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Le coup qui tue dans « Kill Bill » marche-t-il dans la vraie vie ?

Le coup qui tue dans « Kill Bill » marche-t-il dans la vraie vie ?

A l’occasion des quinze ans de la sortie du magnum opus de Quentin Tarantino avec Uma Thurman dans le rôle-titre, revenons sur la célèbre technique dite « des cinq points et de la paume qui font exploser le coeur »…

À en croire Bill assis au coin du feu en train de jouer de la flûte, la technique des cinq points et de la paume qui font exploser le cœur serait « la frappe la plus foudroyante de tous les arts martiaux ».

Mise au point par le légendaire prêtre de l’ordre du Lotus Blanc Paï Meï, elle consiste à toucher son adversaire du bout des doigts en cinq différents points de pression très précis, puis à laisser ce dernier s’éloigner. Cinq pas plus tard, son cœur explose à l’intérieur de sa poitrine tandis qu’il s’écroule sur place comme « foudroyé ».

Exécutée notamment ce jour « aux alentours de l’an 1003 » où, pour une histoire de salut non retourné, Paï Meï s’en est allé massacrer 60 moines Shaolin, la technique n’a cependant jamais été enseignée à personne par le cruel maître.

Personne… à l’exception de Beatrix Kiddo qui à la fin de la seconde partie de Kill Bill tuait de la sorte et à sa grande surprise ledit Bill.

Si la question de savoir quelles sont les raisons qui ont poussé Paï Meï à lui transmettre sa botte secrète demeure un mystère (lui qui pour rappel « déteste les caucasiens, méprise les Américains et de n’a que du dédain pour les femmes »), la question de savoir si elle est applicable hors des plateaux de cinéma alimente les débats depuis plus de quinze ans déjà.

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Il était une fois en Chine…

Dans la vraie vie, le wuxia (un genre littéraire prenant pour thème la chevalerie et se déroulant du temps de l’ancienne Chine) situe au douzième siècle l’origine du coup qui tue, communément appelé le « dim mak » en mandarin ou le « kyusho-jutsu » en japonais.

Zhang Sanfeng, le créateur du tai-chi-chuan (« la boxe du fait suprême » en VF), aurait alors supposément combiné sa science du combat à ses connaissances en matière d’acupuncture pour mettre au point une technique permettant de perturber la circulation du qi (l’énergie qui traverse le corps humain pour aller vite) en exerçant une légère pression sur certains points vitaux.

Si au premier abord le contact physique opéré paraît anodin (effleurement, pression brève d’un doigt…), il n’aboutit pas moins à la paralysie ou au décès de la personne sur laquelle il a été appliqué, et ce de manière immédiate ou différée.

Évidemment, du fait de sa complexité la maîtrise d’une telle technique ne se fait pas du jour au lendemain, sans compter que du fait de son efficacité elle ne peut être enseignée à n’importe quel disciple.

Maîtriser ce toucher de la mort impliquerait donc de ne sélectionner qu’une poignée d’élus dignes de perpétuer la tradition avant de les soumettre à des années d’entraînement intensif.

Société secrète, ésotérisme, ancestralité… posé de la sorte, il est aisé de comprendre pourquoi le dim mak nourrit tant les fantasmes depuis toujours.

Un mythe indissociable des arts martiaux

Au fil du temps de nombreuses controverses ont vu le jour autour de cette question, la plus célèbre de notre ère étant très certainement celle relative à la mort de Bruce Lee en 1973.

Les circonstances pour le moins louches qui entourent son décès soudain à 32 ans à peine (rupture d’anévrisme ? prise d’un médicament contre-indiqué ? empoisonnement ?) donnent rapidement lieu à toute une série de théories dont celle qui voudrait qu’il est été victime d’un toucher de la mort quelques semaines auparavant.

L’attaque aurait été portée par l’un de ses nombreux ennemis dans le monde des arts martiaux.

Bien qu’aucune preuve tangible ne soit jamais venue étayer cette allégation, la rumeur s’est faite des plus insistantes pendant de longues années, l’explosion des films de karaté couplée à l’intérêt croissant du public pour la discipline en tant que telle jouant pour beaucoup.

C’est donc sans surprise qu’est apparu en parallèle tout un business autour du coup qui tue, avec en premier lieu de nombreux maîtres clamant être les héritiers d’une obscure tradition asiatique, et qui, moyennant finances (livres, DVD, stages, cours du soir…), étaient tout à fait disposés à partager les secrets de leurs lignées.

Dans le désordre, cela donne tout un tas d’hurluberlus tendance gourous (George Dillman, Erle Montaigue, Tom Cameron, Dr. Michael Kelly…) dont le sensationnalisme des prospectus ne fait pas long feu à l’épreuve de la science – ou même d’une simple vérification biographique.

Mais peut-on vraiment faire exploser le cœur ?

Si la simple évocation du nom de la technique utilisée dans le film de Tarantino donne clairement à penser que tout ceci est un peu trop poétique pour être vraie, est-il cependant si absurde d’imaginer une attaque fatale qui cible l’organe le plus vital du corps humain ?

Après tout ne meurt-on pas d’un arrêt du cœur ? Maladies et accidents cardiaques ne comptent-ils d’ailleurs pas parmi les causes de décès les plus redoutés ?

Spoiler : d’une part, le cœur n’explose pas (quand bien même il se remplirait de sang), et de l’autre, il est dans l’organisme à la fois l’une des zones les plus protégées (merci la cage thoracique, le sternum et les poumons) et l’une des plus résistantes (aucun autre muscle n’est à ce point actif, les battements et l’irrigation sanguine étant permanents).

Du coup, ce n’est pas en aller tapoter du bout des doigts un quelconque méridien qu’il risque quoi que ce soit – sans compter que ces mêmes méridiens sont situés sur l’ensemble du corps (bras, jambes, torse…) et qu’au quotidien, ils sont touchés des dizaines de fois à plus ou moins forte intensité sans provoquer le moindre début de réaction.

En revanche pour ce qui est d’un résultat différé (non pas après cinq pas, mais après un ou plusieurs jours), théoriquement ce pourrait être possible étant donné que certaines commotions cérébrales ou hémorragies internes ne se font pas sentir immédiatement après un choc.

Le coup qui tue, du flan complet ?

Absolument pas. Malgré les réserves évoquées précédemment quant à une éventuelle technique fabuleuse, faire passer l’arme à gauche à un autre homme dans un combat à mains nues, c’est possible.

Que ce soit dans les arts martiaux ou dans les sports de combat, il existe des frappes qui peuvent être fatales lorsqu’elles sont portées avec le degré de précision, de rapidité et de force nécessaires (coup à la trachée, coup à la carotide et coup à la tempe).

Enfin dans le genre « coup magique », impossible de ne pas mentionner le KO au foie. Bien connu des boxeurs, ce coup-de-poing décoché au corps laisse l’adversaire comme paralysé au sol sans pour autant lui faire si mal que ça, la douleur s’estompant assez rapidement.

En somme le coup parfait pour calmer les ardeurs des similis Paï Meï qui s’y croiraient un peu trop.

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