au Madison Square Garden de New York, les Beastie Boys ont surgi sur scène à la fin du concert pour asperger ladite Virgin avec des pistolets à eau.

Si les chemins qu’emprunteront ensuite leurs carrières respectives les éloigneront pour de bon les uns des autres, chacun gardera un doux souvenir de cette parenthèse, Madonna tweetant encore récemment à quel point cette rencontre avait participé à « construire son ADN musical ».

R.E.P. Adam Yauch.

À LIRE AUSSI 
Que sont devenues les légendes du rap des années 70 et 80 ?

Retrouvez tous les articles de la série « Ce jour où… » en cliquant ici.

Top articles

Dossiers

VOIR TOUT

À lire aussi

VOIR TOUT