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Les playlists ont-elles révolutionné l’industrie musicale ?

Les playlists ont-elles révolutionné l’industrie musicale ?

De Spotify à L’Olympia, il n’y a désormais plus qu’un pas…

En 2018, plus de la moitié des ventes de musique en France sont réalisées en streaming, contre 11% en 2013 et 1% en 2008. En l’espace de dix ans, ce nouveau mode de consommation a bouleversé l’industrie musicale à tous les niveaux et a permis au rap d’exprimer pleinement son potentiel commercial. Du haut de leurs 5,5 millions d’abonnés payants et de leurs 57,6 milliards de streams annuels dans l’hexagone, les plateformes de streaming sont devenues des acteurs majeurs de cette transformation.

Parmi les facteurs de ce succès, un outil apparu il y a une cinquantaine d’années aux États-Unis et que certains voient déjà supplanter le format album : la playlist. Chaque jour, ce sont des centaines de milliers d’auditeurs qui confient leurs choix d’écoutes à ces sélections de morceaux, qui sont parfois devenues de véritables marques à part entière à l’image de la référence du mainstream outre-Atlantique Rap Caviar… Au point de se produire sur scène ! En France, c’est le cas du géant PVNCHLNRS, qui s’apprête à célébrer son million d’abonnés au cours de deux dates exclusives à Marseille et Paris.

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Les playlists, l’atout majeur des plateformes de streaming

En effet, si le streaming est en train d’exploser les compteurs, c’est en grande partie grâce aux playlists. En 2019, les deux tiers du temps global d’écoute des utilisateurs de Spotify sont effectués depuis des playlists (Goodwater). Il s’agit, évidemment, de playlists créées et partagées par les utilisateurs eux-mêmes (36%), mais aussi de playlists personnalisées générées par des algorithmes en fonction des écoutes de chacun (17%) et de playlists éditoriales, mises au point par les équipes de la plateforme de streaming suédoise (15%). Pour les artistes et les labels, elles constituent autant d’opportunités de se faire entendre, d’accroitre sa renommée et ses revenus par la même occasion : une étude menée en 2018 par la Commission européenne et l’Université du Minnesota indiquait ainsi que l’ajout d’un morceau à la playlist Today’s Hits pouvait augmenter ses écoutes de 20 millions, soit plus de 100.000 dollars de revenus supplémentaires à la clé. Pourtant, Antoine Monin, Directeur France & Benelux de la Musique chez Spotify, précise : « Les playlists ne sont pas des supports promotionnels, ce sont des préconisations d’écoutes réalisées par nos éditeurs. D’ailleurs, nous parlons des playlists liées à un genre musical mais beaucoup d’autres sont conçues pour correspondre à des humeurs ou à des moments. »

Il est essentiel de ne pas lasser l’auditeur

Puissants vecteurs d’écoutes, les playlists sont avant tout un moyen pour les plateformes de guider leurs consommateurs parmi une variété de sorties de plus en plus grande. Il s’agit à la fois de tenir l’auditeur au courant de l’actualité musicale du moment sous différents angles, de lui permettre de revivre les tendances des années 1990 et de découvrir de nouveaux genres… Tout en l’accompagnant dans sa vie de tous les jours, du bureau au grand ménage du week-end (« Le ménage en musique ») ! En étudiant de près la manière dont ses utilisateurs écoutent de la musique, Spotify cherche à coller à leurs attentes avec autant de précision que possible, sans jamais les enfermer dans des boucles trop répétitives. L’équipe de Spotify France précise : « Que ce soit dans nos playlists éditoriales ou algorithmiques, nous faisons toujours en sorte de faciliter la découverte de nouveaux artistes. C’est quelque chose d’essentiel pour ne pas lasser l’auditeur… » De la découverte de nouveaux talents à l’écoute guidée par l’humeur du moment, les playlists sont devenues de véritables compagnons de tous les jours pour beaucoup d’auditeurs… Au point de transformer la manière de faire de la musique ?

Entre mixtape et compilation, une rencontre qui fait des étincelles

Pour certains spécialistes, l’affaire est déjà bouclée : la playlist est destinée à devenir le nouveau standard de la musique. En face, l’album adopté par l’industrie durant la deuxième moitié du XXème siècle est en perte de vitesse, seuls 16% des adultes affirment en écouter tous les mois (MiDIA Research) ! L’affaire est loin d’être entendue, dans la mesure où l’album reste bon gré mal gré un passage incontournable dans la carrière de la plupart des artistes. Pourtant, l’influence de ce nouveau venu turbulent n’a pas tardé à se faire sentir, à commencer par l’un des genres les plus consommés en streaming : le rap. C’est Kanye West qui ouvre le bal en 2016 avec The Life of Pablo, conçu comme un album évolutif. À la manière d’une playlist, des titres sont modifiés, ajoutés ou retirés de la tracklist au gré des envies du rappeur de Chicago. Un an plus tard, Drake surenchérit avec More Life, un projet qu’il conçoit comme « une playlist pour vous donner une collection de titres qui deviendront la B.O. de votre vie »… Inspiré du fonctionnement de sa radio OVO Sound, ce concept fait le pont entre les plus récents développements du format playlist et ses origines.

Drake conçoit « More Life » comme une playlist

Drake, Kanye West aux Etats-Unis, Niska et Jul en France… Si le rap est le premier registre à accuser l’impact culturel des playlists, ce n’est pas entièrement dû à la jeunesse relative de son auditoire. La structure-même de la playlist, tout comme sa fonction, renvoient à des formats déjà présents depuis des années : la mixtape et la compilation. Les mixtapes apparaissent dans les années 1980, alors que la technologie permet pour la première fois à des particuliers de rassembler sur une unique cassette des titres copiés sur différents supports. Bientôt, c’est au tour des DJs d’adopter la mixtape et d’enregistrer sur cassette leurs performances en club afin de les commercialiser. Dans les décennies qui suivront, alors que les cassettes sont progressivement supplantées par les CDs puis le téléchargement, les mixtapes s’adaptent et évoluent avec leur époque. C’est également à cette époque que le rap traverse la grande époque des compilations, supports incontournables réunissant une sélection d’artistes et passage incontournable pour tout nouveau venu aux dents longues… Et si les playlists créées par les utilisateurs ne sont pas si éloignées des premières mixtapes maison, celles éditées par les plateformes de streaming ne sont pas sans rappeler le rôle des compilations dix ans auparavant !

Le rap en première ligne : quand les playlists débarquent sur scène

Quand les playlists révolutionnent la manière de concevoir les formats musicaux, le rap est aux premières lignes… Et quand les plateformes de streaming envisagent de produire ces mêmes playlists sur scène, c’est une fois encore le rap qui s’y colle ! Alors que More Life de Drake s’impose peu à peu comme l’un des cartons de l’année 2017, Spotify décide en juin de rassembler des artistes comme Gucci Mane, Lil Uzi Vert et Cardi B pour une tournée de six dates inspirée de sa playlist Rap Caviar (12,6 millions d’abonnés) et organisée par le géant Live Nation. En novembre, la plateforme exporte son initiative au Royaume-Uni, où sa playlist de musiques urbaines britanniques Who We Be est un véritable carton. Pour l’occasion, Dizzee Rascal, Giggs, J Hus et Stefflon Don se produisent devant 10.000 personnes à l’Alexandra Palace. Le succès de ces deux premières tentatives est concluant : Rap Caviar Live se voit adjoindre treize nouvelles dates incluant des performances de 2Chainz, Tory Lanez, Lil Pump et Migos, tandis que Who We Be envahit tour à tour l’O2 Academy Birmigham et l’O2 Victoria Warehouse. Mieux, d’autres genres se prêtent au jeu au travers des playlists Hot Country et Viva Latino…

C’est la première fois qu’une playlist se produit sur scène en France

Désormais, c’est au tour du rap français de reprendre le flambeau avec PVNCHLNRS : « C’est la première fois qu’une playlist se produit sur scène en France, c’est une manière de célébrer le cap du million d’abonnés et de mettre en avant le succès des musiques urbaines sur Spotify. Pour le moment, nous n’avons pas encore prévu de réitérer l’expérience avec une autre playlist… », témoigne Antoine Monin. Cette initiative coule de source, d’autant que la France figure sans conteste parmi les principaux marchés du rap à l’international. Pour refléter la diversité de cette scène, la plateforme de streaming annonce deux concerts exclusifs à Marseille (29 février 2020 au Silo) et à Paris (5 mars 2020 à L’Olympia) réunissant certains des artistes les plus en vue du moment : Niska, Leto, Naps, Maes, 13 Block, Zola… Pour offrir la meilleure expérience possible, elle fait appel à Yuma Productions, pionniers de l’urbain sur scène avec plus de 20 ans de bagage, pour organiser l’évènement. Il s’agit avant tout pour Spotify de matérialiser l’identité visuelle et sonore adoptée par PVNCHLNRS en novembre 2018 : « Nous avons voulu restituer sur scène l’univers de la playlist, au niveau du choix des artistes mais aussi de la scénographie. »

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