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Que vaut le dernier film des Chevaliers du Zodiaque ? [Dossier]

Que vaut le dernier film des Chevaliers du Zodiaque ? [Dossier]

Mercredi prochain sort La Légende du Sanctuaire, un reboot du manga culte né dans les années 80. Réalisé en images de synthèse, le long métrage est aussi attendu que redouté. Verdict.

Autant l’avouer d’entrée de jeu, l’annonce d’un nouveau Saint Seiya n’a pas déclenché l’hystérie des foules. Au contraire même, à la vue la bande-annonce c’est un frisson d’effroi qui a parcouru les plus fervents amateurs de l’univers imaginé par Masami Kurumada.

Avec des graphismes allègrement pompés sur Final Fantasy, des armures équipées de néons (!) à mi-chemin entre Pimp My Ride et Iron Man et une animation en imagerie de synthèses qui rappelle les heures les plus sombres de la saga Transformers, on nageait en pleine hérésie.

Tout cela sans oublier que le film se propose de reprendre l’arc du sanctuaire dans son intégralité, d’où cette question légitime : comment dézinguer douze chevaliers d’or en une heure et demi sans dézinguer le scénario ?

Et pourtant au final le film ne s’en sort pas si mal, proposant une relecture plutôt habile des évènements. Enfin cela dépend surtout du type de spectateur que vous êtes et de votre état d’esprit lors de la projection. À ce petit jeu il faut distinguer deux grandes catégories qui feraient mieux de passer leur chemin :

• Les néophytes, ceux qui ont été privés de télé depuis leur enfance et qui ignorent tout des pérégrinations du Chevalier Pégase et de sa bande. Si paradoxalement le film leur est en grande partie destiné, pour eux ça va être compliqué de l’apprécier pleinement tant l’intrigue survole l’historique des personnages et certains concepts clefs (le septième sens, la cosmo énergie, les constellations…)

• Les gardiens du temple, ces fanatiques au dernier degré pour qui toute entorse à l’œuvre originelle relève du blasphème. « Des masques à la place des casques ? Trahison ! Des pendentifs et non plus des Pandora box?! Sacrilège ! Les cheveux de Shun tendent plus vers le vert canard que le vert pomme ?!? Hara-kiri !!! » Ceux-là devraient s’administrer un suppositoire avant de sortir de chez eux (car de toute façon ils vont quand même aller le voir).

Pour les autres, ne boudons pas notre plaisir, La Légende du Sanctuaire constitue un divertissement de bonne facture pour peu qu’on prenne le film pour ce qu’il est. Soit un film d’action qui ne s’embarrasse pas de toute forme de complexité – ce qui fait on est d’accord un sacré bémol tant la série phare du Club Dorothée brillait par son sens de la nuance et sa profondeur (les divinités grecques et la mythologie c’est quand même autre chose que ces bourrins de Dragon Ball).

Et c’est reparti pour sauver Athéna, à croire qu’elle est pire que Zelda.

En même temps, on peut comprendre cette volonté des producteurs. Il y a 10 ans le dernier film de la franchise, Tenkai-hen Joso : Overture, avait engendré bon nombre de grattements de têtes du fait de son manque de clarté et des multiples interprétations dont il pouvait faire l’objet.

Là où le film pêche le plus c’est au niveau de sa durée. Trente minutes supplémentaires n’auraient pas été du luxe tant certains personnages, à commencer par tous les Chevaliers de Bronze qui ne sont pas Seiya, n’ont pas plus d’épaisseur psychologique qu’une figurine en plastique.

Quand la série proposait des portraits fins (comme la dualité du Grand Pope où l’ambiguïté de la relation entre Shun et Ikki) et des pistes de réflexion (sur le sens du devoir, la croyance, le poids du destin, les choix individuels…), le film joue à fond la carte de l’esthétique et des effets pyrotechniques.

Alors certes la beauté des décors (les maisons des Chevaliers d’Or sont magnifiques), la qualité l’animation (même si parfois on a un peu l’impression que c’est Michael Bay qui tient la caméra) et les jeux de lumières ne laissent pas indifférents, mais c’est au grand dam de toute intensité émotionnelle.

Le pire c’est que le film contient de nombreuses scènes de comédie passablement inutiles qui auraient méritées d’être coupées au montage – sans parler de ce pic de WTFuckerie que sont ces 5 minutes de comédie musicale dans la maison de la Balance – alors que dans le même temps certains combats d’anthologie sont purement et simplement passés à la trappe (l’affrontement dantesque entre Ikki et Shakka) ou dénués de toute symbolique (cf. le face à face façon concours d’imitations entre Yoga et son maître Camu grimé pour le coup comme un Predator).

Petit aparté, à chacun son avis sur le nouveau design des armures, mais bordel qui a eu l’idée de transformer certains Gold Saints en cyberpunks à chiens ?! Il faut le voir pour le croire : barbichette tressée avec des perles, piercing à la lèvre, tatouages… Tout cela donne l’impression qu’entre deux bastons les mecs squattent les halls de gare en écoutant Tryo.

Shakka versus Aiolia.

Malgré tous ses (nombreux) défauts le grand mérite du film reste de présenter une vision alternative des événements qui est parfois plus crédible que le manga.

On voit ainsi les Chevaliers d’Or se montrer plus en adéquation avec leurs valeurs – et un peu moins psychorigides face aux arguments de leurs adversaires. Bon nombre d’ailleurs se rebellent et participent même au combat final.

Le personnage de Saori/Athéna bénéficie aussi de ce lifting et ne se résume plus à cet aspect potiche empalée en bas des marches. Attention ce n’est pas encore Lara Croft, mais on se rapproche plus de la réincarnation de la déesse de la guerre – on la voit pousser le bouchon jusqu’à réprimander les Golds pour leur manque de jugeote et pour avoir tabassé Seiya.

Sans spoiler, on peut dire que certains twists n’ont rien de choquant et donnent du rythme à l’ensemble. Surtout le scénario abandonne une progression linéaire maison par maison au profit de l’action, ce qui permet de supprimer certaines incohérences (genre cette punchline en VF de triste mémoire « une attaque ne marche pas deux fois sur un chevalier ») – pour en rajouter d’autres certes, mais au moins on ne s’ennuie pas.

Au final cette Légende du Sanctuaire réussit donc à redonner un peu de sang-neuf à une saga qui commençait sérieusement à battre de l’aile depuis quelques années (les derniers animés Hadés, Next Dimension, Omega…) et rendrait presque curieux quant à une éventuelle suite.

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