Dossiers

Focus sur le phénomène Death Note [DOSSIER]

Focus sur le phénomène Death Note [DOSSIER]

Gros plan sur le manga culte de Tsugumi Ohba et Takeshi Obata.

Dans tout le flux de films, séries, ou autres animés d’hier et d’aujourd’hui, il y en a certains qui marquent plus que d’autres. Certains qui par un scénario innovant, des personnages mythiques ou encore leur portée mondiale et le message qu’ils apportent ont acquis le statut de culte. C’est le cas de Death Note. Le manga scénarisé par Tsugumi Ohba et dessiné par Takeshi Obata puis adapté en animé est devenu l’une de ces références, l’une de ces oeuvres dont on s’étonne que certains n’aient pas encore fait la découverte. Son succès mondial est tel que le cinéma américain se l’est approprié pour en faire un film disponible en France dès aujourd’hui sur la plateforme Netflix, prenant donc la suite de Ghost in the Shell, dernier manga transformé en grande production cinématographique plus tôt dans l’année.

Plus que beaucoup d’autres animés japonais, la grande force de Death Note est de convaincre un public très large. Des personnes non-initiées à l’univers des mangas s’y sont attelées en étant au départ sceptiques. Pour la majorité, cela a été une révélation, voire un déclic. Death Note, dont la publication a commencé en 2004 au Japon mais seulement en 2007 en France, a été adapté en série animée par Tetsuro Araki à partir de 2006 pour Nippon Television. C’est devenu un classique du genre et un cas unique qui fait parler dans tous les pays où il est distribué, que ce soit pour le livre ou l’animé. Nous vous proposons donc un éclairage pour tenter de décrypter les dessous du phénomène qu’est l’oeuvre de Tsugumi Ohba et Takeshi Obata.

Death Note c’est quoi ?

Dans le manga comme dans l’animé, on suit l’histoire de Light Yagami, un lycéen très intelligent révolté par le monde corrompu et plein de criminalité dans lequel il vit. Il tombe un jour sur un cahier nommé (vous l’aurez deviné) Death Note, relié à un Shinigami ou dieu de la mort en français, avec un mode d’emploi qui lui explique qu’il peut tuer n’importe quelle personne en inscrivant son nom dans le cahier sous certaines conditions. Une fois en possession du Death Note, Light fait la rencontre de Ryûk, le dieu de la mort à qui appartenait le cahier et qui va rester à ses côtés pour tuer l’ennui. Il décide alors d’utiliser sa trouvaille, sous le nom de Kira, pour débarasser le monde du mal en éliminant les criminels afin de créer un monde parfait. Très vite, Interpol se saisit de ce phénomène et une équipe est créée pour enquêter sur cette vague de décès. A sa tête, le mystérieux L est considéré comme le meilleur détective du monde. Light va aussi rencontrer Misa, un mannequin très connu qui est folle de lui et cache elle-aussi des secrets.

C’est donc l’intrigue de base, que l’on ne développera pas plus afin d’éviter de trop spoiler ceux qui ne l’auraient pas encore regardé. Mais Death Note, c’est surtout une opposition, un duel que se livrent deux génies qui cherchent l’un comme l’autre à se neutraliser. Si Kira est dès le début l’objectif de L, l’opposé devient vrai au fil du manga et les deux vont se livrer une intense bataille sur fond d’une opposition dans leur conception de la justice. C’est la base de Death Note, le contraste entre deux individus qui semblent complètement aux antipodes l’un de l’autre mais qui finalement sont beaucoup plus proches qu’on ne le croit.

Death Note en chiffres

30 millions – La barre du nombre de volumes vendus dans le monde qu’a franchi le manga en avril 2015. En 2013, c’était le 20ème le plus vendu, bien loin de Dragon Ball et One Piece qui ont tous les deux dépassé les 300 millions de ventes. Mais Death Note est plus récent que les autres oeuvres de ce classement et compte beaucoup moins de tomes. Si l’on prend en compte uniquement les mangas qui ont commencé à être publiés dans les années 2000, il est alors le 2ème plus vendu derrière Bleach. Mais ça, c’était avant l’avènement de l’Attaque des Titans…

10 – Le classement qu’occupe Death Note au classement des meilleurs mangas de l’histoire dans un sondage mené en 2007 par le Ministère de la Culture du Japon. Un sacré compliment quand on voit la quantité d’oeuvres que le pays a produit.

37 – Le nombre d’épisodes que compte l’animé, qui s’est terminé en 2008 en France. C’est très peu pour un manga considéré comme culte. A titre de comparaison, Bleach c’est 366 épisodes. Et on ne parle même pas des 802 de One Piece, qui est encore loin d’être fini !

13 – Le nombre de volumes cette fois du manga. Encore une fois très loin des 42 tomes de Dragon Ball ou des 34 de Hunter x Hunter.


7 – Le nombre d’adaptations en live-action déjà sorties à ce jour. Le film américain de Netflix sera donc la 8ème. On compte déjà 4 films japonais, une série et une mini websérie elles aussi japonaises, et même… une comédie musicale coréenne ! A noter également, même si ce n’est pas considéré comme une adaptation en live-action, qu’il existe aussi une pièce de théâtre basée sur Death Note. Preuve du grand succès du manga.

Un manga différent !

Ce qui fait de Death Note un phénomène, c’est avant tout le fait qu’il n’est pas comme les autres mangas populaires. Un animé comme Psycho-Pass s’en rapproche par exemple dans le concept et les thèmes abordés mais est loin de connaître le même succès.

L’excentricité du manga de Tsugumi Ohba et Takeshi Obata s’incarne déjà par son personnage principal. Light est un protagoniste posé, réfléchi, froid et manipulateur. Un parfait anti-héros à l’opposé de ce que l’on retrouve d’ordinaire dans les shonens (les mangas destinés aux jeunes hommes). Les personnages principaux des autres grands mangas mainstream ont un certain nombre de points communs dans leur profil. Ils sont généralement braillards, spontanés, un peu stupides (il faut bien le dire) mais attachants. Ca s’applique à Goku, Naruto, Gon, Luffy,… Ces spécificités du héros de Death Note, s’appliquent à l’oeuvre entière. C’est un univers sombre jusque dans les images de l’animé, très psychologique et avec assez peu d’action là où on s’attend généralement à retrouver des tonnes de combats épiques et un divertissement assez facile à suivre. C’est justement cette différence qui fait l’univers Death Note. Au final, c’est un vrai bon polar, un thriller qui n’aurait rien à envier à la majorité de ce que l’on retrouve dans le 7ème art pour les films du genre.

L’autre particularité qui explique le succès du manga, c’est la diversité des thèmes sensibles qui sont abordés. Bien sûr, celui de la justice est le premier qui ressort. L’oeuvre propose au départ deux points de vue opposés qui se tiennent, la vision de Light/Kira et celle de L. Ce qui nous amène à un deuxième thème, celui de la moralité, du bien et du mal. La démarche de Kira, aussi horrible soit-elle, se justifie. Kira incarne celui qui fait du mal en pensant faire le bien, et qui finit par se perdre entre les deux. Enfin, impossible de ne pas voir une référence à la religion. Light est l’exemple de l’Homme qui veut transcender sa condition humaine pour devenir un Dieu, de l’Homme qui en veut toujours plus et qui finit par aller au-delà des limites.

Au final, Death Note est un manga référence car il est l’un de ceux qui a su révolutionner les codes du genre et y imposer des thèmes qui d’ordinaire ne sont pas abordés. On pense cependant que les auteurs ont trop prolongé l’histoire et que la fin est décevante. Si la première partie est brillante, la seconde devient faussement complexe et les nouveaux personnages sont sous-exploités et franchement moins intéressants. On finit donc le manga avec une mauvaise note, qui nous rappelle que Death Note est finalement un peu comme les autre : imparfait.

Un film Netflix, mauvaise idée ?

On vous prévient tout de suite, on n’a pas encore pu voir le film. On dispose donc uniquement des informations qui ont déjà filtré sur ce long-métrage qui se déroule donc aux Etats-Unis, à Seattle plus précisément, et qui se veut être une « adaption libre » du manga originel. Le casting fait la part belle à la jeune garde du cinéma américain avec Nat Wolff (Nos étoiles contraires) dans le rôle de Light, Margaret Qualley (The Leftlovers) qui interprète Misa, et surtout l’excellent Keith Stanfield (Atlanta, Get Out) pour incarner L. A noter également que l’inquiétant Willem Dafoe, alias le Bouffon Vert dans la première trilogie Spider-Man, prête sa voix au Shinigami Ryûk. En adaptant Death Note, Netflix, qui a récupéré le projet des mains de Warner Bros, montre une belle ambition avec un budget d’environ 50 millions de dollars. Pas une maigre somme.

Alors quelles raisons expliquent le scepticisme autour de la sortie du film ? D’abord, l’américanisation d’un manga référence. Cela se traduit par des modifications mineurs mais significatives : Seattle supplante le Japon comme cadre du long-métrage, Light Turner remplace Light Yagami, Misa devient Mia. Du détail, certes, mais qui témoigne de la volonté des producteurs d’occidentaliser le manga. Surtout, les Américains ont pris la fâcheuse habitude de massacrer les bandes-dessinées japonaises qu’ils adaptent au cinéma. A commencer par l’hilarant (dans le mauvais sens du terme) Dragon Ball Evolution, qui a réussi l’exploit d’obtenir une note moyenne inférieure à une étoile sur le site Allociné. Les remakes américains ont en effet tendance à trop miser sur les effets spéciaux pour justifier les énormes budgets dont ils disposent, et s’éloignent ainsi de l’essence des oeuvres qu’ils adaptent. Pas étonnant que le film Death Note fasse donc peur aux fans « hardcore » du manga de Tsugumi Ohba et Takeshi Obata.

En attendant, il y a aussi des raisons d’être optimiste. La nature du film, un polar psychologique davantage basé sur des dialogues que sur des scènes d’actions spectaculaires, laisse penser qu’on ne devrait pas assister à une adaptation mâchée et remplie d’effets spéciaux extravagants. Le réalisateur Adam Wingard prévient aussi que le film est pour lui « une chance d’apporter une nouvelle approche à quelque chose de familier ». Une déclaration qui sous-entend que le film sera bien différent de l’oeuvre de base et non pas une copie « cheap » de l’animé. Les premières critiques qui fleurissent le net pour lequelles le Death Note de Netflix n’a que le concept en commun avec la bande dessinée japonaise mais reste un film cohérent et prenant le confirment. De quoi rassurer certains fans ouverts à une nouvelle interprétation, et inquiéter d’autres plus attachés à l’oeuvre d’origine. Alors, Death Note est-il une réussite ou une énième adaptation à jeter ? A vous d’en juger. En attendant, on vous propose un avant-goût de ce qui vous attend avec la bande-annonce officielle du long-métrage :

Dossiers

VOIR TOUT

À lire aussi

VOIR TOUT