Dossiers

Les 7 lois du prophète [DOSSIER]

Les 7 lois du prophète [DOSSIER]

Sorti il y a près d’une décennie dans les salles obscures, le cinquième film de Jacques Audiard se révèle toujours aussi riche en enseignements…

Tout juste majeur, Malik El Djebena est transféré à la Centrale pour purger six ans après avoir agressé un policier à l’arme blanche.

Plus frêle et plus fragile que les autres détenus, ne sachant ni lire ni écrire, sans protection aucune, son destin bascule le jour où César Luciani, le caïd corse qui tient la prison sous sa coupe, lui ordonne de tuer l’un des siens sous peine d’être tué.

C’est alors pour reprendre les mots d’Audiard que « ce jeune homme qui n’a pas d’histoire va s’en écrire une ».

Aux confins du film de prison, du film de gangsters et de l’étude sociologique, Un Prophète évite cependant soigneusement les clichés du genre (à commencer par l’absence de messages lourdingues et de scènes vues et revues en milieu carcéral) en jouant deux heures trente durant la carte d’un certain réalisme (ici un billet plié dans une semelle, là un meurtre aussi brutal que maladroit).

Portés par une mise en scène aussi étouffée qu’étouffante, les acteurs, qui à l’exception du magistral Niels Arestrup étaient tous de parfaits inconnus à l’époque (Reda Kateb, Adel Bencherif, Leïla Bekhti…), sont au diapason, Tahar Rahim en tête qui dans le rôle-titre apporte une émotivité et une détermination inédite.

Un peu Scarface, un peu Midnight Express, un peu Usual SupectUn Prophète s’autorise à regarder droit dans les yeux la crème du cinéma ricain.

Mieux, au-delà de cette virtuosité, le parcours self-made de ce personnage principal parti tout en bas de l’échelle du crime qui se mue par instinct de survie en gros bonnet dispense plusieurs leçons de vie sur lesquelles il n’est pas inintéressant de s’attarder.

À LIRE AUSSI 
8 films de gangsters encore et toujours sous-estimés

1. Apprendre, toujours apprendre

« L’idée c’est de sortir un peu moins con qu’on est rentré » lui avait confié Reyeb avant d’y passer.

Souvent dépeinte comme une école du crime, la prison va servir d’école tout court à Malik qui va très vite se distinguer, non pas par son intelligence en tant que telle, mais par son intelligence à vouloir développer son intelligence.

Couture, alphabet, corse, économie, narcotique… il assimile les connaissances quelle que soit la manière là où bon nombre de ses codétenus passent leurs journées à regarder par la fenêtre.

Bien plus que la violence, c’est son savoir qui permet de gagner le respect de ses pairs, puis de faire la différence.

2. Rester à sa place le temps qu’il faut

Plongé dans un monde labyrinthe dans lequel il lutte pour garder la tête hors de l’eau, Malik accepte dans un premier temps les tâches les plus ingrates.

Larbin des Corses qui le méprisent ouvertement, il ne fend pourtant jamais l’armure. Attendant patiemment son heure, il se rend utile et tisse des liens afin de monter les échelons.

À aucun moment, il ne cherche d’ailleurs à impressionner plus que de raison Luciani. Bien au contraire, il lui laisse tout le loisir de se sentir supérieur jusqu’à qu’aveuglé, il ne lui dévoile ses cartes que dans les derniers mètres de l’intrigue.

3. Le business avant tout

Souvent menacé arme à la main ou pris à parti, Malik n’est pourtant pas du genre à se laisser dicter sa conduite par les émotions.

Lattrache, les barbus, Latif l’Égyptien, et même certains Corses… tous ceux qui ont voulu lui faire la peau à un moment donné finiront par collaborer avec lui sans que cela ne déborde sur les affaires.

Loin de « penser avec ses couilles » dixit César ou de « devenir con » comme il le reproche lui-même à son pote Ryad qui mène avec un peu trop d’ostentation la vie de gangster, il reste focus sur ses objectifs.

4. Garder ses ambitions pour soi

S’il est très probable que Malik ait réévalué ses objectifs à la hausse en fonction des aléas de son parcours, personne n’en sait véritablement rien. Et pour cause : en mode poker face, jamais il ne dévoile ou ne laisse filtrer la moindre information.

Ayant définitivement banni de son vocabulaire les « J’vais faire » (si chers à ceux qui 9 fois sur 10 ne font rien du tout), il conserve ainsi une longueur d’avance dans l’exécution de ses tâches.

Et puis bon, être jugé à l’aune de ses actes et non de ses paroles pèse au final largement plus dans la balance.

5. La force du réseau

Brahim Lattrache a beau lui asséner que « faire le grand écart, c’est mauvais pour les couilles », à parler avec tout le monde (gardiens compris) Malik réussit à établir des ponts que nul n’a pu établir avant lui.

Plus politique que gangster (ou plus Michael Corleone que Tony Montana si vous préférez), il fait preuve d’une intelligence sociale rare, et ce d’autant plus dans un milieu aussi codifié que la prison.

Là encore pour se faire, un minimum de curiosité et de travail sur soi sont nécessaires pour se dépouiller de ses préjugés, quitte à faire l’effort de penser contre soi-même.

6. Saisir les opportunités quand elles se présentent

Dans les derniers plans du film, El Djebena quitte la Centrale en véritable chef de gang suivi par un convoi de voitures de luxe. Pas dit que si la scène lui avait été dépeinte six ans auparavant, il y aurait cru.

Oui, mais voilà entretemps certaines portes se sont ouvertes (trafic de shit entre Marbella et Paris, association avec Latif, accointances avec le milieu marseillais…), et notre larron a su sauter sur toutes les occasions pour rafler la mise.

À la revoyure, dommage que le très darwinien Survival of the Fittest des Mobb Deep ne figure pas sur la bande originale.

7. La vengeance est un plat qui se mange froid

Cent fois Malik aurait pu pêcher par précipitation et pourtant, ce n’est qu’une fois en place pour de bon qu’il laissera celui qui par la force des choses fut son mentor à son triste sort (finir ses jours seul à la merci de ses anciens ennemis).

C’est ensuite sans ostentation que celui qui clamait un peu plus tôt dans le film vouloir « régler les comptes quand ça vaudra vraiment le coup » savoure cette victoire avant de passer à la suite.

En même temps, quand c’est Leïla Bekhti qui vous attend à la sortie, ça aide.

À LIRE AUSSI 
8 films de gangsters encore et toujours sous-estimés

Dossiers

VOIR TOUT

À lire aussi

VOIR TOUT