Actualités Musique

Kpoint, un artiste au croisement de deux mondes [PORTRAIT]

Kpoint, un artiste au croisement de deux mondes [PORTRAIT]

Rendez-vous avec un artiste inclassable accompagné de son Trap’N’Roll qui régénère le genre…

Crédits photos : Antoine Ott

Au rayon des artistes inclassables, un grand bonhomme venu du 91 a réussi à se faire un nom. Kpoint, armé de sa guitare, a dévoilé le vendredi 24 novembre 2017 son projet Trap’N’Roll. Un mix d’influences, cocktail de vécu et de nostalgie, qui présente le jeune homme sous son meilleur jour. Capable de faire le pont entre les cultures avec classe et talent, il a donné rendez-vous à Booska-P au nord de la capitale pour un entretien placé sous le signe du mélange des genres.

À LIRE AUSSI 
Kpoint est dans le « Trap n' Roll » ! [VIDEOCLIP]

La musique comme un dialogue face au miroir

A l’heure où les rappeurs débarquent avec une multitude de projets et de mixtapes, Kpoint a décidé de prendre son temps. La durée de son album ? Un peu plus d’une heure. De quoi jouer la carte de l’analyse en profondeur face au miroir le temps de 17 morceaux. Dans cette époque en mode « Fast Food« , Trap’N’Roll fait figure de livre ouvert : « En fait, ce projet, c’est comme un journal intime. J’ai fait les choses au maximum pour exister dans ce disque, et pas passer par les médias ou autre chose pour déclarer que j’étais quelqu’un. Je l’ai fait avec ma manière de m’exprimer, en disant des choses sur ma personnalité, comment je voyais la vie« .

Tu entends le rappeur, mais tu ne te demandes pas forcément tout ce qu’il y a derrière

Car avant d’arriver à maturité, Kpoint avait déjà bossé sur deux autres disques. Un projet collaboratif avec Raiders (lui aussi originaire du 91) et un second, en solitaire, nommé Empire. Ici, c’est sous différentes casquettes qu’il a travaillé, proposant un projet long et plein de sens, à même de le décrire au mieux : « J’essaye d’être au maximum compositeur ou co-compositeur. J’aime bien concilier les disciplines, être auteur, compositeur et interprète. Cela te permet d’être entier. Ici, j’ai bossé avec cinq beatmakers, on est une équipe« .

Quand on lui dégaine une vieille phrase de Booba balancée lors d’une interview –ma musique, c’est comme un dialogue avec moi-même-, il acquiesce dans un sourire : « Tu ne vas jamais parler à toi-même comme ça, dans ton propre veau-cer, il n’y a pas de conversation possible (rires) ! Donc quand tu réécoutes ce que tu poses sur la feuille, ça te fait prendre aussi conscience de ce que t’es. Moi ça m’a permis de me retrouver, de savoir qui j’étais vraiment, c’est quand même un dialogue« .

Se trouver lui-même, voilà son défi : « On est toujours lancé dans une recherche avec soi-même. Dernièrement, j’ai essayé de mélanger tout ce que je savais faire, ça donne des trucs inattendus. Toi tu entends le rappeur en mode ‘ah ouais il rappe fort’, mais tu ne te demandes pas forcément tout ce qu’il y a derrière« . Un challenge relevé grâce à un savoir-faire personnel, notamment issu de son père, nous y reviendrons.

Assumer son personnage

Arriver avec un projet nommé Trap’N’Roll, voilà qui a de quoi étonner à première vue. Pourtant, il s’agit bien de rap et pas d’un ersatz de musique urbaine. S’il est aujourd’hui équipé d’une guitare, Kpoint a navigué entre plusieurs univers, les deux bien ancrés dans le bitume : « Avant j’étais vraiment rap. Au quartier, je faisais des street-clips, j’étais à fond là-dedans. Pourtant, plus petit, j’aimais la musique au sens large, je jouais de la guitare, etc. C’est une fois arrivé au terme de ce délire que je me suis mis à tout mixer : le rap, la guitare, poser ma voix, etc« .

J’ai réussi à faire cohabiter les différents univers dans lesquels j’étais : la guitare et l’esprit rap

Il prend soin de nous notifier que tout cela « est venu petit à petit, car la vie est tout simplement faite d’une suite d’expériences« . Car avant de proposer son cocktail final, il aura pris en pleine face Salif à l’âge de 17 ans. Un mec qui lui a donné envie de rapper, bien plus que les grands de son quartier. Aujourd’hui, il affirme « se retrouver » : « J’ai déjà donné une partie de moi qui était complètement street, mais là, je me suis vraiment ouvert en mettant en avant un côté plus personnel. C’est un truc que tu retrouves avec mon instrument de musique. Au niveau du discours, j’ai aussi essayé de plus m’ouvrir« .

Ainsi, s’il s’est penché sur les Prisonniers du globe dans un des clips extraits de son album, notre rappeur n’est prisonnier de rien et surtout pas d’un genre musical : « Le but ultime pour un artiste, c’est arriver à dégager tout ce qu’il a. Si tu restes bloqué dans un simple délire, ce n’est pas bon, il faut mixer nos influences« . Un mantra que l’on retrouve aujourd’hui dans l’afro trap, un style qu’il affectionne et qu’il juge comme quelque chose de « génial » : « Les mecs croisent leurs origines avec ce qu’ils vivent aujourd’hui, c’est ça la musique, c’est un mélange« .

Aujourd’hui loin des comparaisons pompeuses de ses débuts, KPoint affirme son personnage. Débarassé de son étiquette de Young Thug hexagonal, surtout dûe à son physique longiligne, il fait parler sa musique en son nom propre avec une envie, celle d’aller plus loin : « C’est vrai qu’il y a une évolution par rapport au début. J’ai réussi à faire cohabiter les différents univers dans lesquels j’évoluais« .

La figure du père

La guitare, un instrument qui n’a pas forcément sa place dans la panoplie du rappeur. Pourtant, KPoint en a fait son arme favorite, un élément qui mâtine une bonne partie de ses sons et qui donne le ton d’un album résolument différent. Un héritage de son père, comme il nous l’explique : « Avec sa guitare, il m’a toujours impressionné. Je le voyais avec et je me disais ‘ah ouais c’est lourd' ». Il m’a appris à en jouer et j’ai forcément voulu aller beaucoup plus loin. J’ai eu des bases et ensuite j’ai cherché par moi-même. Ce que je voulais, c’était créer des mélodies tout de suite« .

je tiens avant tout à laisser parler ma musique, c’est la meilleure des cartes de visite

Bercé par les emblématiques Beatles ou encore Jimi Hendrix, Kpoint s’est construit avec ses propres codes. Qu’importe le quartier, la guitare a donc toujours été présente. Son paternel, musicien lui aussi, va dans ce sens et soutient son fils. Une chose rare d’après l’artiste, qui tient à mettre en évidence le paradoxe : « Des fois le rap c’est trash et les parents ne soutiennent pas forcément. Eux, ils ont vécu au bled, nos codes, ils ne les connaissent pas, c’est normal. Mon père m’explique sa manière de voir les choses et c’est un truc de fou ».

Pour les entretiens avec les médias, c’est justement son père qui le drive, le pousse à se confier : « Au début c’était pas mon truc, mais le daron m’a dit comment faire, il me conseille. C’est lui qui m’a tout appris. J’ai même fait des interviews avec lui (rires)« . Il enchaîne en apportant une précision : « En fait, je tiens avant tout à laisser parler ma musique, c’est la meilleure des cartes de visite. Comme dans le football, si le mec raconte sa vie, mais qu’il ne fait rien sur le terrain, tout le monde s’en fout. Bon après, le foot j’aime ça, mais sur la pelouse, je suis une merguez (rires)« .

De quoi laisser au public le soin de découvrir encore mieux le personnage dans son Trap’N’Roll. Un Kpoint qui met les choses au clair dès le premier titre de son projet, le très réussi Simuler : « Je sais je suis dans mon del, plus trop dans les soirées mondaines / Je connais la guerre, l’art de mon paternel« . Une belle manière de faire les présentations pour celui que Booska-P avait notamment placé dans sa liste des rappeurs à suivre

Top articles

Dossiers

VOIR TOUT

À lire aussi

VOIR TOUT