» Pour ceux qui bougent […] Pour nos soeurs qui seront les mères de demain/Wesh, wesh cousin, Mafia k’1 k’1/Pour tous les Kahlouches, les Arlbouches, les Manouches aux regards louches/ […] Pour les cas sociaux qui font de fautes sur les murs, qu’ont des lacunes/Pour les Touaregs, les pirates du bitume « Rohff entre avec fracas sur une instru signée Jakus, et plante le décor de six minutes de rap brut. Six minutes de plongée en apné dans le monde de la Mafia K1 Fry, sans masque ni tuba. Six minutes de pitbulls, de motos en roue arrière, de mamans qui rentrent des courses, de barres HLM, de visages balafrés, de bagarres. Bref, six minutes d’images tournées par le collectif Kourtrajmé dans l’axe Orly, Choisy, Vitry, Joinville, fiefs du crew le plus emblématique du 94.
« élevés au riz au couscous au coups d’ceinture »
Le son et l’image sont totalement indissociables dans le cas de « Pour ceux ». Le morceau en lui même ne présente rien d’extraordinaire, mais son clip lui donne une dimension tout autre, dont Rim’k du 113 est d’ailleurs parfaitement conscient. » Ce clip, c’est avant tout celui qui a révolutionné le rap français à un moment donné. C’est la première fois qu’on filmait le quartier de manière aussi réelle. C’est tourné au quartier, quand il est agité. » Agité est un terme juste effectivement, pas de répis dans ce clip ni dans le morceau d’ailleurs.
Karlito assène un « lève ton majeur bien haut si tu m’sens venir« et des dizaines de jeunes exaucent immédiatement son voeu. Rim’k parle de ceux « qui ont un fusil qui peut t’faire valser un sanglier » assis sur le toit d’une voiture, en plein milieu de sa cité, avec tous les jeunes du coin hurlant à ses cotés. Puis Ogb met des coup de poings et des coups de kebab en direct de la cuisine du grec, Rohff dédicace ceux « élevés au riz au couscous au coups d’ceinture » et brandit la sienne avant d’en placer une toute en finesse aux « pucelles, celles qui puent pas d’la chatte, des aisselles« . Et ça continue comme ça, avec les CBR de Dry, « les mecs pas trop nets » d’AP, les gangbangs de Manu Key et les pitbulls énervés de Demon One.
Aucun répis pendant ces six minutes pleines de spontanéité!
Aucun répis pendant ces six minutes pleines de spontanéité. Le clip ne semble pas avoir réellement de ligne directrice et c’est ça qui le rend si réussi peut être. Rim’k nous explique un peu le tournage. » C’est un minimum scénarisé dans le sens où chacun a un endroit pour ses playbacks personnels, mais après, tout le reste du clip c’est de l’impro. On donnait des rendez vous à l’arrache et les gens du quartier venaient participer. « Il n’y avait d’ailleurs pas que les riverains dans les parages! « On n’a rarement vu autant de keufs dans le quartier nous raconte Rim’k, ils l’ont encerclé. C’est vraiment un jour mémorable ».
Il s’agit d’un son ghetto et d’un clip sans effets spéciaux…
Mais si « Pour ceux » marque autant les esprits, ce n’est pas simplement parce qu’il s’agit d’un son ghetto et d’un clip sans effets spéciaux.C’est également dû au fait que c’est surement le morceau le plus représentatif de l’esprit Mafia K1 Fry. Revenons brièvement sur l’enregistrement de l’opus « La cerise sur le ghetto« , en 2003. » On était tous ensemble pour l’album. Il y avait vraiment une ambiance de malade, ça écrivait dans tous les sens. Et vraiment le morceau a une alchimie. C’est pas un truc où chacun posait de son côté. Loin de là.«
L’instru quant à elle, a fait l’unanimité au sein du collectif et sitôt qu’elle a été écoutée, le thème était trouvé, et l’enregistrement pouvait commencer. « Ca s’est fait très spontanément, vraiment, la prod tournait et on a commencé directement à poser dessus, et c’est là qu’est venue l’idée de faire ce morceau là, se souvient le rappeur du 113. C’est la prod qui nous a entrainés, influencés. C’est après l’avoir écoutée qu’on s’est dit qu’on allait parler de ça et faire ce morceau là. » Grand bien leur en a fait. Au final on se trouve avec un morceau et un clip emblématique, pour le plaisir des oreilles et des yeux.
