Si aujourd’hui, les playlists sur les plateformes de streaming régissent nettement les carcans de la musique actuelle en triant les genres et les atmosphères, auparavant les compilations s’en chargeaient. Lorsque que l’industrie du disque baignait dans son âge d’or, les compilations faisaient la météo des musiques populaires.
Retour à l’été 2004
Canicule sur le hip-hop, la France et ses quartiers chantent les mêmes refrains et dansent sur les mêmes airs durant l’été 2004. Un mélange entre le Raï, le R’n’B, le rap et les genres populaires écoutés par les diasporas nord-africaines et subsahariennes. Les chimistes s’appellent Kore et Skalp, et la potion Raï’n’B Fever explose.
L’ère de Raï’n’B Fever : l’incontournable des années 2000
Retour vingt ans en arrière, lorsqu’un nouveau genre musical fait son apparition dans l’Hexagone. Une fusion inédite entre le Raï et le R’n’B, la musique populaire algérienne rencontre le style dominant américain en Europe. L’objectif est clair : moderniser le Raï en y intégrant des sonorités propres au R’n’B et au Hip-Hop, mais aussi réunir des artistes de différents horizons pour créer une symbiose musicale unique. C’est dans ce contexte que le projet Raï’n’B Fever voit le jour, initié par les producteurs Kore et Skalp. Le premier volume de la série de compilations, sorti le 21 juin 2004, obtient un succès immédiat. Trois nouvelles éditions suivront jusqu’en 2011.
Quand le Raï et le Hip-Hop fusionnent avec brio : une pop réinventée
Un casting XXL et des titres phares font de Raï’n’B Fever un véritable phénomène pendant la dernière décennie. Des figures emblématiques du Raï et de la musique ivoirienne sont conviées sur la tracklist : Cheb Khaled, Faudel, Cheb Bilal, Magic System. Ces derniers se mélangent facilement avec Amine, Leslie, 113, Rohff et La Fouine. Cela a permis de créer des titres accrocheurs, séduisant un large public, des amateurs de Raï aux fans de R’n’B. Des singles comme Sobri (notre destin), Un gaou à Oran ou Mon Bled deviennent alors des hymnes pour toute une génération, marquant profondément la scène musicale française.
Un impact sans précédent pour un héritage important
Raï’n’B Fever a toujours célébré, réuni et fédéré. Ces compilations n’ont pas seulement fait danser toute une génération pendant une décennie, bien au contraire. Elles n’ont cessé de faire des ponts entre les âges et les cultures. Même en 2024, on entend encore du Raï’n’B Fever aux mariages et aux barbecues de quartier. Les enfants comme les anciens chantent à tue-tête ces titres qui ont bercé des moments de vie et de fêtes collectives.
La série de compilations s’inscrit naturellement dans un travail de transmission et d’archives musicales où tradition et modernité peuvent coexister et se renforcer mutuellement. Les codes des genres sont préservés, tout en introduisant des éléments d’actualités, ce qui a clairement contribué à populariser le Raï auprès d’un public plus jeune et plus diversifié. Les instruments traditionnels du genre, comme le bendir et le ney, se mêlent aux synthétiseurs et aux boîtes à rythmes caractéristiques du R’n’B, créant une texture sonore riche et innovante.
Une œuvre parfois méprisée
Malgré le succès populaire incontesté des compilations, le projet n’échappe pas aux critiques, parfois gratuites, qui vont jusqu’au mépris culturel. Un manque de reconnaissance sur lequel Kore est revenu, en mai 2021, lors de La Vraie Interview sur Booska-P. « On a sold-out Bercy avec un gros plateau de 40 artistes. Ce n’est pas pour l’oseille que tu le fais. Tu le fais pour que la chambre d’écho soit plus balèze, et tu te dis que tout le monde va en parler. Passé l’adrénaline du samedi soir, tu t’aperçois que personne ne relaie. Il n’y a rien qui se passe. Le dimanche, il n’y a rien qui se passe. Le lundi, il n’y a rien qui se passe. Personne n’en parle. Et franchement, j’ai fait un rejet après, tu vois. Je me suis dit “ah ouais, en fait, ici, c’est trop.” Ici, c’est que les faits divers et les embrouilles », expliquait Djamel Fezari de son vrai nom.
Malgré tout, le projet a su s’imposer en reflétant les aspirations et les influences d’une époque. Le travail de Kore et Skalp, bien que controversé, a laissé une empreinte durable sur le paysage musical, prouvant que l’innovation et le respect des traditions peuvent aller de pair.
Raï’n’B Fever 5 : un nouveau volume très attendu
Kore et l’artiste belge Hamza préparent actuellement le terrain pour le retour du projet mythique, 20 ans après la sortie du premier opus.
Raï’n’B Fever reste un exemple marquant de la manière dont la musique peut évoluer et se réinventer. Plus qu’une simple série de compilations, c’est un phénomène culturel qui a traversé les frontières musicales et temporelles avec succès. Aujourd’hui encore, l’esprit Raï’n’B Fever continue de résonner sur les ondes et dans les soirées, témoignant de l’impact de cette fusion audacieuse.
