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Le streaming : la nouvelle disquette du Rap Français ? [DOSSIER]

Le streaming : la nouvelle disquette du Rap Français ? [DOSSIER]

Les ventes sont en chute libre en attendant l’arrivée du streaming. Les rappeurs préparent le terrain en cherchant de nouveaxu modèles économiques…

« J’suis pas ton cœur de cible ni dans ta playlist, alors j’t’arrache les fils de ton Streaming / Depuis que la zik s’écoute que sur les sites bientôt ton boss s’appelle Fif Tobossi #Oups »ainsi Médine résume la situation de l’industrie du disque dans son EP digital Démineur. La musique ne s’achète plus, elle s’écoute ! Le streaming est rentré dans nos habitudes de consommation, non sans conséquence. Que veulent encore dire les ventes de disque à l’heure du tout numérique ? Comment le rap compte-t-il s’adapter ?

Le disque est mort, vive le streaming !

Depuis des décennies la musique s’achète sur des supports physiques, il a fallu attendre l’iPod d’Apple pour qu’elle devienne virtuelle. 10 ans plus tard, c’est l’achat qui s’apprête à disparaitre. Internet a modifié les habitudes de consommation, ce n’est plus la possession qui compte, mais l’accès (« on n’achète plus une voiture, on va sur Blablacar ; on n’achète plus une maison secondaire, on a Air’Bnb ») et la musique n’échappe pas à ce changement. Aujourd’hui il est possible d’accéder à des millions de titres pour le prix d’un CD par mois (ou pour moins si on accepte de vendre son « espace de cerveau disponible »). La fin d’une industrie ? Non ! Enfin pas à terme, Pascal Nègre (le patron d’Universal) confie dans un livre paru cette année que si 20% de la population française (soit 12 millions de personnes) prenait un abonnement streaming, l’industrie du disque renouerait avec les chiffres d’avant-crise !! D’avant crise, cette époque bénie où l’argent coulait à flot et que le disque d’or valait 100.000 albums.

Présentement la France compte 2-3 millions d’abonnés au streaming, mais la marche est enclenchée. Les plus jeunes sont habitués à consommer leur musique sur YouTube ou Spotify, l’achat de CD parait presque désuet. Le rap français avec son public particulièrement jeune sera le premier à éprouver ce changement de modèle économique et nul doute que toute l’industrie l’observe avec attention. En Suède, pays d’origine de Spotify, la part d’abonnés chez les jeunes atteint 75% de la population ! Mais cela pose une autre question, peut-on encore parler de ventes quand celles-ci sont en train de disparaitre ? La sortie d’Apple Music alors qu’iTunes représente la grande majorité des ventes digitales va précipiter leur chute. Un changement que les rappeurs ont bien compris.

« Décevant comme ton entrée au top’zer… »

Booba en début d’année sortait son septième album solo avec un buzz incroyable (interview polémique chez les Inrocks, morceau iconique comme Tony Sosa,..) pour finir par ne pas atteindre le disque de platine. Peut-on dire que Booba était deux fois moins attendu que pour son album Futur ? Non, il est toujours aussi influent, chacun de ses clips attire les clics et ses posts déclenchent les polémiques. Il s’explique lui-même en interview pour le magazine La Loupe en expliquant que le CD ne sert à rien, que la musique se consomme gratuitement sur internet. La mixtape de Niska écoulée à 8 000 exemplaires en première semaine en est l’exemple parfait : un chiffre ridicule par rapport à ses millions de vues, mais qui ne l’empêche pas de se placer premier sur le streaming. Une autre forme de réussite encore peu valorisée par les auditeurs.

Devenu viral, le clip PSG de Niska a très largement contribué à sa renommée.

Le CD est la partie visible du modèle économique des rappeurs, les projets leur permettent d’avoir une actualité qui va entrainer des vues, des ventes de T-Shirts, des rotations radio pour les plus chanceux, des tournées, des showcases et quelques ventes de CD. En attendant le retour d’une rémunération suffisante des albums, lors de l’adoption massive du streaming, ce qui compte désormais est la visibilité. C’est pour cette raison que certains rappeurs privilégient YouTube à Deezer/Spotify alors que la monétisation y est 8 fois inférieure, mais une vidéo YouTube va toucher un plus large public. Pour le moment les rappeurs continuent de miser sur la vente d’albums, mais nul doute qu’avec la chute des ventes et l’accélération des sorties (« un projet tous les 6 mois sinon on t’oublie » dit Alonzo) nous verrons apparaitre des mixtapes gratuites comme chez les cainris : comptant exclusivement sur la visibilité et le streaming pour générer de l’argent. De là à voir un impact sur la contenu il n’y a qu’un pas.

En attendant que les chiffres du streaming soient pris en compte dans les charts (en cours d’adoption) seuls quelques rappeurs touchant un public plus féminin ou type ménagères (salut Gims!) n’auront pas à rougir de leurs ventes. Le public se focalise sur un mauvais indicateur faute de mieux (et les rappeurs ont fait l’erreur de médiatiser cet indicateur). La musique a changé nous sommes à un âge de l’accès, l’achat ne sert plus à écouter un album mais à soutenir un artiste. Pensez-y quand vous irez sur YouTube écouter le « prochain rappeur à la mode ».

Sources : Âge de l’accès : La menace fantôme : Les industries culturelles face au numérique par Emmanuel Durand. / Interview Pascal Nègre : Benjamin Petrover : Ils ont tués mon disque / « Spotify compte plus de 650.000 abonnés payants en France », Les échos. / Streaming dans les tops : https://www.ozap.com/actu/les-charts-francais-vont-integrer-le-streaming/455058

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