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Le rap français, la nouvelle arme fatale des marques ! [DOSSIER]

Le rap français, la nouvelle arme fatale des marques ! [DOSSIER]

Longtemps mal-aimés, les rappeurs français prennent enfin leur revanche sur le monde de la mode !

Alonzo x Puma, Moha La Squale x Lacoste, S.pri Noir x adidas… On ne compte plus les collaborations entre les marques et les rappeurs français. Une convergence inattendue et longtemps perçue comme impossible. Comment et pourquoi ces deux univers ont-ils fini par s’entendre et s’appréhender mutuellement ? Stratégie marketing ou véritable considération réciproque ? Comment le rappeur français est-il devenu influenceur ? On vous explique.

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Si outre-atlantique le rap a très tôt accordé une place de choix à la mode et aux marques, Run-DMC dédicace d’ailleurs l’un de ses titres à adidas dans son troisième album sorti en 1986, ce phénomène culturel tarde à venir en France. Longtemps, les rappeurs de la scène française ont mis la priorité sur leur style musical plus que sur leur style vestimentaire. Sobre, leur look n’a pas souvent constitué de réelle prise de risque et quand des groupes comme Ärsenik ont affiché leur affection pour la marque au crocodile, Lacoste n’y a vu là aucune flatterie. Durant de nombreuses années le rap a souffert (et souffre encore aujourd’hui ?) d’une image négative en France. Perçu comme violent et considéré comme de la musique de « racailles », les marques sont longtemps restées frileuses de tout amalgame avec ce genre musical, qu’elles considèrent souvent trop éloigné des valeurs qu’elles veulent prôner. Un amour impossible entre ces deux univers bousculés, ces dernières années, par un vent venu directement des Etats-Unis.

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La rue devient fashion

L’émergence de rappeurs américains comme Kanye West ou Pharrell Williams qui, accordent un intérêt tout particulier à leur apparence et tentent d’innover stylistiquement, marque un vrai tournant dans les relations rap/mode aux États-Unis. Grâce à ces personnalités musicales, les rappeurs américains se détachent d’une image excentrique et dite « bling-bling ». Ils tendent vers le raffinement et une réelle réflexion stylistique. Le rappeur devient créatif et porté sur l’esthétisme. Une évolution qui attise alors la curiosité des marques de streetwear. Les collaborations entre rap et mode se dessinent alors : c’est le début d’une révolution. De Louis Vuitton à Dior, en passant par Nike ou adidas, la scène rap US se confond dès lors avec la fashion sphère. De la collaboration autour d’une paire de baskets au lancement d’une ligne de vêtements, les marques ne sont plus réfractaires à l’idée de travailler avec les rappeurs américains et font enfin confiance à leur créativité.

L’intérêt de plus en plus poussé des rappeurs US pour le style et la mode finit par inspirer la scène française. Les rappeurs français s’appliquent à se différencier par des looks travaillés, assument et osent afficher leurs goûts vestimentaires. Leurs looks font alors office de carte d’identité et leurs permettent de se singulariser dans un rap game qui s’agrandit de jour en jour. Les rappeurs français s’éloignent à leur tour des clichés qui leur collent jusqu’alors à la peau : ils osent la couleur, les motifs et combinent sans aucun mal marque de luxe et de streetwear. Ce qui ne passe pas inaperçu auprès des marques en question.

Le rap, musique numéro 1

Mais le véritable tournant qui a donné naissance à la vague de collaborations entre les marques streetwear et les rappeurs français réside principalement dans le fait que le rap est devenu, ces dernières années extrêmement populaire. Ce style musical rassemble aujourd’hui des milliers de fans à travers l’hexagone. Le rap est partout : il domine les ventes de disques, mais surtout le rap rassemble des milliers de fans sur les réseaux sociaux à travers les comptes des rappeurs. Alonzo en partenariat à l’heure actuelle avec la marque Puma nous explique : « Je pense que les marques collaborent avec nous parce que nous sommes la musique la plus écoutée. Leurs enfants écoutent notre musique. Et sincèrement, ces collaborations sont intéressantes des deux côtés, elles arrangent tout le monde. » En choisissant de travailler en collaboration avec un rappeur et au lendemain de l’avènement des réseaux sociaux, les marques mesurent le potentiel de visibilité lié au rap. Elles sont intéressées par la faculté d’amplification que représentent les réseaux sociaux des artistes, une promotion à l’impact plus élevé qu’une simple publicité TV ou papier.

Je pense que les marques collaborent avec nous parce que nous sommes la musique la plus écoutée.

Selon Marine Oudinot, responsable des partenariats chez Warner, il y a bien évidemment une volonté marketing. L’objectif étant de recouper les audiences et d’y trouver un intérêt mutuel. Elle nous explique avoir constaté en une année, un engouement grandissant des marques vis à vis des artistes dont elle s’occupe. Elle travaille aujourd’hui à démontrer à ces grosses firmes, l’avantage qu’elles peuvent trouver à collaborer avec des rappeurs : « En tant que maison de disques, nous avons les éléments permettant de cartographier les Fanbases de nos artistes. Nous pouvons donc faire un bilan du marché aux marques et les amener à se projeter et à comprendre l’intérêt grandissant qu’il existe à collaborer avec ces artistes. Aujourd’hui, on a une multitude de choix et une multitude d’axes de communication en choisissant d’endorser tel ou tel artiste. Le rap se diversifie et des artistes comme Lomepal ou Roméo Elvis, au côté plus consensuel, permettent un certain pont entre le rap et les marques les plus frileuses à s’engager dans ce type de partenariat. Il y en a pour tous les goûts.« 

Les rappeurs d’influence

Aujourd’hui, les marques les plus réticentes à ces crossovers se lancent à leur tour dans les collaborations, à l’image de Lacoste qui n’a jamais accepté jusque là d’être associé à la « rue ». En 2018, la marque au crocodile annonce une collaboration avec l’artiste Moha La Squale qui se concrétise par la réalisation de trois ensembles textiles que l’artiste a pu faire découvrir à ses fans lors de son Olympia, en octobre dernier. Cette collaboration entre Lacoste et Moha La squale est une suite logique selon Marine Oudinot, en charge des relations entre le rappeur et la marque : « Lacoste a compris et pris conscience de l’évolution du marché et de la nouvelle clientèle séduite par leur enseigne, ils attendaient simplement de trouver l’artiste en totale cohésion avec les valeurs de la marque. Aujourd’hui, Lacoste ne regrette pas ce choix de partenariat. Ils ont été surpris par l’ampleur médiatique qu’a prise cette collaboration. De belles choses sont encore à venir.« 

Il y a quelques années, vous vous moquiez de nous et aujourd’hui tout le monde s’habille comme nous.

Les marques trouvent dans ces partenariats une nouvelle forme de stratégie marketing. En collaborant avec un artiste issu de la scène rap, une marque peut affirmer la connexion qui existe entre son public et ses valeurs, rajeunir son image ou encore s’approprier l’image d’un artiste. Selon Galo Diallo, fondateur de l’Equipe Smile en charge du développement d’influenceurs comme Just Riadh ou encore Observateur Ebene : « Il existe plusieurs objectifs au fait de collaborer avec une marque. Certaine marque ne cherche pas la performance, mais l’image. S.pri Noir a été choisi par adidas en 2017 non pas pour ses chiffres de ventes, mais pour son charisme, sa « hype« . Les plus grandes marques ont tendance à choisir les artistes en se basant non pas sur le nombre d’albums qu’ils ont vendu, mais le charisme véhiculé par l’artiste. » Un fait que l’on peut comprendre et constater en analysant l’une des dernières collaborations du géant Nike avec le rappeur belge « Hamza« . Si le rappeur n’est pas à ce jour en tête des ventes vis-à-vis avec musique, il arbore un style et une allure unique. C’est ce charisme naturel qui a séduit l’enseigne et donné naissance à l’ensemble Nike Tech Pack paru l’été dernier.

De nouvelles perspectives d’avenir

De son côté, le rappeur Alonzo est devenu égérie Puma sporstyle depuis 2018. Une fierté pour celui qui se décrit comme un véritable passionné de mode depuis son plus jeune âge. Après avoir collaboré avec l’enseigne au félin autour de la paire RS-X et d’une chaussure inédite de Thunder personnalisée par ses soins, Alonzo rêve aujourd’hui d’une ligne complète « Puma x Alonzo ». Selon le rappeur ancien membre des Psy 4 de la rime, « Tu peux vendre trois fois plus de disques qu’Alonzo, ce n’est pas pour autant que tu auras l’influence d’Alonzo au niveau de la mode. On est beaucoup à gravité autour du rap, mais je ne pense pas que tout le monde ait un style particulier, un style qui saute aux yeux. Je pense que c’est ça qui a motivé Puma a travaillé avec moi. Ils ont beau avoir des ambassadeurs comme Selena Gomez qui au niveau international sont des monstres, mais ils ont constaté qu’en France, j’ai un impact plus important. C’est beau et ça me fait plaisir !« . Le rappeur estime aujourd’hui prendre sa revanche en collaborant avec Puma et fait un pied de nez à ce monde de la mode qui a longtemps craint d’être associé à l’univers du rap et de la street : « Il y a quelques années, vous vous moquiez de nous, vous nous preniez pour des clowns et maintenant tout le monde s’habille comme nous.« 

Je me suis toujours dit que cet argent que je dépensais depuis des années à m’acheter des sapes, ça finirait par payer…

Aujourd’hui, si les marques streetwear s’associent plus aisément aux rappeurs français (adidas x Affranchis; Mister V x Asics…), il est encore difficile d’imaginer des collaborations entre le monde du luxe et les acteurs du rap game français. Alonzo nous confie :  » Je me suis toujours dit que cet argent que je dépensais depuis des années à m’acheter des sapes, tout au tard, ça finirait par payer… Ca commence et je suis content ! Les résultats de cette collaboration avec Puma ont été excellent. En 2019, il y aura encore beaucoup de belle choses ! Mais moi je veux être comme un Virgil Abloh, un Kanye, c’est-à-dire : être dans la création. En toute honnêteté, je rêverai de collaborer avec une marque comme Balenciaga, je les trouve vraiment pas mal.« 

On constate outre-atlantique une volonté grandissante des marques de luxe de se rapprocher du streetwear, la collaboration récente entre Travis Scott et la maison Yves Saint Laurent en est la preuve. Peut-on espérer le même phénomène avec notre scène française? Marie Oudinot nous a confié que « la haute-couture commence à tendre l’oreille, les marques commencent à m’interroger, me tourner autour, il se passe quelque chose…« . Affaire à suivre…

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